Les médias utilisent les « meurtres ciblés » pour mettre hors de cause les attaques israéliennes

Michael F. Brown – The Electronic Intifada – 14 novembre 2019

Les médias ont qualifié la mort de Baha Abu al-Ata de « meurtre ciblé » par l’armée israélienne, mais ces femmes pleurent à la fois la mort de Baha Abu al-Ata et aussi celle d’Asma Abu al-Ata, son épouse. (Rizek Abdeljawad Xinhua)

L’attaque « ciblée » ou « meurtre ciblé » est de retour. Les grands médias ne peuvent tout simplement pas résister à de tels termes, même quand la formulation est manifestement mensongère.

The New York Times décrit Baha Abu al-Ata, qui a été tué dans une frappe aérienne israélienne mardi matin, comme un commandant en chef du Jihad islamique palestinien. 

Adoptant le langage de l’armée israélienne, The Times écrit : « les attaques ciblées contre les dirigeants militants ont déjà conduit à la guerre, et Israël y a renoncé dans le passé ».

Sauf que ce n’était pas une attaque « ciblée ».

Dans le troisième paragraphe, ce journal de référence note qu’Asma Abu al-Ata, l’épouse du commandant, a aussi été tuée dans l’attaque sur leur maison dans le quartier de Shujaiyeh de la ville de Gaza.

Ce n’est qu’au 24e paragraphe qu’il est noté que l’un des jeunes fils d’Abu al-Ata a lui aussi été blessé.

Un article de l’AP, repris par ABC News, se réfère à « une rare reprise des ciblages identifiés ».

Un article séparé de l’AP, publié par The New York Times, évite jusqu’à l’absurdité de citer l’agence, déclarant : « Baha Abu al-Ata et son épouse sont morts alors qu’ils dormaient dans leur maison dans l’est de Gaza ».

La déformation des faits est particulièrement flagrante dans un autre article de l’AP dans ce qu’elle appelle des « meurtres ciblés ». 

Elle rapporte qu’en juillet 2002, « le commandant militaire en second du Hamas,             Salah Shehadeh, a été tué par une bombe d’une tonne larguée sur un immeuble ». C’est vrai, mais jusqu’à un certain point.

Car la réalité incontournable est bien plus sinistre. Selon The New York Times, ce sont au moins 11 personnes qui ont été tuées dans l’attaque israélienne, dont plusieurs enfants, et plus de 100 personnes y auraient été blessées. C’est bien ce qui arrive quand une bombe de cette taille est larguée sur une zone résidentielle très peuplée – et il ne s’agit pas d’un « meurtre ciblé ».

Oren Libermann, de CNN, dans un clip promu par le réseau, n’a pas pris la peine de faire mention du meurtre d’Asma Abu al-Ata, ni d’aucune des blessures subies par un enfant de la famille.

Le correspondant de CNN qui présentait Liebermann indique : « Les militants de Gaza tiraient des dizaines de roquettes sur Israël, dont l’une a manqué de peu plusieurs voitures » sur une route en Israël.

Les victimes civiles palestiniennes, cependant, n’ont pas mérité d’être citées.

D’abord, Liebermann a attribué le terme de « meurtre ciblé » à l’armée israélienne – le qualifiant aussi d’« assassinat » – puis, il a déployé simplement le terme comme étant la description appropriée de ce qui était apparu.

En revanche, le groupe Al Mezan, un groupe de défense des droits humains basé à Gaza, a qualifié le meurtre d’Abu al-Ata par Israël d’ « exécution extrajudiciaire » qui a « porté atteinte à des vies et des biens de civils ». 

Naomi Zeveloff, de la NPR, se réfère également à l’incident comme à un « meurtre ciblé » même si, contrairement au clip de Liebermann, elle mentionne la mort d’Asma Abu al-Ata.

The Los Angeles Times le présente en fait comme « une frappe chirurgicale », tout en notant dans la foulée qu’Asma Abu al-Ata « était aussi décédée ». Un médecin aurait bien du mal à qualifier de « chirurgicale » une intervention où le patient du lit d’à côté se fait tuer lui aussi.

La BBC a posé un problème d’un autre ordre en laissant l’espace à Ronen Bergman – qui, en dépit de son parti pris, est toujours en quelque sorte un rédacteur attitré du The New York Times Magazine – pour qu’il donne de l’effet aux développements du jour.

Le scientifique Jareer Kassis, qui fournit aussi des analyses sur la Palestine, a demandé à la BBC de donner la priorité à Bergman plutôt qu’à des Palestiniens « sous blocus ».

L’hypocrisie de l’armée israélienne

L’armée israélienne a publié un tweet bizarre au milieu de la violence de mardi, prétendant que « les enfants ne sont PAS pris pour cible. Que les hôpitaux ne sont PAS pris pour cible ». Puis l’armée affirme, « les terroristes qui la ciblent, le sont ».

L’hypocrisie a été évidente le jour où l’armée israélienne a tué aussi l’épouse d’une « cible » dans une attaque sur Gaza.

Dans une autre attaque attribuée à Israël, le fils d’un autre responsable du Jihad islamique, Akram al-Ajouri, a été tué à Damas.

En plus de cette victime, l’AP rapporte également qu’un homme, appelé Abdullah Yousef Hassan – qui serait un garde du corps – avait lui aussi été tué, ainsi qu’une petite-fille d’al-Ajouri, et que neuf autres civils auraient été blessés dans la frappe de Damas qui a détruit un immeuble de trois étages.

Selon d’autres articles, ce ne serait pas sa petite-fille qui a été tuée, mais plutôt sa fille qui a été blessée.

Ces victimes parmi les personnes à proximité, des témoins, ont longtemps été le résultat des frappes militaires israéliennes.

Dans son rapport annuel sur les droits de l’homme, le Département d’État déclare en 2003 : « Les forces de sécurité israéliennes ont ciblé et tué au moins 44 Palestiniens, dont beaucoup était des terroristes ou des terroristes présumés. Les forces israéliennes ont commis beaucoup de ces meurtres ciblés dans des zones où il était probable qu’il y aurait des victimes civiles, tuant dans ces conditions 47 civils, dont des enfants ».

Plus de 15 ans après la publication de ce rapport, l’armée israélienne poursuit sa politique meurtrière à l’égard des personnes témoins et continue de le faire avec l’indulgence de nombreuses sources d’information occidentales qui ont fait leur la terminologie orwellienne de la propagande israélienne. 

Traduction : BP pour l’Agence Média Palestine

Source: Electronic Intifada

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