Des organisations palestiniennes étudient le ‘Rapport sur les Activités 2020 de l’Examen Préliminaire’ et demandent à la Procureure de la Cour Pénale Internationale d’ouvrir une enquête sur les crimes internationaux dans les TPO

Le 6 janvier 2020

Al Haq, le Centre Al Mezan pour les Droits de l’Homme, le Centre Palestinien pour les Droits de l’Homme, et Al Dameer (les organisations) expriment leur inquiétude devant le temps conséquent passé depuis l’ouverture en janvier 2015 du deuxième examen préliminaire sur la Situation en Palestine, et depuis la fermeture de cet examen préliminaire en décembre 2019, lorsque le Bureau de la Procureure a déterminé « que tous les critères statutaires selon le Statut de Rome pour l’ouverture d’une enquête étaient réunis ».[1] Les victimes de la poursuite de crimes clairement évidents, soumises à une intensification de l’occupation, des discriminations et de la violence, exigent l’ouverture immédiate, à tout le moins, d’une enquête officielle sur la Situation dans l’État de Palestine. L’urgence de cette enquête est d’autant plus évidente face à l’intensification du soutien des Etats Unis à l’entreprise de colonisation illégale et d’annexion illégale du territoire occupé par Israël.

    Rapport 2020 sur l’examen préliminaire

Le Rapport du Bureau de la Procureure sur les Activités de l’Examen Préliminaire rappelle la conclusion de 2019 de la Procureure qui disait que « le Bureau a trouvé qu’il existait une base raisonnable pour penser que, dans le contexte de l’occupation israélienne de la Cisjordanie, dont Jérusalem Est, les membres des autorités israéliennes ont commis des crimes de guerre selon l’article 8(2)(b)(viii) en rapport, inter alia, avec le transfert de civils israéliens en Cisjordanie ».[2] Nos organisations soulignent que la conduite criminelle concernant les colonies inclut également la responsabilité potentielle d’individus et d’entreprises complices de commerce illégal avec les colonies, dont l’installation et le maintien sont entachées par une myriade de crimes selon le Statut de Rome tels que le pillage, le transfert contraint, et la destruction extensive et l’appropriation de biens.

Depuis la fermeture de l’Examen Préliminaire en 2019, la conduite des forces d’occupation israéliennes (FOI), qui constitue des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité selon le Statut de Rome, a perduré et perdure. Les Etats Unis, par la politique présentée dans le ‘Plan de Paix’ de janvier 2020 et, par exemple, avec la visite du Secrétaire d’État Mike Pompeo dans la colonie illégale de Psagot, située sur les terres palestiniennes de Jabal Al-Tawil, à côté de Ramallah, ont cherché à légitimer ce genre de conduite illégale.[3]

Nos organisations saluent la reconnaissance dans le Rapport Annuel de la violence illégale infligée par les FOI aux Palestiniens de Gaza qui réclamaient l’application de leur droit au retour. Tandis que le Rapport constate « une base raisonnable pour penser » que les forces d’occupation israéliennes ont perpétré des crimes de guerre, la nature très étendue et systématique des violations des droits de la personne humaine sont elles aussi catégorisées et qualifiées à juste titre de crimes contre l’humanité.

En relation avec la politique israélienne de fermeture et de blocus, la mission exploratoire de l’ONU sur le conflit de Gaza en 2009 a établi que : « La Mission considère en outre que la série d’actes qui privent les Palestiniens de la Bande de Gaza de leurs moyens de subsistance, d’emploi, de logement et en eau, qui nient leur liberté de circulation et leur droit de quitter leur propre pays et d’y entrer, qui limite leurs droits d’accéder à une cour de justice et à un remède efficace, pourrait conduire un tribunal compétent à trouver que le crime de persécution, crime contre l’humanité, a été commis. »[4] 

La domination croissante d’Israël sur la société palestinienne dans la période intermédiaire n’a fait que s’intensifier, avec un comportement constituant un transfert forcé, l’emprisonnement illégal, et des meurtres en tant que crimes contre l’humanité, tout cela sous un régime général d’apartheid (rappelé par le Comité de l’ONU sur l’Elimination de la Discrimination Raciale dans ses Observations Finales de 2019 à Israël), et aussi un crime contre l’humanité, poursuivi à travers tout le territoire palestinien occupé, constitué de la Cisjordanie, dont Jérusalem Est, et de la Bande de Gaza.

