Pourquoi il faut vacciner Gaza

Par Sarah Algherbawi, le 17 février 2022

Moins de 500.000 sur les deux millions de personnes vivant à Gaza sont complètement vaccinées contre la COVID-19. (Ashraf Amra / APA images)

La plupart de mes parents vivant à l’étranger, j’ai une petite part de ma nombreuse famille qui vit à Gaza.

Être étroitement liés veut dire que nous partageons les mêmes expériences. Nos expériences partagées ont généralement été joyeuses, surtout lorsque nous avons pu nous réunir tous ensemble.

Depuis l’arrivée de la pandémie de COVID-19, et ma mère et ma tante Jamila ont été testées positives.

Toutes les deux ont des comorbidités, ma mère a un cancer, Jamila a une maladie cardiaque.

Après avoir contracté la COVID, les deux femmes ont été gravement épuisées et ont subi des difficultés respiratoires pendant une quinzaine de jours. Puis elles se sont remises.

En avril 2021, j’ai été moi-même infectée par le virus. Mes deux enfants l’ont été aussi, ainsi que mon mari – bien que lui ait été asymptomatique.

Pendant deux semaines, nous avons dû nous mettre à l’isolement par rapport au monde extérieur.

Malgré nos expériences directes du virus, cela ne m’a pas stressée. J’avais le sentiment que chaque membre de ma famille élargie survivrait.

L’attaque israélienne de mai 2021 sur Gaza a été infiniment plus terrifiante pour nous que la pandémie l’avait été jusque là.

Inquiète

Je ne suis plus du tout aussi détendue à propos de la COVID.

En décembre de l’année dernière, le ministère de la Santé d’ici a confirmé que quelques cas du variant omicron avaient été détectés à Gaza.

En entendant ces nouvelles, j’ai commencé à avoir peur pour ma famille, que je chéris tendrement. J’avais l’intuition que quelque chose de terrible allait arriver.

Tragiquement, mes peurs se sont avérées. En janvier, j’ai reçu l’appel téléphonique que je redoutais.

C’était de la part de mon père. Notre oncle Ahmad – le mari de Jamila – avait le COVID.

Ahmad n’était déjà pas bien du tout quand j’ai reçu l’appel. Il est mort plus tard en janvier à l’âge de 80 ans.

Sa mort a été un grand choc.

Ahmad était complètement vacciné. Il avait eu une bonne santé presque toute sa vie et jouissait d’une grande popularité, surtout auprès de mes enfants.

A cause de la situation due au COVID, ma nombreuse famille n’a pas pu offrir à Jamila tout le soutien que nous aurions pu lui apporter dans d’autres circonstances.

Certains parents n’ont pu que parler avec elle au téléphone. Ce fut le cas de mon oncle Majid et de sa femme, qui tous deux ont été récemment testés positifs au COVID.

Ma mère aussi a dû être extrêmement prudente à ce moment là. Elle venait juste d’avoir sa dernière dose de chimiothérapie.

Le cœur brisé

Mon mari Hamza et moi sommes allés aux funérailles. Mon père aussi, le frère de Jamila.

C’était important pour nous d’essayer de réconforter Jamila. Mais j’aurais vraiment souhaité que plus de personnes aient pu être présentes.

Jamila a le cœur brisé. J’aimerais que tous ceux qui sont à Gaza puissent l’embrasser et la consoler.

Malgré tout ce chagrin, je suis convaincue que la décision des membres de ma famille de ne pas assister aux funérailles était la bonne.

Nous avions perdu un être cher à cause du COVID. La dernière chose dont nous avions besoin était de voir quelqu’un d’autre contaminé à l’enterrement.

Comme l’a dit mon oncle Majid : « Tout ce que j’espère, c’est que le virus ne tue pas un autre membre de notre famille. »

D’après les données de l’Organisation Mondiale de la Santé, jusqu’ici environ 1.900 personnes sont mortes de la COVID-19 à Gaza. Moins de 500.000 des deux millions d’habitants de Gaza sont complètement vaccinés.

Traiter les malades du COVID-19 s’est avéré extrêmement complexe pour les hôpitaux de Gaza.

Depuis environ 15 ans maintenant, Israël impose un blocus total à Gaza. Le blocus a gravement affecté le système de santé.

Pour répondre à la COVID-19, la Société du Croissant Rouge palestinien de Gaza a acheté, en février de l’année dernière à la Cisjordanie occupée, un générateur d’oxygène. Douze mois plus tard, Israël n’a toujours pas autorisé son entrée à Gaza.

Israël, la puissance occupante, a, selon le droit international, une obligation de s’assurer que les besoins médicaux de la population de Gaza sont satisfaits.

Les vaccins sauvent des vies

Israël s’est dépeint comme l’un des pays qui ont le mieux réussi à organiser une campagne de vaccination rapide contre le COVID. Les médias d’Europe et d’Amérique du Nord ont fait sa promotion comme un exemple de réussite, omettant généralement le fait que sa campagne de vaccination n’a pas touché les millions de Palestiniens sous occupation israélienne.

Une telle discrimination a signifié que les Palestiniens ont été obligés de compter sur les donations de vaccins de la part de divers gouvernements.

Parallèlement au programme de vaccination inapproprié, il y a eu une réticence importante dans la population de Gaza face à la vaccination.

J’ai effectué un sondage informel auprès d’une trentaine de personnes âgées de 25 à 50 ans. Au total, 24 sur les 30 ont dit qu’ils ne voulaient pas être vaccinés.

Parler avec ces gens a fait apparaître que beaucoup d’entre eux avaient été influencés par des mensonges et des théories conspirationnistes sur les vaccins répandues sur internet.

C’est terrifiant que des mensonges puissent prendre tant de force quand les bénéfices de la vaccination sont clairs. Le ministère local de la Santé déclare que 95 % des gens morts du COVID à Gaza n’étaient pas vaccinés.

Il ne fait aucun doute réel que les vaccins sauvent des vies et aident à faire décroître les taux d’infection.

C’est vrai que mon oncle était complètement vacciné et qu’il est quand même mort du COVID. Je reste néanmoins convaincue que la vaccination est vitale.

J’ai perdu un oncle très aimé du COVID-19. Je ne veux pas que quiconque d’autre souffre autant que ma famille.

Tout ce que je demande c’est que les gens fassent ce qu’ils peuvent pour mettre fin à la pandémie. Le plus important, c’est de se faire vacciner.

Sarah Algherbawi est une écrivaine et traductrice indépendante de Gaza.

Source : The Electronic Intifada

Traduction J. Ch. pour l’Agence média Palestine

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