Une loi israélienne raciste devient encore plus raciste

Par Amjad Iraqi, le 13 mars 2022

Une Palestinienne plaide son cas auprès d’un agent de la police des frontières pour essayer de franchir le checkpoint de Qalandia,, Cisjordanie, 3 septembre 2010. (Miriam Alster/Flash90)

Par un vote tard dans la nuit de jeudi, la Knesset a décidé de rendre encore plus raciste une des lois d’Israël les plus racistes. Après des mois de querelle politique, le Parlement a voté une nouvelle version de la loi sur la citoyenneté et l’entrée en Israël, qui interdit aux Palestiniens des territoires occupés et aux citoyens de « pays ennemis » de se réunir à leurs époux.ses et familles citoyens d’Israël. Réaffirmé depuis près de deux décennies, cet “ordre temporaire” définit le régime israélien exercé sur les Palestiniens des deux côtés de la Ligne Verte, qui vise directement leur droit à aimer, se marier et à élever des enfants.

L’histoire de la loi sur la citoyenneté raconte parfaitement la confiance croissante qu’a Israël dans l’affirmation de ses ambitions racistes. Lors de sa première mise en place en 2003, de nombreux représentants officiels israéliens se sont efforcés de défendre la loi soit comme politique d’immigration « normale », soit comme « mesure de sécurité » au moment de la deuxième Intifada. Les deux arguments, d’emblée, étaient douteux : la loi du Retour ne permet qu’à un groupe ethno-religieux d’avoir le droit d’immigrer et d’être doté de la citoyenneté ; les propres données de l’État montrent que les craintes sur la sécurité autour de la réunification familiale ont été largement exagérées ; et que des milliers de travailleurs palestiniens ont des permis d’entrer en Israël chaque jour, pourvu qu’ils rentrent ensuite dans les territoires occupés.

Au fil du temps, cependant, l’establishment israélien a eu de moins en moins de complexes quant au but réel de la loi : la gestion démographique. La  nouvelle version restreint désormais le statut des personnes issues de « pays hostiles ou de la région », mettant l‘accent sur l’identité et les intérêts d’Israël en tant qu’ « État juif et démocratique ». En bref, le nombre de citoyens « non juifs » – Palestiniens indigènes – doit être activement minimisé par tout moyen nécessaire. Cet élargissement de la vraie nature de la loi s’est répandu dans tout le spectre politique israélien, et toute subtilité de langage a depuis été abandonnée. Lors du renouvellement de l’ordre en 2005, Ariel Sharon, alors premier ministre, déclarait : « Il n’y a pas besoin de se cacher derrière des arguments sécuritaires. Il y a besoin de l’existence d’un État juif ». Les juges israéliens les plus importants se sont alignés : dans sa décision de 2012 promouvant la loi, le président de la Cour Suprême, Asher Grunis fit la remarque suivante : « Les droits ne prescrivent pas un suicide national ».

En juillet dernier, l’architecte « centriste » de la coalition post-Netanyahou, le ministre des affaires étrangères Yaïr Lapid, a déclaré : « Il n’y a pas besoin d’esquiver l’essence de cette loi. C’est un des outils permettant d’assurer une majorité juive en Israël ». La ministre de droite de l’intérieur, Ayelet Shaked, actuellement en charge du contrôle de l’application de l’unification familiale, a aussi fait clairement savoir le mois dernier : « Nous n’avons pas besoin de mâcher nos mots, la loi a des raisons démographiques ». 

La communauté internationale a longtemps pris comme acte de foi qu’Israël serait pour toujours un « État juif ». Ce qu’elle n’a pas demandé – ou pas mis en question – était ce qu’impliquerait la réalisation de cette vision. La réponse se trouve dans cette horrible loi, une parmi de nombreuses qui envahissent et dépossèdent les espaces les plus intimes de la vie palestinienne, de façon à préserver la suprématie d’un groupe sur un autre. 

Shaked elle-même n’aurait pas pu être plus claire lorsqu’elle a récemment posté sur Twitter peu après le vote à la Knesset : « Un État juif et démocratique : 1. Un État de tous ses citoyens : 0 ».  Encore combien de représentants officiels d’Israël devraient se comporter de façon aussi éhontée et encore combien de lois racistes devraient être votées avant que le monde accepte qu’Israël veut être un État d’apartheid ?

Amjad Iraqi est rédacteur et écrivain pour le magazine + 972. Il est aussi analyste politique du think tank Al-Shabaka et a été précédemment coordonnateur du plaidoyer au centre juridique Adalah. C’est un citoyen palestinien d’Israël qui habite à Haifa. 

Source : + 972 Magazine

Traduction SF pour l’Agence média Palestine

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