Le Bureau de la Procureure a rappelé sa position de janvier 2020 comme quoi on pourrait admettre des cas potentiels concernant des crimes supposément commis par les Palestiniens, comme le seraient des crimes supposément commis par les autorités israéliennes dans le cadre de son régime colonial, a cependant déclaré que « l’admissibilité de possibles affaires concernant des crimes supposément commis par des membres des FOI »[5] à Gaza[6] restent « à l’étude »[7]. Nos organisations redisent que des individus, qu’ils soient membres des FOI, ou d’autres complices et responsables de la perpétration clairement évidente de crimes selon le Statut de Rome, n’ont pas fait l’objet d’une enquête juridique indépendante en Israël. Israël a conséquemment failli à prendre quelque véritable mesure de responsabilisation que ce soit contre des individus, quel que soit leur niveau, apparemment responsables de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité. L’enquête nécessaire en urgence sur la Situation en Palestine doit inclure les cas qui font l’objet de procédures en cours en Israël, alors qu’il est prouvé que ce système est empiriquement et définitivement privé de volonté ou de capacité pour conduire honnêtement  des enquêtes ou des poursuites.

En outre, les tribunaux israéliens continuent de refuser l’applicabilité de la Quatrième Convention de Genève au territoire occupé et sont complices, non seulement du transfert de civils israéliens en tant que colons dans le territoire occupé, mais de la tentative de légitimation des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité qui y sont liés tels que l’appropriation illégale de biens et le crime d’apartheid.

L’Impératif pour les TPO d’Ouvrir une Enquête Officielle et d’Eviter un Autre Retard Déraisonnable

Répondant à la décision de la Procureure de demander « une décision rapide selon l’article 19(3) du Statut » à la Chambre Préliminaire pour qu’elle confirme que le territoire sur lequel la Cour peut exercer sa compétence selon l’article 12(2)(a) comprend le Territoire Palestinien Occupé, c’est-à-dire la Cisjordanie, y compris Jérusalem Est, et Gaza, nos organisations ont fait remarquer dans un mémoire conjoint d’Amicus Curiae de mars 2020 qu’il aurait été bienvenu que la Procureure procède directement à une enquête officielle.[8]

Une Chambre Préliminaire de la CPI a estimé que l’examen préliminaire de la situation « doit être réalisé dans un délai raisonnable […] quelle que soit sa complexité »,[9] faisant remarquer « l’impact profond et l’effet nuisible que le temps passé entre la réalisation des crimes et le moment où la preuve en est présentée au tribunal peut avoir sur la fiabilité de la preuve présentée devant une Chambre »,[10] ainsi qu’en insistant sur le fait que « tout retard dans le début de l’enquête représente un retard pour que les victimes soient en position de réclamer réparation pour le tort subi à la suite de la commission des crimes dans le cadre de la compétence de cette juridiction ».[11]

En demandant une décision de la Chambre Préliminaire, la Procureure a souligné l’importance d’une décision expéditive, point réitéré dans la déclaration du Bureau à la Chambre en juin 2020.[12]

Egalement en juin 2020, nos organisations ont souligné, nonobstant la fermeture de l’examen préliminaire, que le délai continu dans l’ouverture d’une enquête sur la Situation en Palestine renforce l’environnement de criminalité et l’impunité qui caractérise l’occupation.[13] Dans le contexte d’occupation prolongée et d’annexion de facto et de jure, ‘un retard injustifié’ dans le processus devant la Cour doit être lu avec un degré d’imminence et d’immédiateté accru et urgent. Le Rapport 2020 de la Procureure sur les Examens Préliminaires conclut en faisant valoir que le Bureau « continuera d’évaluer n’importe quelles allégations concernant des  crimes supposés selon le Statut de Rome dans la Situation en Palestine, ainsi que toute information pertinente pour la complémentarité et la gravité, en attente d’une décision de la chambre préliminaire sur sa demande ».[14]

Rappelant que la Procureure a décidé que tous les critères statutaires selon le Statut de Rome pour l’ouverture d’une enquête ont été satisfaits, et puisqu’il n’y a aucune indication sur quand, ou même si, la Chambre Préliminaire répondra à la Procureure, les organisations affirment qu’il est impératif, conformément  à la jurisprudence et à la fonction même du Statut de Rome et étant donné la référence à l’Etat de Palestine, qu’une enquête officielle soit immédiatement ouverte. Sans tenir compte du processus de l’Article 19(3) actuellement en cours, et avec tout le respect dû au Bureau de la Procureure et à la Chambre Préliminaire, face à l’agression renforcée, continue et internationalisée sur le droit du peuple palestinien à la dignité et à l’autodétermination, il est plus que temps qu’une enquête officielle soit ouverte, sans plus ample délai.

