Par Noam Perry, le 22 octobre 2021
Des dizaines de personnes se sont rassemblées devant le siège de General Mills à Minneapolis, Minnesota, à la suite du congrès annuel des actionnaires de la compagnie, le 28 septembre.
La manifestation est un exemple récent de militants demandant des comptes à de larges corporations pour leur complicité dans l’occupation israélienne de la Palestine.
La compagnie alimentaire multinationale fabrique des produits sous sa marque Pillsbury dans une usine située à Atarot, un zone industrielle dans Jérusalem-Est occupée. Atarot est située dans une partie de la Cisjordanie qu’Israël a illégalement annexée après s’en être emparé par la force pendant la guerre de 1967.
La manifestation était organisée par le groupe local Women Against Military Madness et incluait d’autres organisations comme American Muslims for Palestine, Middle East Peace Now, l’United Church of Christ, United Methodists for Kairos Response et l’American Friends Service Committee, où je travaille. Contrairement à une manifestation analogue l’an dernier, les médias locaux l’ont complètement ignorée.
Plus tôt ce matin-là, quelques militants et moi avons assisté au congrès annuel de General Mills et y avons demandé comment les actions de la compagnie se conformaient à sa politique sur les droits humains, qui affirme son engagement pour les principes internationalement reconnus des droits humains, dont la Déclaration universelle des droits de l’Homme.
Cette politique reconnaît « l’importance des droits du sol ainsi que le principe de consentement libre, préalable et informé ». Nous avons fait remarquer ce que les lecteurs de The Electronic Intifada savent très bien : les colonies d’Israël en Cisjordanie occupée sont illégales selon les Nations Unies et toute organisation majeure de défense des droits humains. Notre groupe a aussi fait remarquer que le droit international interdit les activités commerciales qui contribuent à ces colonies.
Inutile de dire que les Palestiniens n’ont jamais donné leur consentement, ni n’ont été même consultés, avant qu’Israël ne s’empare de leur terre pour y construire des colonies.
« La partie cisjordanienne d’Israël »
La réponse de General Mills a été scandaleuse.
Le PDG Jeff Harmening a dit « nous recevons certaines questions avec des inquiétudes pour le bien-être des employés de l’usine d’un fournisseur dans la partie cisjordanienne d’Israël ». Il a continué en réitérant l’engagement de la compagnie pour les droits humains et en expliquant comment les travailleurs palestiniens de l’usine étaient traités équitablement, « travaillant aux côtés de leurs collègues israéliens et rapportant leur constante satisfaction ».
La référence de Harmening à « la partie cisjordanienne d’Israël » pourrait être écartée comme un problème d’ignorance géographique, ou peut-être une simple gaffe. Mais cela m’a rappelé la réponse de la compagnie l’an dernier à une question similaire.
Alors, comme maintenant, la compagnie a altéré nos questions afin d’omettre toute mention de l’occupation ou des colonies.
À la place, elle a faussement rapporté à tous ses actionnaires que nous l’interrogions sur ses opérations dans « des zones disputées d’Israël ». Se référer à la Cisjordanie occupée comme à une « zone disputée », ignorer délibérément un écrasant consensus mondial en faveur du contraire, est un coup rhétorique beaucoup utilisé dans la stratégie de propagande israélienne.
Et ensuite il y a la question des travailleurs. General Mills a exploité à plusieurs reprises le fait que son usine emploie des Palestiniens comme si cela était le principal sujet de discussion afin de détourner l’attention du problème réel — sa complicité dans une violation flagrante du droit international.
Mes collègues et moi-même avons lancé la campagne Pas de fric pour l’occupation l’an dernier après que le Conseil des droits humains des Nations Unies a listé General Mills dans sa banque de données des compagnies contribuant à l’entreprise de colonies illégales d’Israël. Comme la compagnie elle-même l’a admis, son usine de Cisjordanie « utilise des ressources naturelles, en particulier de l’eau et des terres, pour des objectifs commerciaux ».
C’est une description de pillage, qui pourrait constituer un crime de guerre. De fait, l’entreprise de colonisation israélienne en Cisjordanie toute entière est actuellement sous investigation par la Cour pénale internationale en tant que crime de guerre.
Étant donné les effets destructeurs de l’occupation israélienne sur l’économie palestinienne, l’emploi symbolique de Palestiniens chez General Mills a un très haut coût.
Comme cela a été remarqué même par les descendants des fondateurs de Pillsbury, « fournir des emplois à quelques Palestiniens est peu pour compenser les coûts énormes d’une occupation brutale, et n’excuse pas General Mills de profiter des crimes de guerre d’Israël ».
