Conseils pour les rapports concernant Palestine/Israël

Le 7 décembre 2021, par The IMEU

Guidance for Reporting on Palestine/Israel
Un membre de la police des frontières d’Israël asperge de gaz poivré des journalistes couvrant une manifestation près d’AL-Bireh, en Cisjordanie occupée. (Photo : Fari Arouri)

Le document qui suit contient des conseils, ainsi que des suggestions terminologiques, pour aider les journalistes à couvrir les questions Palestine/Israël d’une manière claire, exacte et équitable.

1. Bonnes pratiques

Toujours inclure des voix palestiniennes (et une diversité d’entre elles).

  • Trop souvent, les Palestiniens sont exclus des récits qui les impliquent, d’une façon dont les Israéliens le sont rarement. Les Palestiniens devraient se voir accorder de l’espace pour exprimer leurs expériences et leurs opinions dans tout récit qui les implique, directement ou indirectement. Il est aussi important de citer un spectre varié de Palestiniens, dont des défenseurs des droits humains, des analystes politiques et des personnes ordinaires, et pas seulement des responsables officiels. Dans le cas de l’Autorité palestinienne, un manque de légitimité dû à son échec à organiser des élections présidentielles depuis 2005 fait qu’il est encore plus important de ne pas trop s’appuyer sur les voix officielles.

Inclure toujours le contexte de l’occupation militaire israélienne et de l’apartheid et, en couvrant Gaza, du siège et du blocus.

  • Il est impossible d’appréhender ce qui se passe en Palestine/Israël sans comprendre que les Palestiniens de Cisjordanie, de Jérusalem-Est et de Gaza vivent sous une occupation militaire israélienne de plus de 54 ans, que les Palestiniens de Gaza vivent sous un siège long de près de 15 ans et que tous les Palestiniens en Israël et dans les territoires occupés vivent sous un système d’apartheid qui est conçu pour les soumettre et les déposséder. Ce contexte critique devrait être inclus dans toute couverture médiatique.

Citer le droit international et les organisations de défense des droits humains.

  • Israël viole systématiquement le droit international chaque jour, en particulier par l’expansion des colonies sur le territoire palestinien occupé, par la destruction des maisons palestiniennes et par son siège et blocus de Gaza, qui constitue une punition collective. Les Nations Unies et toute organisation respectable de défense des droits humains, qui ont enquêté, ont à plusieurs reprises condamné les actions illégales d’Israël. Ce sont des faits indiscutables, pas une question d’opinion. Evitez de jouer « il a dit, elle a dit » dans votre couverture, par exemple en disant des choses comme « Les Palestiniens considèrent X illégal, mais Israël argue que cela ne l’est pas ».

Estimez et humanisez les vies des Palestiniens autant que celles des Israéliens.

  • De même que les voix palestiniennes sont fréquemment exclues des récits qui les impliquent, il y a souvent un double standard dans la couverture médiatique quand on en vient à estimer et à humaniser les vies des Israéliens plus que celles des Palestiniens. Quand des Palestiniens sont tués par des soldats ou des colons israéliens, ce n’est souvent pas considéré digne d’être couvert (bien que l’entreprise israélienne de colonisation militaire et illégale soit subventionnée par le gouvernement des États-Unis), alors que presque à chaque fois qu’un Israélien est tué par un Palestinien, cela l’est. Les Israéliens qui sont tués sont fréquemment humanisés, avec des histoires décrivant leurs vies et qui ils étaient, alors que les Palestiniens qui sont tués sont ordinairement rapportés par des chiffres, s’ils le sont du tout.
  • Le nombre des Palestiniens tués par des Israéliens est aussi fréquemment omis des histoires dans lesquelles il est pertinent. Quand vous mentionnez des victimes, citez des nombres spécifiques et dites clairement de quel côté ils sont. Par exemple, évitez de dire des choses comme : « La violence mortelle en mai dernier a causé de nombreuses morts parmi les civils », alors que le nombre des victimes est connu et que presque toutes les victimes sont palestiniennes.

N’appelez pas Israël une démocratie quand il gouverne des millions de Palestiniens sans leur accorder aucun droit.

Seul le peuple juif jouit d’une démocratie dans les territoires sous contrôle israélien. À part une période d’environ six mois seulement (1966-1967), depuis qu’Israël a été établi en 1948, il a gouverné de larges nombres de Palestiniens par un régime militaire oppresseur et non-démocratique parce qu’ils ne sont pas juifs. Aujourd’hui, environ cinq millions de Palestiniens vivent sous régime militaire israélien dans les territoires occupés, où leur sont déniés les plus basiques des droits humains et politiques, dont le droit de manifester pacifiquement et d’avoir leur mot à dire à propos du gouvernement qui contrôle leurs vies. À l’intérieur des frontières d’Israël d’avant 1967, près de deux millions de citoyens palestiniens d’Israël vivent comme une sous-classe permanente en tant que non-juifs dans un État auto-déclaré juif, discriminés dans presque chaque facette de leur vie. Selon la « Loi de l’État-nation juif » passée en 2018 comme l’une des Lois fondamentales quasi-constitutionnelles d’Israël, « le droit à exercer l’auto-détermination nationale dans l’État d’Israël est propre au peuple juif ». C’est de l’ethnocratie et un apartheid et devrait être décrit comme tel.

