Pour la première fois, une Association académique européenne annule une conférence prévue en Israël

Judy Maltz  – 7 juillet 2019

Une association européenne de chercheurs en santé mentale a annulé son projet de tenir sa prochaine conférence en Israël, dans la crainte d’un retour de bâton de la part du mouvement international en faveur du boycott.

C’est la première fois qu’une organisation de ce type revient sur une décision déjà approuvée de tenir une conférence en Israël, ce qui montre que la campagne pour le boycott des universités israéliennes est en train de gagner du terrain.

Le Réseau européen pour l’évaluation de la qualité des services de santé mentale (ENMESH), qui comprend 400 membres, avait décidé lors de sa dernière conférence biennale qui s’est tenue début juin à Lisbonne, que sa prochaine réunion prévue pour l’été 2021 aurait lieu à Jérusalem. L’annonce officielle en a été faite le jour de clôture de cette conférence de trois jours.

Cependant, deux semaines plus tard, Mike Slade, professeur pour le rétablissement et l’insertion sociale en psychiatrie à l’Université de Nottingham, et qui préside le comité exécutif de l’ENMESH, a adressé une lettre aux membres de son conseil les informant de sa décision unilatérale de ne pas tenir la conférence à Jérusalem.

Il explique dans sa lettre, selon des sources concernées, que c’était avant tout une tentative visant à limiter les dégâts compte tenu des plaintes qu’il avait reçues contre le lieu choisi venant de plusieurs membres du conseil, et qu’il s’attendait à un autre retour de bâton. Il note dans la lettre que si l’organisation réalisait son projet de tenir sa prochaine conférence en Israël, elle pourrait s’attendre à passer les deux prochaines années entraînée dans une controverse et sous la pression de la campagne pour le boycott.

L’annulation a suscité l’indignation de certains membres de l’association : Haaretz a appris que Bernd Puschner, professeur de psychiatrie à l’Université d’Ulm en Allemagne, qui était alors le secrétaire du comité exécutif, avait démissionné il y a quelques jours pour protester. De même que David Roe, professeur de psychologie à l’Université de Haïfa, lui était le représentant d’Israël au conseil de direction.

La décision a provoqué également une lettre de protestation de la part de l’Association israélienne de réadaptation psychiatrique, laquelle compte de nombreux membres actifs à l’ENMESH. Dans sa lettre, Sylvia Tessler-Lozowick, présidente de l’organisation basée à Jérusalem, a qualifié l’annulation de « saisissante » et l’accuse d’être motivée par des considérations qu’elle dit « hors propos et déshonorantes pour une organisation professionnelle ».

« Pour certains d’entre vous, il s’agit d’une position idéologique », écrit-elle, « pour d’autres, d’une dérobade devant les désagréments générés par les idéologues. Quelles que soient vos raisons personnelles, vous avez mis en péril vos valeurs professionnelles au nom d’une affectation politique ».

Ilanit Hasson-Ohayon, professeure de psychologie à l’Université Bar-Ilan, près de Tel Aviv, était  membre du comité qui était chargé de planifier la prochaine réunion. Elle a dit à Haaretz que la proposition de tenir la conférence de 2021 à Jérusalem avait déjà été soumise deux années auparavant, lors de la précédente conférence de l’ENMESH qui se tenait aux Pays-Bas.

« Nous, les membres israéliens, n’étions pas à l’origine de cette initiative de tenir la conférence à Jérusalem » dit-elle. Quatre Israéliens, dont elle-même, avaient été nommés au comité chargé d’organiser la conférence de 2021. « Le dernier jour de la conférence à Lisbonne, nous nous sommes tous fait nos adieux en disant ‘à dans deux ans en Israël’ », dit-elle.

Interrogé par Haaretz sur sa décision, Slade écrit dans un courriel : « L’ENMESH est un réseau de recherche non officiel, sans infrastructure ni financement officiels. Nous avions initialement décidé de tenir notre conférence de 2021 en Israël. Plusieurs membres du conseil, de toute l’Europe, ont par la suite fait état de leurs préoccupations quant au lieu choisi, tandis que d’autres s’y sont montrés favorables. Dans mon rôle de président, je me suis entretenu avec de nombreux collègues au sein et en dehors du conseil de l’ENMESH, notamment avec des collègues d’Israël, sur la meilleure façon d’avancer compte tenu des opinions différentes exprimées par les membres du conseil.

« Suite à cette consultation, j’ai conclu qu’il était dans l’intérêt de l’ENMESH de modifier son projet. Même si je reconnais que la décision sera perçue par certains comme idéologique, ce n’est en réalité qu’une décision pratique prise dans le meilleur intérêt de l’ENMESH. Il n’a fallu aucune ‘intimidation’ et aucune déclaration n’a été faite sur la question de soutenir ou ne pas soutenir un boycott d’Israël ».

Le professeur Zvi Ziegler, coordinateur de l’effort interuniversitaire israélien qui vise à combattre les boycotts académiques, a confirmé que c’était bien la première fois qu’une organisation académique annulait sa décision de tenir une conférence en Israël. Et il demande au comité exécutif de l’ENMESH d’ « annuler l’annulation ».

En 2013, deux organisations académiques relativement petites, basées aux États-Unis – l’Association d’études asio-américaines et l’Association d’études américaines – ont voté en faveur du boycott des universités et institutions académiques israéliennes. Une initiative identique qui avait été prise par l’Association américaine des anthropologues, beaucoup plus importante, a été annulée en 2016.

En mars, le sénat de l’Université du Cap a voté pour l’imposition d’un tout premier boycott général sur toutes les institutions académiques israéliennes et les universitaires israéliens. Cette décision est actuellement examinée par les autorités supérieures de l’université, mais elle n’est pas totalement remise en question.

Traduction : JPP pour l’AURDIP et l’Agence Media Palestine
Source : AURDIP

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