Par Josh Ruebner, le 27 novembre 2020
Le Congrès américain a finalisé le texte d’une loi qu’il veut absolument faire passer avant sa suspension annuelle, la loi relative au budget de la défense nationale (National Defense Authorization Act, NDAA), qui inclut une flopée d’importantes mesures pro-Israël.
La NDAA établit les niveaux de financement du Pentagone et fixe beaucoup de priorités du ministère de la Défense et de la politique étrangère.
La semaine dernière, le Sénat a voté sa version de cette loi mammouth, qui totalise près 1800 pages. La Chambre des représentants, ayant voté sa propre version en juillet, a rejeté celle du Sénat.
La Chambre et le Sénat étant incapables de se mettre d’accord, la loi est allée en négociations pour accorder les différences entre les deux versions.
Pendant ces négociations de couloir, les législateurs se sont mis d’accord sur une version du projet de loi avant de le renvoyer à la fois à la Chambre et au Sénat pour un vote final pro forma.
Un flot d’armes à Israël
L’aspect le plus remarquable est que la version de la loi venant du Sénat inclut les dispositions de la Loi d’assistance entre les Etats-Unis et Israël pour 2020 sur les questions de sécurité, à l’origine une loi séparée qui a été soudée à la NDAA en juillet.
Ce projet inscrirait dans la loi l’engagement du gouvernement Obama à offrir 3,8 milliards de dollars par an en armement à Israël. De plus, il établirait ce niveau d’aide comme une somme plancher et non plafond.
Le projet promet à Israël « un minimum de 3,3 millards de dollars annuels en financements pour des armes », plus 500 millions de dollars pour des projets de défense antimissile.
Il permettrait au Congrès d’affecter des armes à Israël à un niveau dépassant le munificent protocole d’accord de 2016 envisagé par le gouvernement Obama.
Le projet contient aussi une longue liste de souhaits pour d’autres dispositions en faveur d’Israël, dont la plus cruciale est une extension de cinq ans de l’autorisation du Pentagone à stocker des armes dans le pays. Israël peut accéder à ce stock en cas d’urgence pour accroître rapidement les armes américaines qui sont déjà dans son arsenal.
En même temps que le Sénat rattachait ce projet à la NDDA, il refusait par ailleurs de prendre en considération un amendement écrit par Chris Van Hollen, un sénateur démocrate du Maryland. Soutenu par 12 autres sénateurs, l’amendement aurait interdit que des armes américaines soient utilisées par, ou servent à entraîner, les forces israéliennes dans le territoire palestinien illégalement annexé selon le plan de « paix » du gouvernement Trump.
En plus de l’autorisation permanente de 500 millions de dollars pour les programmes communs USA-Israël de défense anti-missile, la version du Sénat pour la NDAA inclut aussi une nouvelle disposition pour établir un groupe de travail USA-Israël sur les opérations et la technologie.
Ce groupe travaillerait à « identifier et à déployer au plus vite les capacités dont les forces militaires des deux pays ont besoin pour dissuader et vaincre leurs adversaires respectifs ». Il est conçu pour intégrer davantage la recherche commune américaine et israélienne sur les armes, ainsi que son développement, son financement et son déploiement
Munitions accélérées
La version du Sénat appelle aussi le Pentagone à « des livraisons accélérées de munitions à guidage de précision en Israël ».
Bien que la version de la loi venant de la Chambre ne contienne pas ces importantes nouvelles dispositions pour Israël, il y a de fortes raisons de croire que la version finale de la NDAA qui sera envoyé au président ressemblera davantage à la version boursouflée du Sénat.
Ceci parce que la présidente de la Chambre, Nancy Pelosi, a nommé trois membres avec d’irréprochables qualifications pro-Israël pour aplanir les différences avec le Sénat sur les dispositions sous la juridiction du Comité pour les Affaires étrangères.
Ces membres sont Eliot Engel, représentant démocrate de New York ; Brad Sherman, représentant démocrate de Californie ; et Michael McCaul, représentant républicain du Texas.
Engel est le président sortant du Comité des Affaires étrangères dont l’échec aux primaires devant le nouveau-venu Jamaal Bowman a été un revers important pour le lobby pro-Israël.
Sherman est de longue date un soutien belliciste d’Israël qui cherche à remplacer Engel comme président du comité. Dans les derniers mois, il a légèrement modéré ses positions pour attirer les éléments les plus progressistes du parti démocrate. Par exemple il s’oppose à l’utilisation des dollars américains venus des impôts pour implémenter l’annexion israélienne.
McCaul est le Républicain de plus haut rang dans le comité et l’un des chefs de file parmi ceux qui, au Congrès, cherchent à saper le mouvement pour la liberté, la justice et l’égalité palestiniennes grâce aux campagnes de boycott, désinvestissement et sanctions contre Israël.
Le soutien de ces membres pour les dispositions supplémentaires en faveur d’Israël dans la version du Sénat pour la NDAA est presque assuré, étant donné que la Chambre a déjà voté l’an dernier une loi similaire à la loi d’assistance entre les Etats-Unis et Israël sur les questions de sécurité.
Cette législation était encore plus extrême que le projet de loi du Sénat et autorisait un échappatoire dans la loi sur le contrôle des exportations d’armes qui permette à Israël de recevoir des quantités illimitées d’armes, libres de toute contrainte sur leur usage, en cas d’urgence déclarée par le président.
Il est probable que la Chambre valide la version du Sénat pour la NDAA en ce qui concerne Israël.
Ce faisant, le Congrès offrira une « aubaine finale sans précédent à Israël », selon les termes de l’analyste expérimentée du Capitole Lara Friedman, point culminant de la partialité incomparable de la politique des Etats-Unis pendant l’ère Trump.
Josh Ruebner est assistant à l’université Georgetown, et dirige American Muslims for Palestine. Il est l’auteur de Israel: Democracy or Apartheid State? et de Shattered Hopes: Obama’s Failure to Broker Israeli-Palestinian Peace. Les opinions exprimées ici sont celles du seul auteur et ne représentent pas une organisation.
Source : The Electronic intifada
Trad. CG pour l’Agence Media Palestine