L’UE doit être poussée à interdire les produits des colonies

Par Tom Moerenhout, The Electronic Intifada, 19 avril 2022

Après l’occupation et l’annexion de la Crimée par la Russie en 2014, l’Union européenne a rapidement interdit l’importation des produits qui y sont fabriqués. La raison invoquée était que la Crimée n’est pas un territoire souverain de la Russie.

Sous un tonnerre d’applaudissements, l’UE a fait de même cette année en ce qui concerne les territoires de Donetsk et Louhansk, non contrôlés par le gouvernement, lorsque la Russie a mené une guerre à grande échelle contre l’Ukraine.

L’UE a mis fin à ce commerce en utilisant une sanction.

De fait, en utilisant des sanctions, elle peut choisir quand appliquer le droit international – et quand ne pas le faire.

Cette hypocrisie sape le droit international.

Ce dont l’UE a besoin, c’est d’une règle générale interdisant le commerce avec toutes les colonies illégales, en tout lieu, à tout moment, dès maintenant et à l’avenir, une fois pour toutes.

Les citoyens de l’UE peuvent désormais signer en toute confidentialité une initiative citoyenne européenne officielle qui exige l’adoption d’une telle loi.

Cette pétition est adressée à l’exécutif de l’UE, la Commission européenne.

Cette institution avait auparavant refusé d’enregistrer notre initiative citoyenne. Suite à une décision de justice l’année dernière, la Commission européenne n’a pas eu d’autre choix que de l’enregistrer.

Le mécanisme d’initiative citoyenne permet aux simples citoyens des pays de l’UE d’exiger une action sur toute question pour laquelle la Commission européenne a le pouvoir de légiférer.

Le droit international est limpide

L’une des règles les plus importantes du droit international est l’obligation des États de s’abstenir de recourir à la force à moins qu’ils n’agissent en défense. En particulier, la conquête et l’annexion de territoires sont interdites.

Outre la Crimée, il existe au moins trois cas d’occupation militaire de longue durée violant la souveraineté : le Sahara occidental, occupé par le Maroc en 1975, la Cisjordanie (y compris Jérusalem-Est) et Gaza, occupées par Israël en 1967 et les hauteurs du Golan syrien, occupées par Israël la même année.

L’occupation de ces territoires est qualifiée depuis longtemps par le Conseil de sécurité des Nations Unies et la Cour internationale de Justice de violation flagrante du droit international. Au Sahara occidental, sur les hauteurs du Golan et en Palestine, les violations des droits humains à grande échelle sont monnaie courante.

Dans les trois cas, l’occupant a transféré sa population civile dans des colonies. Selon la Cour pénale internationale, une telle colonisation est un crime de guerre.

La politique de réinstallation des populations est particulièrement grave car elle révèle l’objectif de maintenir une occupation permanente et une annexion de facto des territoires occupés.

Comme l’ont déclaré Amnesty International et Human Rights Watch, les États ont l’obligation d’interdire les importations en provenance des colonies illégales.

Le commerce avec ces colonies leur apporte un soutien et implique implicitement la reconnaissance de la situation illégale. Ce faisant, les États contribuent à perpétuer la situation illégale.

Pour cette raison, l’UE collectivement et chacun de ses gouvernements doivent arrêter le commerce avec les colonies.

Les règles doivent être générales et appliquées dans tous les cas. Pourtant, il est essentiel d’être précis sur ce qu’une interdiction des biens des colonies impliquerait et ce qu’elle n’impliquerait pas.

La loi ne s’appliquerait pas aux produits des personnes vivant sous occupation et qui ne sont pas, en principe, des ressortissants de la puissance occupante. Alors que les marchandises provenant des colonies israéliennes seraient interdites, les exportations des Palestiniens de Cisjordanie et de Gaza seraient autorisées.

Les gouvernements de l’UE sont autorisés à mettre en œuvre une interdiction des biens des colonies en vertu des règles de l’UE sur les importations.

L’interdiction ne violerait pas non plus le droit commercial mondial.

Les règles de droit de l’Organisation mondiale du commerce ne s’appliquent pas aux colonies illégales. Et ces règles elles-mêmes comportent des exceptions permettant des interdictions d’importation qui soutiennent la paix et la stabilité internationales.

Hypocrisie

Les pratiques actuelles de l’UE exigent l’indication correcte de l’origine des importations, ce que l’on appelle l’étiquetage.

Pourtant, alors que l’UE a fermement condamné les colonies israéliennes, elle fait toujours des affaires avec elles.

L’étiquetage est insuffisant au regard du droit international.

Au contraire, le commerce avec les colonies illégales ne devrait pas avoir lieu du tout. Le fait que cela ait lieu signifie que les pays violent leurs obligations en matière de droit international.

Bien que les Nations unies aient demandé à plusieurs reprises à leurs membres de ne pas aider les colonies israéliennes, l’UE continue de commercer avec elles, même si elle reconnaît qu’elles sont illégales.

Il a été démontré que le commerce de l’UE avec les colonies a contribué directement à leur expansion.

Dans un passé récent, la Commission européenne a déclaré à certains gouvernements de l’UE comme l’Irlande qu’ils ne pouvaient pas arrêter le commerce avec les colonies illégales.

La Commission européenne a affirmé qu’elle, et non les gouvernements, avait le pouvoir sur la politique commerciale. Pourtant, face à certaines pressions, la Commission européenne a pu dire qu’une interdiction des produits des colonies serait une sanction et exigerait un vote unanime des gouvernements de l’UE pour être mise en place.

En utilisant des arguments alambiqués, la Commission européenne s’est complètement dérobée à toute responsabilité.

VolteFace

L’année dernière, il y a eu un revirement important. La Commission européenne a finalement reconnu que l’interdiction des produits des colonies illégales ne serait pas une sanction politique mais une mesure commerciale et qu’elle avait le pouvoir de proposer une telle mesure.

Pourquoi la Commission européenne a-t-elle changé sa position ? Parce qu’elle a été obligée de le faire.

Avec six autres personnes, j’ai poursuivi la Commission européenne car elle avait refusé d’enregistrer notre initiative citoyenne visant à mettre fin au commerce avec toutes les colonies illégales.

Nous avons gagné notre procès devant la Cour européenne de justice.

Notre victoire au tribunal a secoué les choses.

Après des années à éluder ses propres responsabilités, la Commission européenne a maintenant officiellement reconnu qu’elle a le pouvoir de proposer des interdictions d’importation et d’exportation de marchandises provenant de colonies illégales.

Pourquoi, alors, l’UE continue-t-elle à commercer avec les colonies illégales ? La seule conclusion que nous pouvons tirer est que la Commission européenne aide sciemment les crimes de guerre.

En vertu des règles de l’UE, ses gouvernements individuels sont autorisés à arrêter les importations pour des raisons de moralité publique et de politique sociale. Les gouvernements individuels peuvent donc interdire eux-mêmes les marchandises des colonies sans que l’UE ait besoin d’avoir une position commune.

Il est indéniable que l’UE est arrivée à la croisée des chemins. N’avoir qu’un respect partiel ou incohérent du droit international et des droits humains revient à ne pas respecter le droit international et les droits humains.

L’agression territoriale est en hausse. Le monde regarde.

Le choix incombe à la Commission européenne.

En signant l’initiative citoyenne, les simples citoyens peuvent exiger que l’UE prenne la bonne décision.

Une procédure simple qui ne prend que 20 secondes peut aider à mettre fin à l’impunité pour les crimes de guerre.

Tom Moerenhout est juriste.

Source: Electronic Intifada

Traduction: Agence Média Palestine

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