Contrer la Nakba palestinienne : Un Etat Pour Tous – Critique du livre

Vendredi 12 juillet 2019

Chaudement recommandé en tant que ressource pour les étudiants de la politique du Moyen Orient, les universitaires, les militants et les journalistes.

Revu par Rifka Al-Amya

(Eid Haidar (Ed.). Countering the Palestinian Nakba : One State for All.

Noor Publishing : Bahnhofstrase, Allemagne, 2017)

L’attention du monde entier a été mobilisée par la déclaration irréfléchie de Donald Trump sur la solution à un Etat au conflit israélo-palestinien, un précédent dans l’intervention américaine au Moyen Orient. Jamais aucun président américain n’a mentionné la solution à un Etat. La solution de Trump, cependant, n’est pas un Etat laïque et démocratique dans lequel tous les citoyens sont égaux, quels que soient leur origine ethnique, leur religion, leur genre et leur race. Son Etat est un Etat d’apartheid, le Sud américain sous les lois de Jim Crowe, où les Palestiniens sont traités comme des citoyens de deuxième classe par les Israéliens qui se trouvent être nés de mères juives.

D’où l’importance de ce nouveau livre, Contrer la Nakba : Un Etat pour Tous, auquel a contribué l’universitaire et militant Haidar Eid qui vit à Gaza.

Que pensent les intellectuels palestiniens, américains et israéliens antisionistes des « plans de paix » qui ont échoué ? De la résistance ? Qu’est-ce qu’une solution juste face à 69 ans de dépossession ?

Tandis que les journalistes internationaux, les commentateurs et les experts politiques spéculent au sujet des perspectives de paix entre l’Israël d’apartheid et les Palestiniens colonisés, beaucoup restent moins qu’optimistes étant donné le perpétuel mépris d’Israël pour les droits des Palestiniens, l’expansion des colonies et la construction du Mur d’Apartheid, et le blocus de la Bande de Gaza et sa transformation en camp de concentration le plus grand du monde.

Contrer la Nakba est le rassemblement d’écrits analytiques sur le conflit, nourri presque entièrement de travaux d’intellectuels et de militants critiques de l’idéologie politique dominante au Moyen Orient. En présentant les voix d’intellectuels et de militants américains, israéliens antisionistes et palestiniens issus d’un large éventail d’institutions universitaires et d’organisations de la société civile, ce livre offre « un regard en profondeur sur la façon dont des programmes et des combats politiques alternatifs peuvent ouvrir des perspectives vers une paix juste ».

Les six chapitres, ainsi que l’introduction, des contributeurs apportent un éclairage sur les mythes du « processus de paix », les stratégies de la résistance palestinienne et la plausibilité de la solution raciste à deux Etats.

D’importants universitaires et militants examinent la question de la gouvernance palestinienne, pré et post Arafat et Oslo. Un chapitre d’Haidar Eid, le Conflit Sionistes-Palestiniens, essaie de présenter un autre récit, celui de Palestiniens marginalisés, et traite de la transformation de la société palestinienne après la formation de l’AP, le manque d’un système juridique juste et d’une judicature indépendante, le mépris pour l’état de droit, la violation des droits individuels et collectifs, la corruption et la répression sur l’opposition politique.

Les auteurs discutent des réelles possibilités de paix dans le contexte de l’expansion continue des colonies illégales et des routes de contournement israéliennes, la confiscation de la terre palestinienne pour construire son Mur « de séparation », et le refus constant de débattre sur le Droit au Retour des Palestiniens. Une solution à un Etat devient-elle plus vraisemblable ? Combien les Israéliens sont-ils prêts à donner, et sur quoi les Palestiniens opprimés ne pourront-ils jamais céder ? Le titre de la contribution d’Ilan Pappe est très éloquent : La Palestine Une : Présent, Passé et Perspectives d’avenir.

Les questions soulevées par Haidar Eid dans l’introduction résument les sujets essentiels traités par les auteurs : que doit-on faire après l’effondrement total de la façade des différents « processus de paix » et l’échec des solutions ? Y a-t-il des solutions alternatives ? Faire entendre la voix d’intellectuels américains (Clare Brandabur), israéliens (Tanya Reinhart et Ilan Pappe) et palestiniens (Haidar Eid et John Halaka) issus d’un large échantillon d’institutions universitaires et d’organisations de la société civile.

Tous les contributeurs de ce livre croient que la seule solution juste au conflit est « la mise en place d’un Etat unitaire dans lequel tous les habitants sont traités équitablement quelles que soient leur religion et leur origine ethnique, après l’application de la résolution 194 de l’ONU qui demande le retour de tous les réfugiés palestiniens et leur dédommagement ».

Elle implique une critique très vive des Accords d’Oslo (Reinhart, Eid et Pappe). Clare Bradabur, dans un chapitre percutant intitulé Feuille de Route vers le Génocide, démontre que la totalité des pratiques israéliennes depuis 1948 font preuve d’une tentative délibérée pour annihiler et déposséder la population palestinienne et « relève » par conséquent « de la rubrique de génocide ».