Ou comme Fayrouz Sharqawi, une militante palestinienne de Grassroots Jerusalem, m’a dit, « Les barons de la drogue fournissent des emplois aux dealers. Cela ne veut pas dire que c’est une bonne chose ». Elle a ajouté que les usines des colonies devraient être démantelées pour que les Palestiniens puissent travailler dans des usines palestiniennes sur ces terres.
General Mills est en retard
Quand General Mills abandonnera l’occupation, il sera en retard à la fête.
Au cours des 15 dernières années, presque toutes les entreprises multinationales dont des produits étaient originaires des colonies ont décidé que l’occupation illégale et l’apartheid étaient mauvaises pour les affaires. La compagnie suédoise Assa Abloy a mentionné son « regret que le caractère inapproprié » de son implication en Cisjordanie occupée « n’ait pas été remarquée de manière interne ». Selon le groupe de défense des droits humains Al-Haq, la compagnie hollandaise Heineken s’est mise en conformité avec ses politiques de responsabilité sociale d’entreprise en décidant de se retirer.
Europcar a mis fin à sa présence dans les colonies discrètement, tandis que McDonald’s a décidé ne pas y aller du tout.
De même, les compagnies israéliennes Ahava et Avgol ont décidé de déplacer leur production hors des colonies après avoir été acquises par la compagnie chinoise Fosun International et la compagnie thaïlandaise Indorama Ventures, respectivement. Indorama Ventures a terminé son déménagement, mais le statut de Fosun International en Cisjordanie n’est pas clair.
D’autres compagnies ont vendu toutes ou la plupart de leurs entreprises israéliennes après avoir compris qu’elles ne pouvaient rester en Israël sans s’impliquer dans son entreprise coloniale illégale.
Cela inclut le géant de la sécurité G4S (maintenant propriété de Allied Universal), la banque franco-belge Dexia, la compagnie française de télécom Orange, la compagnie française de services municipaux Veolia et la compagnie irlandaise de matériaux de construction CRH.
Pour un autre ensemble de compagnies, quitter l’occupation a signifié se désinvestir d’activités commerciales spécifiques. C’est ce que Microsoft a fait l’an dernier, en se désinvestissant de ses parts dans la startup israélienne AnyVision à cause de son projet avec l’armée israélienne pour surveiller les Palestiniens.
La liste pourrait continuer.
Et, bien sûr, l’exemple le plus récent vient de Ben & Jerry’s, qui a décidé en juillet de cesser de vendre ses glaces dans les colonies illégales d’Israël, y compris à Jérusalem-Est, parce que c’est « incohérent avec [ses] valeurs ». La compagnie mère Unilever a soutenu la position de Ben & Jerry’s.
C’est la deuxième fois qu’Unilever se désinvestit de l’occupation.
En 2013 déjà, Unilever avait déménagé Beigel & Beigel, une compagnie israélienne de snacks qu’il possédait, hors de la zone industrielle de la colonie illégale de Barkan, similaire à Atarot où se trouve l’usine Pillsbury.
Cela a demandé une importante manœuvre de l’entreprise, en particulier celle d’acheter les parts de son partenaire israélien dans Beigel & Beigel, puisqu’Unilever avait réalisé qu’il ne pouvait pas mettre en œuvre sa décision de s’éloigner par d’autres moyens.
General Mills pourrait être l’une des deux seules compagnies non-israéliennes à insister pour fabriquer ses produits dans les colonies illégales d’Israël. L’autre est une compagnie allemande HeidelbergCement, qui a échappé d’une façon ou d’une autre à la banque de données des Nations Unies.
Ce n’est pas une bonne compagnie pour une entreprise qui affirme « agir correctement tout le temps » et qui essaie de se vendre comme « une force pour le bien ».
Plus de 100 000 militants de défense des droits humains ont déjà rejoint le groupe de surveillance des entreprises SumOfUs pour appeler General Mills et d’autres entreprises à se désinvestir de l’occupation israélienne.
D’autres envoient des lettres au PDG pour lui dire que l’annexion par Israël du territoire palestinien est illégale et lui demander que General Mills se retire des colonies d’Israël.
Nous devons maintenir la pression pour que General Mills agisse correctement. Et #BoycottPillsbury jusqu’à ce qu’il le fasse.
Noam Perry est l’associé pour l’activisme économique à l’American Friends Service Committee. Il coordonne le projet Investigate, une plateforme action/recherche sur l’implication des entreprises dans la violence d’état et les violations des droits humains.
Source : The Electronic Intifada
Traduction CG pour l’Agence Média Palestine