Lettre ouverte à Kath Viner, rédactrice en chef du Guardian, et à son contrôleur sioniste, Jonathan Freedland

Cette lettre, bien que directement adressée à la rédaction du Guardian, pourrait également avoir été adressée aux médias français qui censurent jour après jour la Palestine et la lutte des Palestiniens pour la liberté, la justic et l’égalité.

N’avez-vous pas une once de décence ? Pourquoi le Guardian a-t-il éliminé toute référence aux Palestiniens en couvrant la mort de l’archevêque Desmond Tutu ?

Jonathan Freedland & Kath Viner : the duopole sioniste du Guardian

Chère Kath, cher Jonathan,

Le Guardian d’hier a consacré 4 pages à la vie de l’archevêque Desmond Tutu. 60% de la une était aussi consacrée à sa mort. Ma première activité politique, en tant qu’écolier de 16 ans, ayant été de manifester en 1970 contre la tournée des Springboks [l’équipe de rugby nationale sud-africaine], je suis la dernière personne à contester l’étendue de votre couverture. 

Ce que je trouve pourtant stupéfiant est qu’il n’y avait pas la moindre mention, même en passant, du soutien de Tutu aux Palestiniens ni de sa description d’Israël comme étant pire que son homologue sud-africain :

« Votre lutte sera plus dure que la nôtre, parce que l’apartheid d’Israël est encore pire que celui d’Afrique du Sud. Nous n’avons jamais eu nos bantoustans bombardés par des F-16 tuant des centaines de nos enfants. Souvenez-vous en. » 

Le mur de l’apartheid d’Israël — Maintenant les juifs vivent en dehors des murs du ghetto au lieu de vivre à l’intérieur.

Tutu n’a jamais perdu une occasion pour critiquer ce qu’il a désigné comme un état d’apartheid. Et c’était bien avant le rapport  de B’Tselem décrivant Israël comme « Un régime de suprématie juive » ou le rapport  de Human Rights Watch « Un seuil est franchi — les autorités israéliennes et les crimes d’apartheid et de persécution ». 

Peut-être puis-je faire une observation plus générale ? Quand des gens rendent hommage à quelqu’un et que, délibérément, pour des raisons politiques tacites, ils expurgent une partie de sa vie, ils finissent par en dire plus sur eux-mêmes que sur leur sujet. Votre couverture de la mort de Desmond Tutu dit plus sur le Guardian que sur lui.
 

Jonathan Freedland : « Le dirigeant du parti travailliste peut affirmer qu’il n’a pas vu de racisme dans le livre de J.A. Hobson. Mais le parti peut-il céder à ce délire ? » . Un des nombreux articles bidons de Freedland attaquant l’ « antisémitisme » de Corbyn — ici à propos d’un livre universitaire standard de John Hobson sur l’impéralisme.

Faire tout cela et déformer la vie de quelqu’un, parce que c’est politiquement inopportun de dire la vérité, et que c’est en désaccord avec la ligne éditoriale du Guardian, n’est pas seulement malhonnête, c’est politiquement odieux. Cela suggère que le tribut que vous rendez à la lutte de l’archevêque Tutu contre l’apartheid n’est que du vent. Des mots pieux et vides destinés à convaincre vos lecteurs que vous conservez quelque intégrité.

Nous connaissons tous les raisons des dilemnes du Guardian. Vous avez passé cinq ans à diaboliser Jeremy Corbyn et la Gauche comme « antisémites ». Vous n’avez perdu aucune occasion de dépeindre les personnes qui étaient opposées à l’apartheid comme racistes. Pire encore, vous l’avez fait en compagnie de racistes et d’antisémites authentiques.
 

Le petit-fils de Mandela en visite : « Israël est le pire régime d’apartheid »

Des personnes comme Boris Johnson, qui dans son roman de 2004 « 72 Virgins » [72 vierges] a dépeint des juifs comme contrôlant les médias et capables de « truquer » les élections. Sans oublier Jacob Rees-Mogg qui, en plus de twitter pour soutenir le parti néo-nazi AfD en Allemagne, a décrit ses collègues, les députés juifs John Bercow et Oliver Letwin come des « Illuminati qui prennent le pouvoir pour eux ».  Un commentaire décrit comme « explicitement antisémite » par le professeur [d’histoire juive] Michael Berkowitz de l’University College de Londres.