La contribution de John Halaka, Les Etrangers de L’Intérieur, explore ce qu’il appelle « l’identité complexe » des Israéliens-Palestiniens en étudiant le travail artistique de plusieurs artistes israéliennes-palestiniennes, et la façon dont l’histoire et l’image de l’opprimé est « toujours en conflit avec l’image et l’histoire imposées par l’oppresseur ».

Le chapitre rédigé par Tanya Reinhart est un des derniers textes qu’elle a écrits avant sa mort prématurée. Dans sa conférence en Mémoire d’Edward Saïd (2006) à l’université d’Adelaïde, le professeur Reinhart explique que le « meilleur » paquet israélien offert par Ehud Barak aurait donné aux Palestiniens un « Etat » tronqué et non souverain contre la cessation de tous les droits et revendications sur la Palestine historique, y compris le droit au retour.

Deux contributions de Haidar Eid, ainsi que l’introduction, soulèvent quelques questions extrêmement importantes sur le rôle joué par « l’intelligentsia d’Oslo » en créant, chez les Palestiniens ordinaires, « l‘impression mensongère » qu’Oslo conduirait à un « Etat souverain, indépendant » ! Le titre du chapitre sur les intellectuels d’Oslo est : Représentations de l’Intelligentsia d’Oslo. C’est une « interprétation Fanonienne du paysage intellectuel de la Palestine d’après Oslo ». Eid conclut avec un autre chapitre intitulé Le Conflit israélo-palestinien : Récit Alternatif, dans lequel il essaie d’envisager une solution à venir de nature non sectaire : un Etat laïque et démocratique pour tous.

Ce livre est arrivé à obtenir des critiques passionnantes d’une associaation de Sud-Africains anti-apartheid très engagés et d’universitaires/militants palestiniens. Le combattant anti-apartheid et ancien ministre du gouvernement sud-africain, Ronnie Kasrils, a fait l’éloge du livre en disant que :

« La noble cause de la Palestine aujourd’hui s’impose comme la lutte contre l’apartheid en Afrique du Sud hier. Ce formidable rassemblement d’essais livre un aperçu très nécessaire sur un avenir possible. L’écriture brillante de ces éminents militants et intellectuels explore et inspire une solution alternative aux 69 ans d’oppression brutale et d’injustice dans la Palestine historique. »

Et le professeur Salman Abu Sitta, fondateur de l’Association pour la Terre de Palestine, dont les recherches sur le droit au retour sont connues de tous le militants qui luttent pour la justice en Palestine, fait observer :

« Le nettoyage ethnique de la Palestine est l’événement le plus dévastateur des 5000 ans d’histoire de la Palestine. Il se poursuit avec la même force aujourd’hui. Dans cette collection d’essais, des universitaires et militants distingués transpercent le mur du silence qui lui est imposé en Occident, présentent ses tragiques dimensions et proposent un remède pour écarter ce mal. »

Nadia Hijab, directrice générale d’Al-Shabaka, Réseau Politique palestinien, écrit :

« Malgré son enfermement sous le siège de Gaza par Israël, soutenu par les Egyptiens, les efforts inlassables d’Haidar Eid pour promouvoir la justice pour le peuple palestinien ont tout récemment abouti à ce recueil d’essais. Ce volume est un défi face à ceux qui défendent encore le modèle à deux Etats pour la paix entre Israéliens et Palestiniens, et ces essais présentent l’exemple raisonné d’ « un Etat unitaire dans lequel tous les habitants sont traités équitablement quelles que soient leur religion et leur origine ethnique », comme spécifié dans l’introduction. A un moment où Israël cherche à légaliser aux yeux du monde ses 50 ans de projet de colonisation du territoire palestinien occupé, il est vital d’imaginer et de débattre de perspectives alternatives conformes aux droits de l’Homme plutôt qu’à leur violation. Ce volume contribue à cet objectif. »

Et l’auteur et journaliste palestinien renommé, Dr. Ramzi Baroud, le recommande :

« Une expression essentielle, inébranlable de la seule vraie ‘feuille de route’ pour renverser le génocide permanent en Palestine. Contrer la Nakba explicite la solution évidente à une tragédie qui a causé d’innombrables morts et causé d’épouvantables souffrances pendant des décennies. Une lecture raisonnable, intelligente de la situation en Palestine et en Israël, et un regard raisonnable vers un avenir partagé. Une lecture fortement recommandée. »

C’est pourquoi il est vivement recommandé en tant que ressource pour les étudiants en politique du Moyen Orient, aux universitaires, aux militants et aux journalistes.

– Rifka Al-Amya vit à Gaza. Elle est membre de l’Association pour Un Etat Démocratique et militante BDS. Elle a contribué à cet article pour PalestineChronicle.com.

Traduction : J. Ch. pour l’Agence Média Palestine
Source : Palestine Chronicle

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