Ne prétendez pas que les États-Unis et d’autres pays occidentaux sont neutres.

  • Les États-Unis, le Canada et la plupart des pays européens sont des défenseurs ardents d’Israël et facilitent activement ses violations systématiques du droit international et son oppression des Palestiniens, y compris en fournissant à Israël des financements et de la technologie militaires, un bouclier diplomatique crucial aux Nations Unies et dans d’autres forums internationaux et des accords commerciaux préférentiels. En conséquence, ces pays ne devraient pas être décrits comme neutres, ou comme d’honnêtes intermédiaires, etc.

Souvenez-vous que l’Autorité palestinienne n’est pas un gouvernement / État indépendant et qu’il ne représente (nominalement) qu’une minorité de Palestiniens.

  • L’Autorité palestinienne, établie dans les années 1990 par les Accords d’Oslo, était supposée être un organe de gouvernement provisoire, débouchant sur un État palestinien en 1999. Elle n’a aucun pouvoir réel et elle est complètement redevable à Israël, administrant les fonctions de gouvernement local pour les Palestiniens dans des parties de la Cisjordanie et de Gaza sous le contrôle étroit de l’armée d’occupation d’Israël. L’AP ne peut même pas importer ou exporter des produits ou accéder à un internet à haut débit sans l’approbation d’Israël.
  • L’AP est supposée représenter seulement les Palestiniens en Cisjordanie occupée et à Gaza. L’organisation de libération de la Palestine est supposée représenter partout les Palestiniens, dont une majorité vit soit en exil hors de Palestine/Israël, interdite de retour par Israël parce qu’ils ne sont pas juifs, soit en tant que citoyens de deuxième classe à l’intérieur d’Israël. Depuis qu’elle a été établie, l’AP a été dominée par le parti du Fatah, d’abord dirigé par Yasser Arafat, puis par l’actuel président de l’AP, Mahmoud Abbas. Depuis la fin des années 1960, le Fatah a aussi dominé l’OLP, qui est supposée être une organisation parapluie représentant tous les Palestiniens.
  • De manière croissante, l’AP est vue par les Palestiniens comme un sous-traitant de l’armée d’occupation d’Israël, écrasant la dissidence politique ainsi que la protestation contre l’entreprise de colonisation d’Israël, le siège et le bombardement de Gaza et de manière générale le déni de la liberté palestinienne. Abbas, qui est devenu au fil des ans de plus en plus autoritaire, a dirigé l’AP par décret présidentiel depuis que son mandat initial de quatre ans a expiré en 2009, retardant indéfiniment de nouvelles élections depuis ; le Parlement de l’AP ne s’est pas réuni depuis des années. Par conséquent, l’AP n’est pas représentative des Palestiniens dans les territoires occupés. En même temps, l’OLP sous Abbas est devenue une simple coquille de ce qu’elle était auparavant et a échoué à renouveler ou à rajeunir son leadership depuis des décennies. À cause de ces facteurs et des questions de légitimité qui en résultent, il est encore plus important d’écouter la société civile palestinienne, d’inclure toujours le contexte de l’occupation/apartheid israélien et le rôle de l’AP dans ce système et de ne pas se focaliser seulement sur les Palestiniens dans les territoires occupés.  

Ne compartimentalisez pas ce qui arrive en Israël et dans les territoires occupés. 

  • Israël contrôle l’intégralité de la région et les vies de tous les peuples qui y vivent. Il discrimine systématiquement et dépossède les palestiniens vivant sous occupation ainsi que ceux qui sont citoyens d’Israël. Seuls les Israéliens juifs jouissent des pleins droits et privilèges de la citoyenneté israélienne alors que les Palestiniens vivent sous divers états de soumission. La totalité de Palestine/Israël devrait être traitée comme une entité unique sous contrôle israélien.

2. Noms et terminologie corrects / Langage à éviter 

La description correcte de la Cisjordanie, de Jérusalem-Est et de Gaza est « territoires palestiniens occupés », « territoires palestiniens occupés par Israël », « Cisjordanie occupée », etc. Evitez les termes « territoires disputés », « territoires contrôlés par Israël », « territoire revendiqué par les Palestiniens », « quartier/territoire contesté », etc.

