Israël utilise les vaccins comme objets de marchandage

Par Maureen Clare Murphy, le 16 février 2021

Un travailleur de santé de Gaza a en mains des tests pour COVID-19 en septembre 2020. (Mohammed Saanoun / ActiveStills)

Au début du mois, Tor Wennesland, émissaire du secrétaire général de l’ONU pour la paix au Proche Orient, a tweeté son appréciation du gouvernement israélien pour avoir facilité « l’effort des Palestiniens en réponse à la COVID-19, y compris avec la livraison de vaccins ».

Wennesland a ajouté : « La pandémie ne connaît pas de frontières – ce n’est que collectivement que nous pouvons obtenir des résultats. »

Son éloge à Israël, cependant, était immérité et prématuré.

Lundi, l’Autorité Palestinienne en Cisjordanie occupée a dit qu’Israël empêchait le transfert de 2.000 doses de vaccin contre la COVID-19 pour les travailleurs médicaux en première ligne dans la Bande de Gaza.

Sous blocus israélien sévèrement renforcé depuis 2007, la Bande de Gaza est un des endroits les plus densément peuplés de la planète. Les deux millions de Palestiniens qui y vivent n’ont encore reçu aucun vaccin.

Un fonctionnaire israélien a dit à l’agence de presse de l’AP que le transfert de vaccins à Gaza, où plus de 530 personnes sont mortes de la COVID-19, était en cours d’examen.

Certains législateurs israéliens ont demandé que le transfert de vaccins ait lieu à condition que les autorités du Hamas à Gaza fasse des concessions.

Les fonctionnaires israéliens ont régulièrement cherché à mettre sous condition les besoins basiques humanitaires à Gaza – tel que le fuel pour la production d’électricité – en obligeant le Hamas à des concessions.

Michal Cotler-Wunsh, membre du parlement israélien, a absurdement caractérisé le conditionnement du transfert des vaccins comme « un nouveau paradigme fondé sur la réciprocité ».

Il n’y a pourtant rien de réciproque dans la relation entre un occupant et la population qu’il occupe. Il n’y a pas de réciprocité entre un colonisateur et le peuple soumis à sa domination coercitive.

Punition collective

En tant que puissance occupante, Israël est responsable de « la santé publique et de l’hygiène dans le territoire occupé », comme établi dans l’article 56 de la Quatrième Convention de Genève.

Cet article fait par ailleurs « particulièrement référence à l’adoption et à l’application de mesures prophylactiques et préventives nécessaires pour combattre l’expansion de maladies contagieuses et d’épidémies ».

Israël a non seulement refusé de se tenir à ses obligations, mais il réduit aussi les efforts de l’Autorité Palestinienne pour fournir le vaccin aux travailleurs médicaux de Gaza.

Mettre une population civile sous pression pour obtenir des exigences comme certains législateurs israéliens sont résolus à le faire – politique qui renforce le siège de Gaza dans son ensemble – équivaut à une punition collective.

Une punition collective est une violation de l’article 33 de la Quatrième Convention de Genève – un crime de guerre.

Israël cependant retient les dépouilles des Palestiniens tués au cours de ce qu’il prétend être des agressions, dans l’intention de les utiliser comme objets de marchandage dans les négociations.

Ceci aussi est une violation du droit international soutenue par de hauts fonctionnaires et approuvée par la plus haute cour d’Israël.

Au lieu de faire l’éloge d’une action collective inexistante pour contrer l’expansion de la COVID-19, l’envoyé de l’ONU Wennesland devrait condamner Israël pour entraver les efforts des Palestiniens pour leur santé publique.

L’échec de la branche politique de l’ONU à tenir Israël pour responsable – et elle a en fait sapé les efforts de responsabilisation d’autres branches de l’organisation mondiale – ne fait que permettre à ces violations de proliférer.

Wennesland semble déterminé à poursuivre le travail de son prédécesseur Nicolay Mladenov, qui a traité les droits des Palestiniens comme des objets de négociation tout en n’exigeant rien d’Israël.

Mladenov a accueilli – sinon soutenu – la normalisation des accords entre Israël et des Etats arabes autoritaires comme des avancées vers la paix dans la région, alors qu’ils ne font rien pour assurer les droits des Palestiniens.

Israël contrôle Gaza

Le retard du transfert des vaccins vers Gaza ne fait cependant que rappeler également que l’enclave côtière demeure sous occupation et contrôle total d’Israël.

Les déclarations des Israéliens comme quoi la demande de transfert des vaccins était « encore examinée » ne surprendront pas les patients de Gaza dont l’accès aux traitements vitaux est retardé – parfois indéfiniment – sous le même prétexte.

Les associations palestiniennes des droits de l’homme dénoncent depuis longtemps « le régime israélien d’apartheid de domination raciale et d’oppression systématiques sur tous les Palestiniens ».

Au cours des décennies, ce régime « a conduit à la fragmentation et au dé-développement du système de santé du territoire palestinien occupé », particulièrement à Gaza.

Elles avertissent – comme d’autres l’on fait – que le siège israélien a « poussé le système de santé de Gaza au bord de l’effondrement ».

En applaudissant Israël dans le contexte des efforts des Palestiniens contre la COVID-19, Wennesland semble être dans un déni délibéré.

Pour être honnête, ce déni délibéré peut faire partie de sa description de poste, qui exige de lui qu’il continue de soutenir la solution à deux Etats dans le cadre des négociations d’Oslo.

Ce cadre a été établi il y a presque trente ans pour ne pas assurer les droits des Palestiniens.

Comme son prédécesseur, Wennesland est resté jusqu’ici manifestement silencieux alors que la Cour Pénale Internationale s’avance doucement vers l’ouverture d’enquêtes pour crimes de guerre en Cisjordanie et dans la Bande de Gaza.

La procureure tde ce tribunal a vraisemblablement les noms des dirigeants israéliens qui ont mis en place la politique de punition collective et des officiers de haut rang responsables d’autres crimes de guerre.

Espérons que la CPI – tribunal de dernier recours – ne regardera pas ailleurs.

Maureen Clare Murphy est une rédactrice adjointe à The Electronic Intifada qui vit à Chicago.

Source : The Electronic Intifada

Traduction : J. Ch. pour l’Agence média Palestine

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