A propos de la solidarité avec la Palestine

Par Haidar Eid, le 3 mars 2021

Une manifestation BDS en France (Photo : BDSFrance.org/Wikimedia Commons)

À la lumière des évènements ayant eu lieu ces dix dernières années, et du besoin urgent de revitaliser et (re)mobiliser la solidarité internationale avec le peuple palestinien, il nous faut réexaminer certaines questions fondamentales. Le travail urgent et immédiat à entreprendre consiste à aborder la question de la nature de cette solidarité internationale, et les meilleurs moyens pour la renforcer au-delà du niveau de base. L’objectif devrait être maintenant de mettre en œuvre la section S de l’appel BDS : des sanctions contre l’Israël concernant l’apartheid, jusqu’à ce qu’il se conforme au droit international.

Sur la base des derniers rapports et des recherches conduites par les organisations internationales, et même des organisations israéliennes de défense des droits de l’homme, ce sur quoi il faut insister avant tout, c’est la nature d’apartheid du sionisme colonial de peuplement. Il faut en convenir, les graves dommages que les Accords d’Oslo ont causés à la question palestinienne – à savoir le détournement de l’attention internationale des souffrances des réfugiés palestiniens et des citoyens palestiniens d’Israël considérés comme des citoyens de troisième classe, rendent la tâche plus difficile. Toutefois, cela ne veut pas dire que la communauté internationale n’a pas la responsabilité d’éliminer les racines de ces souffrances. Le fait que certains Sud-Africains noirs aient accepté le système bantoustan n’a pas convaincu la communauté internationale de la « légitimité » et de l’« humanité » de l’apartheid, et de son « droit à exister ». Ce qu’il faut souligner, dans ce contexte, ce sont les similitudes entre l’apartheid et la nature sioniste exclusiviste d’Israël.

Aucune approche historique ne peut séparer l’apartheid, et donc le sionisme, du colonialisme. Comme l’ont soutenu certains des plus grands intellectuels anti-apartheid et anticolonialistes du XIXᵉ siècle, afin de satisfaire les besoins d’un vaste prolétariat, et parce qu’il existait une grande richesse minérale à exploiter, le capitalisme et les colonialistes ont, par la force, dépossédé les communautés rurales africaines et les ont repoussées dans des régions extrêmement pauvres afin qu’elles deviennent les fournisseurs d’un sous-prolétariat pour les mines et les fermes européennes, et plus tard, pour l’industrie blanche sud-africaine en plein essor. Cela a conduit à la transformation de toute une société en une réserve de main-d’œuvre, à la disparition de l’indépendance, et finalement, à la création de l’apartheid et des bantoustans.

Si la communauté internationale a fini par protester contre la façon flagrante dont l’apartheid extrayait la main-d’œuvre excédentaire, et contre son exploitation inhumaine et raciste des Africains noirs, en Palestine, la même ancienne façon de déposséder les autochtones est, hélas, toujours célébrée, défendue et même soutenue internationalement en dépit des justifications racistes flagrantes qui la sous-tendent. Pour comprendre l’inanité de la situation, il faut se référer aux positions prises par certains gouvernements arabes à propos de la question palestinienne. Les Émirats arabes unis, le Bahreïn, le Soudan, et le Maroc, à la suite de l’Égypte et de la Jordanie, ont décidé de normaliser leurs relations avec l’Israël de l’apartheid, sans tenir compte du prix élevé payé par le peuple palestinien. Tous ont utilisé le même vieux cliché du « soutien à la paix au Moyen-Orient ! ». En d’autres termes, consciemment ou inconsciemment, ces gouvernements ont déployé leurs efforts pour consolider l’apartheid en Palestine ! Ajoutez à cela le soutien illimité qu’Israël reçoit des gouvernements des États-Unis et d’Europe, et les nouvelles alliances qu’il a créées avec des gouvernements de droite en Inde, en Amérique latine, en Afrique et en Europe de l’Est. D’où l’extrême urgence et la nécessité d’une campagne internationale ; une campagne qui prenne comme point central l’analogie entre l’apartheid et le sionisme ; une campagne qu’un pragmatisme officiel ne sera pas autorisé à exploiter ; une campagne qui analyserait la situation des réfugiés dépossédés des camps de Gaza de la Cisjordanie, du Liban et de la Jordanie, comme celle des Sud-Africains noirs.

Les questions qui devraient être d’une importance fondamentale, par conséquent, ne sont pas séparées de la nature d’Israël en tant qu’entité sioniste. Il est devenu évident que la condition pour qu’Israël continue d’exister en tant qu’État juif est le nettoyage ethnique du peuple palestinien tout entier. Il n’est plus possible de voir le conflit entre les Israéliens et les Palestiniens comme une simple lutte entre deux voisins pour le même morceau de terre, même si les politiciens et médias occidentaux essaient toujours de présenter ce point de vue inexact. Jusqu’à récemment, la prétention d’Israël d’être une victime, éprise de paix, de la persécution arabe a occulté cette réalité : mais chez les fondateurs de l’État juif, la nécessité du « transfert », voire de l’anéantissement des Palestiniens, a toujours été présente. Comme le dit Roberta Strauss dans The Fate of the Jews, « les sionistes ont exécuté le coup d’État psychologique du siècle en prenant la Palestine aux Arabes et en prétendant ensuite que les juifs étaient des victimes des Arabes ».

Bien sûr, la solidarité internationale avec le peuple palestinien a joué un rôle extrêmement important, même si dialectique, dans le renforcement de la lutte. À savoir qu’il existe une relation proportionnelle indéniable entre les formes différentes de la lutte dans les territoires occupés, et l’attention internationale portée aux souffrances des Palestiniens. Ainsi, ce que nous sommes amenés à aborder maintenant, c’est la façon dont les Accords d’Oslo ont nui à cette relation. En d’autres termes, l’immense soutien international que les Palestiniens ont acquis durant la Première Intifada (1987-1993) a perdu de son élan en raison de l’impression que la poignée de main « historique » entre Arafat et Rabin et les accords qui en ont découlé ont créée. Cette impression fut que la question palestinienne avait été résolue ! Ce qui nous ramène à la question des représentations et du rôle qu’elles jouent dans la mobilisation d’un peuple autour d’une juste cause. C’est ce que le mouvement BDS a réussi à faire jusqu’à présent ; convaincre les gens ordinaires de la justice de la cause palestinienne et, par conséquent, de la moralité à la soutenir. La politique de la base vers le sommet est la leçon que les militants BDS ont tirée de la leçon sud-africaine : d’abord vous appelez au Boycott, puis au Désinvestissement de l’apartheid et des entités qui en profitent, jusqu’à ce que vous parveniez aux échelons les plus élevés du gouvernement et appeliez à des Sanctions. Voilà le travail qui nous attend.

Source : Mondoweiss

Traduction BP pour l’Agence média Palestine

Retour haut de page