Lien vers le Communiqué de Presse Commun : http://mezan.org/en/post/23896

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Le Centre Al Mezan pour les Droits de l’Homme est une organisation indépendante, non partisane, non gouvernementale de défense des droits de l’homme dans la Bande de Gaza, qui détient un statut Consultatif Spécial auprès du Conseil Economique et Social de l’ONU. Depuis sa création en 1999, Al Mezan s’est consacré à la protection et au progrès du respect de la personne humaine et au renforcement de la démocratie et à la participation de la communauté et des citoyens dans les TPO, particulièrement dans la Bande de Gaza.

Pour plus d’information, veuillez contacter le bureau du Centre Al Mezan pour les Droits de l’Homme dans la ville de Gaza au : +970 8 2820442/7 entre 8 H. et 15 H.(6 H. à 1 H. GMT) du dimanche au jeudi.

(Al Mezan…)

[1] CPI-TPO, Déclaration de la Procureure de la CPI, Fatou Bensouda, sur la conclusion de l’examen préliminaire sur la Situation en Palestine, et recherche d’une décision sur l’étendue de la compétence territoriale de la Cour, 20 décembre 2019.

[2] CPI-OPT ‘Rapport 2020 sur les Activités de l’Examen Préliminaire’ 14 décembre 2020, para 233.

[3] Al-Haq, visite du Secrétaire d’Etat américain dans une colonie illégale israélienne, le 18 novembre 2020

https://www.alhaq.org/advocacy/17527.html

[4] Rapport de la Mission d’Enquête des Nations Unies sur le Conflit à Gaza, A/HRC/12/48  25 septembre 2009, para 1936.

[5] CPI-TPO ‘Rapport 2020 sur les Activités de l’Examen Préliminaire’ 14 décembre 2020, para 222.

[6] CPI-TPO ‘Situation dans l’État de Palestine’ 22 janvier 2020, para 94.

[7] CPI-TPO ‘Rapport 2020 sur les Activités de l’Examen Préliminaire’ 14 décembre 2020, para 222.

[8] Centre Palestinien pour les Droits de l’Homme, Al-Haq, Centre Al Mezan pour les Droits de l’Homme, Association Al-Dameer pour les Droits de l’Homme, Soumission en Vertu de l’Article 103, PTCI, ICC-01/18, 16 mars 2020.

[9] Décision sur la « Demande de l’Accusation pour une Décision sur la Compétence selon l’Article 19(3) du Statut » ICC-RoC46/18, 6 septembre 2018, para 84 ; Chambre Préliminaire III, Situation en République Centre Africaine, Décision de Demande d’Information sur le Statut de l’Examen Préliminaire de la Situation en République de Centre Afrique, 30 novembre 2006, ICC-01/05-6, p 4.

[10] Décision sur la « Demande de l’Accusation pour une Décision sur la Compétence selon l’Article 19(3) du Statut » ICC-RoC46(3)-0118, 6 septembre 2018, para 86.

[11] Décision sur la « Demande de l’Accusation pour une Décision sur la Compétence selon l’Article 19(3) du Statut » ICC-RoC46(3)-0118, 6 septembre 2018, para 88.

[12] CPI-TPO Réponse de l’Accusation à « La réponse de l’État de Palestine à l’Ordre de la Chambre Préliminaire pour des Informations supplémentaires », ICC-01/18-136, 8 juin 2020, para 7.

[13] Réponse Publique des Organisations Palestiniennes des Droits de l’Homme à la Requête du 26 mai 2020 de la Chambre Préliminaire, https://www.alhaq.org/advocacy/16976.html

[14] CPI-TPO ‘Rapport 2020 sur les Activités de l’Examen Préliminaire’ 14 décembre 2020, para 229.

Source : Al Mezan center for human rights

Traduction : J. Ch. Pour l’Agence média Palestine

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