La résolution de boycott votée par le NDP marque un échec pour le lobby pro-Israël et une victoire pour la démocratie

Par Yves Engler, le 13 avril 2021 

L’approbation par le Nouveau Parti démocratique [canadien] d’un boycott partiel d’Israël n’est pas seulement une victoire pour les droits palestiniens et un revers pour le lobby pro-Israël, c’est aussi une victoire pour la démocratie de base. 

Le chef du NDP, Jagmeet Singh, avec des supporters, à la convention 2018 du NDP, Ottawa, Canada, le 16 février 2018. (Photo: United Steelworkers/Flickr)

La principale faction social-démocrate du Canada — parfois parti principal d’opposition — le Nouveau Parti démocratique, a voté samedi une résolution «  mettant fin à tout commerce et à toute coopération économique avec les colonies illégales en Israël-Palestine », devenant le premier groupe politique important d’Ottawa à approuver un boycott partiel d’Israël. 

Plus de 80% des 2000 délégués à la convention de programme du NDP ont voté en faveur de la résolution, 15% s’y sont opposés. La mesure appelait également à « suspendre le commerce bilatéral de toutes les armes, et des matériels liés avec l’état d’Israël jusqu’à ce que les droits des Palestiniens soient respectés ».

Quelques heures après le vote, le téléscripteur de CBC [Canadian Broadcasting Corporation, Société Radio-Canada] a rapporté que les membres du NDP « ont voté pour sanctionner Israël à cause des colonies ». Un ajout ultérieur sur leur site disait : «  Singh ferait-il de la résolution des délégués sanctionnant Israël une position du NDP ? », en se référant au chef du parti, Jagmeet Singh. Le rapport par The Canadian Press sur «  une résolution qui demande que le Canada suspende le marché d’armes avec Israël et arrête le commerce avec les colonies israéliennes approuvée par 80% des votants » a reçu une attention croissante. 

Le Centre for Israel and Jewish Affairs (CIJA) a publié un communiqué au titre agressif : «  La résolution du NPD met en lumière une persistante obsession toxique vis-à-vis d’Israël ». Au cas où quelqu’un n’aurait pas compris, le groupe a condamné « l’obsession toxique du parti vis-à-vis d’Israël », « la préocupation pathologique avec Israël », et « l’inquiétude obsessionnelle vis-à-vis d’Israël » — tout cela étant considéré comme « honteux ». 

Sur Twitter le rabbin David Mivasair, un militant de Independent Jewish Voice, a tourné en ridicule le CIJA comme « la définition de l’hypocrisie » et s’est moqué du fait que le « lobby pro-Israël au Canada, dont toute la raison d’être est de nous imposer Israël, dise que le NDP est obsédé avec Israël ». 

La réaction du CIJA met en lumière comment Israël a perdu les progressistes et comment son lobby dépend de plus en plus de l’intimidation de ceux qui soutiennent les droits des Palestiniens en insinuant qu’ils sont antisémites. Plus d’un mois avant la convention du NDP, le CIJA a fait pression sur la direction du parti pour supprimer une résolution séparée qui critiquait la définition de l’antisémitisme par l’International Holocaust Remembrance Alliance (IHRA). Cette définition a fait l’objet d’une critique sévère de la part des défenseurs des droits humains palestiniens pour sa confusion entre juifs et politiques israéliennes.

De fait, la campagne féroce pour empêcher un vote sur cette mesure a marché. La résolution concernant l’IHRA n’est jamais arrivée au stade du débat, portant un coup à la base qui aurait probablement voté en sa faveur. 

Il y a une semaine, Singh a été questionné dans l’émission « The House » de CBC à propos des résolutions portant sur la «  relation du Canada à Israël et au territoire palestinien ». Au lieu de répondre à la question, il a pivoté sur l’antisémitisme qu’il a mentionné quatre fois, mais s’est abstenu de discuter du sujet en question : Israël et la Palestine. Interrogé encore sur « les résolutions qui en un sens condamnent le traitement par Israël des Palestiniens», Singh a encore une fois omis de mentionner la Palestine ou les Palestiniens. A la place, il a parlé des « crimes de haine en augmentation, également contre des personnes de confession juive ». L’interview a engendré une explosion de critiques de la part de sa base progressiste, qui l’a accusé d’un étalage de biais anti-Palestiniens.

La matin suivant le vote de la convention, Singh a défendu la résolution face à la principale correspondante politique de CBC, Rosemary Barton, qui l’avait décrite en ces termes : «  votre parti a voté massivement pour infliger des sanctions aux colonies et bannir le commerce des armes avec Israël ». Singh a dit qu’il était important d’ « appliquer une pression sur Israël pour faire respecter les droits des Palestiniens ». Sa réponse a été quelque peu équivoque et lui a évité d’avoir à manifester un soutien total. Il a ensuite répété qu’il était important d’appliquer « des pressions » sur Israël, trois fois. 

Singh va là où on le pousse. C’est le cas pour la plupart du caucus du NDP. Deux jours avant la convention, le député Charlie Angus a twitté une déclaration et écrit : «  Je suis sans cesse sollicité par certains qui veulent que le NDP s’oppose à la définition internationale de l’antisémitisme. Ce n’est pas la voie à suivre. Je soutiens les motions appelant à la justice pour le peuple palestinien. Mais je demeure aussi profondément inquiet de la menace grandissante de l’antisémitisme. »

Il n’y a aucune indication qu’Angus ait dit qu’il soutenait la résolution. Des critiques ont remarqué qu’en janvier un membre conservateur de l’assemblée législative d’Ontario et un important diplomate israélien avaient tous deux utilisé la définition de l’IHRA pour attaquer Angus qui avait partagé un article du Guardian condamnant Israël pour son refus d’administrer les vaccins contre le COVID-19 aux Palestiniens. Le nom d’Angus a été évoqué comme exemple de la manière dont la définition de l’IHRA foule aux pieds les droits palestiniens ; dans le cadre de la définition de l’IHRA, quiconque mentionne un élément aussi brutal que l’inégalité des vaccins est étiqueté comme antisémite. Angus a ensuite lâchement sali la réputation de ses propres défenseurs pour le lobby pro-Israël. 

Cependant, la suite vaut la peine d’être examinée, du point de vue de ce qui a vraiment avancé en faveur des droits des Palestiniens. L’agitation se concentrant surtout sur la résolution de l’IHRA, celle bannisssant les ventes d’armes et les achats dans les colonies a été votée. D’un point de vue militant, cette approche pluridimensionnelle constitue un avantage stratégique. 

En tout, plus de 70 associations de circonscriptions et groupes locaux ont approuvé les deux résolutions. La convention du NDP a mis en valeur un important soutien populaire pour les droits des Palestiniens. Les sondages ont montré que les Canadiens étaient largement favorables à imposer des conditions à l’aide à Israël, mais c’est la première fois qu’un parti majeur adopte des sanctions et un boycott dans le cadre d’une plateforme politique. Cela ne symbolise pas seulement une victoire pour les droits des Palestiniens et un revers pour le lobby institutionnel pro-Israël, mais également une victoire pour la démocratie de base.

Yves Engler est l’auteur de onze livres, le dernier étant House of Mirrors: Justin Trudeau’s Foreign Policy.

Source : Mondoweiss

Traduction CG pour l’Agence média Palestine

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