  • Des termes comme « disputés » ou « contestés » rendent les choses confuses et renforcent les affirmations d’Israël (qui ont été à de nombreuses reprises rejetées par la communauté internationale), selon lesquelles ces territoires ne sont en fait pas occupés selon le droit international et donc que la Convention de Genève ne s’y applique pas et que l’entreprise de colonisation d’Israël n’est pas illégale.
  • Comme indiqué par la Cour pénale internationale dans son avis consultatif de 2004 déclarant le mur en Cisjordanie et l’entreprise de colonisation d’Israël illégaux : « Dans le conflit armé de 1967, les forces israéliennes ont occupé tous les territoires [Cisjordanie, Jérusalem-Est, et Gaza] qui avaient constitué la Palestine sous le Mandat britannique … Tous ces territoires (y compris Jérusalem-Est) restent des territoires occupés et Israël a continué à avoir le statut de puissance occupante. »

La description correcte des colonies israéliennes construites sur le territoire palestinien occupé est « colonie juive/israélienne », ou « colonie ». Evitez de vous référer aux colonies en tant que « communautés », « quartiers », etc. 

  • Ces implantations sont des colonies, pratiquant la ségrégation raciale, construites sur un territoire palestinien volé en violation flagrante du droit international et d’une politique de longue date des États-Unis. Souvent, les Palestiniens sont expulsés de force de leurs maisons et de leurs terres pour faire place à ces colonies. Elles sont des obstacles majeurs à la paix et rendent misérables les vies de millions de Palestiniens. Beaucoup de colons sont de violents extrémistes lourdement armés, qui attaquent fréquemment les Palestiniens et détruisent leurs propriétés, souvent sous la protection de soldats israéliens. Se référer à ces colonies comme « à des communautés » ou à des « quartiers juifs » ne rend pas compte de manière exacte de ce qu’elles sont, de ce qu’est leur objectif ou de l’impact destructeur qu’elles ont.

Soyez précis quand vous décrivez les personnes blessées ou tuées pendant des manifestations contre l’occupation d’Israël, les colonies, le siège de Gaza, etc. Ne dites pas que les Palestiniens ont été tués ou blessés dans des « affrontements ».

  • Ce qui se passe réellement, c’est que des Palestiniens manifestent pour leur liberté et leurs droits devant des soldats israéliens lourdement armés et devant la police qui les répriment violemment. Des termes comme « affrontements » obscurcissent cette réalité au lieu de la clarifier et ils devraient être évités.

N’uilisez pas un langage passif pour décrire la violence israélienne contre les Palestiniens. 

  • Evitez de dire que des Palestiniens « sont morts », « ont perdu la vie », etc. quand ils sont tués par des Israéliens. Cela obscurcit la réalité de la violence que les Palestiniens endurent sur une base quotidienne et la responsabilité d’Israël qui la leur inflige.

La description correcte par défaut des Palestiniens qui sont aussi citoyens israéliens est « citoyen palestinien d’Israël ».

  • Les citoyens palestiniens d’Israël sont les Palestiniens et leurs descendants qui ont survécu à l’expulsion de quelque 750 000 Palestiniens pendant l’établissement d’Israël comme État juif en1948. Ils sont confrontés à une vaste discrimination systématique dans presque toutes les facettes de la vie parce qu’ils ne sont pas juifs, ce qui fait d’eux des citoyens de deuxième classe dans leur propre pays natal. Les termes « Israéliens arabes » et « Arabo-israéliens » sont utilisés par Israël dans le cadre d’une tentative pour séparer les Palestiniens en Israël des Palestiniens dans les territoires occupés et ailleurs, et pour effacer leur connexion historique avec le territoire antérieur à l’établissement d’Israël. De plus en plus, les Palestiniens d’Israël considèrent le terme comme méprisant, étant donné qu’il dénie de fait leur identité même en tant que Palestiniens.
  • Certains citoyens palestiniens d’Israël s’identifient effectivement eux-mêmes publiquement comme Israéliens arabes de crainte des répercussions potentielles s’ils s’identifiaient comme Palestinien et/ou dans une tentative pour s’assimiler, dans un pays et une société qui sont profondément racistes à leur égard. Malgré cela, sauf s’ils s’identifient eux-mêmes autrement, la description correcte est citoyen palestinien d’Israël.

Dans les territoires occupés (Cisjordanie, Jérusalem-Est, Gaza), les noms palestiniens de lieux devraient ête utilisés par défaut plutôt que les noms israéliens, lorsqu’ils diffèrent.

  • De même que les noms israéliens sont utilisés pour décrire des lieux à l’intérieur des frontières internationalement reconnues d’Israël avant 1967 qui ont aussi des noms palestiniens (par exemple le désert du Néguev versus le désert du Naqab), les noms palestiniens devraient avoir la préférence dans les territoires occupés, qui selon le droit international sont des territoires palestiniens sous occupation militaire israélienne. Par exemple, à Jérusalem Est, « Esplanade des mosquées (ou Haram al-Sharif, le Noble Sanctuaire) » devrait être utilisé de préférence, et non « Mont du Temple ».

Source : The IMEU

Traduction : CG pour l’Agence Média Palestine

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