Desmond Tutu : « Les chrétiens des Etats-Unis doit reconnaître qu’Israël est un état d’apartheid ».

Le militant anti-apartheid Desmond Tutu veut que l’Eglise presbytérienne, qui se réunit actuellement à Detroit, passe une série de résolutions anti-Israël.

Permettez-moi de vous rappeler à tous deux l’un des discours les plus célèbres de Desmond Tutu :

« J’ai été témoin de l’humiliation systémique des hommes, des femmes et des enfants palestiniens par les membres des forces de sécurité israéliennes. Leur humiliation est familière à tous les Sud-Africains noirs qui ont été rassemblés comme du bétail, et harcelés, et insultés, et attaqués par les forces de sécurité du gouvernement d’apartheid. » 

Qu’y-a-t-il là-dedans que vous ou vos estimés collègues du Guardian ne comprenez pas ? Soit votre opposition à ce qui s’est passé en Afrique du Sud, la soumission des gens selon des doctrines de suprématie raciale, est un principe, soit c’est un calcul politique étroit dépendant des circonstances du moment. 

Nous venons d’apprendre que le Guardian a effacé un post du professeur David Monk (Warwick) qui exprimait sa déception que la nécrologie de Desmond Tutu ne fasse pas référence au soutien de l’archevêque pour la Palestine ni à sa comparaison des politiques israéliennes à l’apartheid en Afrique du Sud. Il a été effacé cinq minutes après sa soumission avec le motif qu’« il ne respectait pas les normes de notre communauté ». Honteux !

Omettre toute mention du soutien de longue date de Desmond Tutu aux Palestiniens n’était pas un oubli malheureux, accidentel, mais une décision éditoriale délibérée. Nous le savons parce qu’un commentaire critique du professeur David Mond, qui le soulignait, a été effacé par le Guardian. Il ne s’accordait pas aux « normes de la communauté ». De même, deux commentaires de Mark Seddon, l’ancien rédacteur de Tribune, ont aussi été effacés.

Desmond Tutu était un fervent défenseur du mouvement de Boycott, désinvestissement et sanctions contre Israël, de même qu’il a soutenu les sanctions contre l’Afrique du Sud. C’était la vraie raison de votre rédaction sélective. 

Tweet de Mark Seddon : Mon commentaire sur une nécrologie de Desmond Tutu a été éliminé/censuré par le Guardian à deux reprises : « Une excellente nécrologie qui montre amplement l’étendue et la profondeur du sens moral de Desmond Tutu. Cela s’étend aussi à sa défense fervente des droits des Palestiniens. »

Evidemment vous ne vouliez pas mentionner la position de Tutu sur la Palestine. L’opposition de Tutu à l’apartheid israélien lui a attiré régulièrement des cris d’«antisémitisme » de la part de ceux qui refusent de comprendre que s’opposer à l’état israélien pour ce qu’il fait n’est pas la même chose que l’hostilité contre les juifs. 

Je comprends parfaitement votre dilemne. Le Guardian a passé tellement de temps à lancer de fausses accusations d’antisémitisme que vous ne savez pas comment gérer l’héritage de quelqu’un qui, selon votre définition, était antisémite. Desmond Tutu était un opposant de l’apartheid sous toutes ses formes, y compris son équivalent juif, le sionisme. 

Juste une dernière chose. Le Guardian semble être devenu silencieux sur l’ « antisémitisme » du Parti travailliste. Je suppose que vous êtes satisfaits avec le fait que pour éradiquer l’« antisémitisme », Starmer a exclu des dizaines de menbres juifs ? Si vous êtes juif dans le Parti travailliste de nos jours, vous avez 5 fois plus de chances d’être exclu que les non-juifs. Cela paraît une étrange façon de s’opposer à l’antisémitisme, ce qui explique sans doute pourquoi le Guardian ne dit plus rien.

Est-ce trop pour vous de faire maintenant preuve de franchise et d’admettre que la campagne contre l’antisémitisme » travailliste n’a jamais concerné les juifs, mais bien Israël et ses pratiques d’apartheid ?

Avec mes sentiments distingués,

Tony Greenstein

Source : Tony Greenstein

Traduction CG pour l’Agence média Palestine

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