Choix d’extraits du jugement

Incontestablement, l’appel au boycott de produits israéliens relève du droit à la liberté d’expression protégé par l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme.
Source : Saphir News

Par l’Agence Média Palestine, le 15 juin 2020

  1. « La condamnation des requérants s’analyse en une « ingérence » dans l’exercice par eux de leur liberté d’expression. Cela n’a du reste pas prêté à controverse entre les parties. » (§58)
  2. « Le boycott est avant tout une modalité d’expression d’opinions
    protestataires. L’appel au boycott, qui vise à communiquer ces opinions tout en appelant à des actions spécifiques qui leurs sont liées, relève donc en principe de la protection de l’article 10 de la Convention
    . » (§63)
  3. « L’appel au boycott constitue cependant une modalité particulière d’exercice de la liberté d’expression en ce qu’il combine l’expression d’une opinion protestataire et l’incitation à un traitement différencié de sorte que, selon les circonstances qui le caractérisent, il est susceptible de constituer un appel à la discrimination d’autrui. Or, l’appel à la discrimination relève de l’appel à l’intolérance, lequel, avec l’appel à la violence et l’appel à la haine, est l’une des limites à ne dépasser en aucun cas dans le cadre de l’exercice de la liberté d’expression (voir, par exemple, Perinçek, précité, § 240). Toutefois, inciter à traiter différemment ne revient pas nécessairement à inciter à discriminer. » (§64)
  4. « D’autre part, c’est manifestement pour provoquer ou stimuler le débat parmi les consommateurs des supermarchés que les requérants ont mené les actions d’appel au boycott qui leur ont valu les poursuites qu’ils dénoncent devant la Cour. » (§70)
  5. « La Cour observe ensuite que les requérants n’ont pas été condamnés pour avoir proféré des propos racistes ou antisémites ou pour avoir appelé à la haine ou à la violence. Ils n’ont pas non plus été condamnés pour s’être montrés violents ou pour avoir causé des dégâts lors des événements des 26 septembre 2009 et 22 mai 2010. Il ressort du reste très clairement du dossier qu’il n’y eut ni violence, ni dégât. L’hypermarché dans lequel les requérants ont mené leurs actions ne s’est d’ailleurs pas constitué partie civile devant les juridictions internes. » (§71) La discussion politique, telle que celle de BDS, est une question d’intérêt général, essentielle dans une société démocratique.
  6. « En d’autres termes, le juge interne n’a pas établi qu’au regard des circonstances de l’espèce, la condamnation des requérants en raison de l’appel au boycott de produits en provenance d’Israël qu’ils ont lancé était nécessaire, dans une société démocratique, pour atteindre le but légitime poursuivi, à savoir la protection des droits d’autrui, au sens du second paragraphe de l’article 10. » (§77)
  7. « Une motivation circonstanciée était pourtant d’autant plus essentielle en l’espèce qu’on se trouve dans un cas où l’article 10 de la Convention exige un niveau élevé de protection du droit à la liberté d’expression. En effet, d’une part, les actions et les propos reprochés aux requérants concernaient un sujet d’intérêt général, celui du respect du droit international public par l’État d’Israël et de la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés, et s’inscrivaient dans un débat contemporain, ouvert en France comme dans toute la communauté internationale. D’autre part, ces actions et ces propos relevaient de l’expression politique et militante. La Cour a souligné à de nombreuses reprises que l’article 10 §2 ne laisse guère de place pour des restrictions à la liberté d’expression dans le domaine du discours politique ou de questions d’intérêt général. » (§78)
  8. « Par nature, le discours politique est source de polémiques et est souvent virulent. Il n’en demeure pas moins d’intérêt public, sauf s’il dégénère en un appel à la violence, à la haine ou à l’intolérance. Là se trouve la limite à ne pas dépasser. » (§79)
  9. « La Cour en déduit que la condamnation des requérants ne repose pas sur des motifs pertinents et suffisants. Elle n’est pas convaincue que le juge interne ait appliqué des règles conformes aux principes consacrés à l’article 10 et se soit fondé sur une appréciation acceptable des faits. » (§80)

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