Edo Konrad – 4 mars 2019
Osama Iliwat était censé prendre la parole dans des synagogues, des églises, et des universités dans tous les États-Unis sur le pouvoir de la non-violence et comment mettre fin au conflit israélo-palestinien. Au lieu de cela, il a été renvoyé en Palestine.
Un militant palestinien pour la paix s’est vu refuser l’entrée aux États-Unis la semaine dernière après avoir été abondamment questionné par les autorités frontalières américaines à propos de ses tendances politiques et sur les donateurs financiers et les dirigeants de l’organisation pour laquelle il travaille. Iliwat devait retrouver une adhérente juive-américaine de l’organisation pour une tournée de conférences dans des synagogues, des églises, et des campus universitaires à travers les États-Unis.
Osama Iliwat, 42 ans, originaire de Jéricho en Cisjordanie, avait un visa valide pour les États-Unis et il avait été autorisé à de nombreuses reprises à entrer dans le pays avant la semaine dernière.
Iliwat, un ancien policier de l’Autorité palestinienne qui a perdu ses illusions avec la violence de la Deuxième Intifada, a rejoint les Combattants pour la paix en 2014 en tant que coordinateur pour Jéricho-Jérusalem. Aujourd’hui, il est l’un des conférenciers de l’organisation, lançant des débats avec des Israéliens, des Palestiniens et des publics internationaux sur la non-violence en tant chemin vers la réconciliation. Il n’a jamais été déclaré coupable d’un crime et même Israël lui a remis un visa d’entrée général qui l’autorise à entrer dans le pays quand il le veut.
Durant son interrogatoire à l’aéroport JFK de New York, Iliwat a été questionné à maintes reprises sur les Combattants pour la paix et sur ses tendances politiques. Lors d’un entretien téléphonique avec +972, à son retour en Cisjordanie, Ilwat a déclaré que ses interrogateurs avaient concentré leurs questions sur les activités de l’organisation, demandant des informations sur ses fondateurs, leurs convictions et tendances politiques, sur la fréquence de ses entretiens avec eux, et s’ils avaient séjourné dans une prison israélienne. Iliwat a dit que les interrogateurs l’avaient également questionné sur les tournées que les Combattants pour la paix organisent en Cisjordanie, et sur le mouvement politique palestinien qu’il soutient.
Le militant palestinien pour la paix Osama Iliwat (à droite), ici dans le village de Jeb al-Deeb, au sud de Bethléhem, en Cisjordanie (Tatiana Gitlits/Combattants pour la paix).
Combattants pour la paix a été formée en 2006 en tant qu’organisation fondée par d’anciens soldats israéliens et combattants armés palestiniens qui se sont engagés dans l’action non violente contre « l’occupation israélienne et toutes les formes de violence ». L’organisation conduit des tournées en Cisjordanie, soutient différentes communautés en Cisjordanie qui font face à la violence des colons et de l’armée israélienne, et elle organise, depuis onze ans, un évènement alternatif du Memorial Day. Alors que les anciens soldats israéliens au sein des Combattants pour la paix ont servi dans une armée qui reçoit le soutien du gouvernement des USA, les combattants palestiniens sont souvent considérés comme d’anciens terroristes tant par Israël que par les États-Unis.
Après 12 heures d’interrogatoire, au cours desquelles son téléphone lui a été retiré à de multiples reprises, les agents lui ont demandé de signer une déclaration confirmant les réponses qu’il leur avait données, et qu’il avait compris qu’il lui était refusé d’entrer dans le pays. Personne ne lui a jamais dit pourquoi, affirme-t-il.
Les agents frontaliers ont ensuite apposé un tampon rouge sur son passeport, lui annulant son visa de trois ans pour les USA, puis ils lui ont passé les menottes pour aller à l’avion qui le ramenait à Doha.
« Certains membres de l’organisation ont participé à la lutte armée, il y a longtemps – certains ont même été envoyés en prison » poursuit-il. « Mais les anciens soldats israéliens sont autorisés à entrer, alors que les Palestiniens ont des problèmes. Je ne pense pas que ce soit contre moi, c’est contre le travail que je fais et contre l’organisation elle-même. Nos débats sur la paix ne les intéressent pas ».
Iliwat a déclaré que si les membres israéliens des Combattants pour la paix n’avaient aucune difficulté pour se rendre dans le pays pour des tournées de conférences, les membres palestiniens de l’organisation ont à plusieurs reprises rencontré des problèmes. Une adhérente a été renvoyée à l’aéroport Ataturk d’Istanbul alors qu’elle se rendait à New York après que des responsables américains eurent prétendu qu’elle n’avait pas les papiers nécessaires pour entrer dans le pays. Bassam Arameen, l’un des cofondateurs de Combattants pour la paix, qui a voyagé aux États-Unis à de multiples reprises dans le passé, a vu sa demande de visa rejetée. La même chose est arrivée à Ahmad Hilu et à Nour Shehadeh, deux membres palestiniens qui étaient invités à participer à une tournée de conférences aux USA.
La directrice exécutive des Amis américains des Combattants pour la paix, Beth Shuman, avec laquelle Iliwat devait faire la tournée, a déclaré à +972 que l’organisation était profondément déçue qu’il n’ait pas pu la rejoindre. La décision de lui interdire l’entrée met l’accent sur la réalité que certaines voix sont les bienvenues dans le pays pendant que d’autres ne le sont pas, ajoute-t-elle. « Nous avons fait entendre la voix d’Osama dans chacun des programmes – dans toutes les synagogues, les églises et universités où il était prévu que nous prenions la parole ».
« Je me demande comment le consulat des USA m’a accordé un visa de trois ans, et que j’ai pu entrer dans le pays quatre fois, sans que mon visa soit annulé » dit Iliwat. « Pourquoi devais-je être interrogé pendant 12 heures, gardé sans nourriture pendant des heures et menotté ? Ils ont passé la journée entière à travailler sur mon cas – suis-je réellement si important pour qu’ils me consacrent une journée entière ? ».
+972 a pris contact avec le porte-parole du Service des douanes et de la protection des frontières US pour avoir son commentaire. La réponse sera incluse ici si et quand elle sera reçue.
Traduction : JPP pour l’Agence Média Palestine
Source : +972