Criminalisation du militantisme solidaire de la Palestine au Royaume Uni

Par Yara Hawari, le 9 juin 2022

Une nouvelle vague de la politique répressive du gouvernement du Royaume Uni vise à supprimer la contestation et l’expression politique, menaçant directement l’action de solidarité avec la Palestine. Yara Awari, analyste politique senior d’Al-Shabaka situe ces dernières mesures de répression dans la persistance du soutien de la Grande Bretagne au sionisme et montre comment ce n’est que dans des alliances larges et intersectionnelles que les activistes pour la justice sociale peuvent effectivement repousser la répression menée par l’État. 

En Janvier 2022, le secrétaire d’État britannique à l’éducation Nadhim Zahawi a prétendu que le slogan populaire « du Jourdain à la mer, la Palestine sera libre » était antisémite et que le scander devrait être considéré comme une infraction pénale. Les commentaires de Zahawi interviennent sur la toile de fond de la répression accrue du gouvernement britannique contre le militantisme solidaire de la Palestine, avec notamment des efforts pour interdire à des organisations publiques de recourir au boycott, au désinvestissement et aux sanctions, et des tentatives d’amalgamer antisionisme et antisémitisme.

Alors que la répression est le reflet d’une politique étrangère de longue date de la Grande Bretagne à l’égard du régime israélien, elle fait aussi partie d’une vague de législation visant à criminaliser un large éventail de mouvements politiques et défenseurs de la justice sociale, avec un focus sur les manifestations et actions politiques. Le gouvernement britannique a ciblé des mouvements tels que Black Lives Matter (BLM) qui contestent la violence d’État et, à leur tour, ces groupes ont pris la tête des actions contre cette répression. Celle-ci a aussi stimulé une nouvelle solidarité et des actions inter-mouvements parmi les groupes ciblés, ce qui est de plus en plus visible dans les manifestations et actions politiques dans tout le Royaume Uni. Dans ces espaces, les activistes solidaires de la Palestine, parmi d’autres, sont tous en convergence et partagent leurs luttes. 

À l’heure où cette répression va loin, cette note de politique va se concentrer sur l’environnement de plus en plus répressif auquel sont confrontés ceux qui agissent et s’organisent au sein d’espaces de solidarité avec la Palestine en Grande Bretagne. Elle explique comment cette dernière évolution fait partie d’une tentative renouvelée de suppression de la contestation et de l’expression politique et elle met en avant les efforts victorieux pour résister à cette répression de la dissension. Elle se conclut sur des stratégies visant à se confronter à cette répression et à renforcer les liens entre les mouvements. 

La politique étrangère constante du Royaume Uni envers le sionisme

Le soutien de la Grande Bretagne au projet sioniste est indéfectible depuis son démarrage colonial et c’est ce qu’a continuellement reflété la politique étrangère britannique. L’élite politique de la Grande Bretagne était évidemment composée d’ardents chrétiens sionistes, dont le Premier Ministre Lloyd George qui conduisit la coalition gouvernementale du temps de la Déclaration Balfour de 1917. Cet engagement pour le sionisme, qui a nécessité le déni des aspirations nationales palestiniennes, a été central dans le régime britannique tout au long des trente années de son occupation de la Palestine, de 1917 à 1948. Les autorités coloniales britanniques ont facilité l’immigration de dizaines de milliers de Juifs européens en Palestine et ont soutenu l’établissement d’institutions sionistes tout en réprimant sans cesse la résistance palestinienne au régime britannique et à la colonisation sioniste. 

Après la création de l’État d’Israël en 1948 sur plus de 80% de la Palestine historique, la Grande Bretagne a continué à soutenir le projet sioniste. Dans les années 1950 et 1960 elle a secrètement aidé le régime israélien in à développer son arsenal nucléaire. Le Royaume Uni a maintenu ses ventes d’armes au régime israélien pendant des décennies— — atteignant un nouveau sommet  en 2018 — en dépit de ses crimes de guerre et violations continuels des droits des Palestiniens. Nombre d’armes et de technologies vendues sont alors utilisées par le régime israélien dans ses  attaques meurtrières sur Gaza, Gaza qui subit un siège militaire depuis plus de 15 ans.

Alors que le gouvernement travailliste de Grande Bretagne a condamné l’occupation par le régime israélien du reste de la Palestine historique en 1967, Jérusalem Est inclue, il a maintenu une relation forte avec le Parti Travailliste israélien qui était au gouvernement à l’époque. L’ancien Premier Ministre britannique, Harold Wilson, fut un défenseur “incroyable du sionisme et il considérait le régime israélien comme  “une expérience formidable de politique socialiste ”. 

Ironiquement, c’est le parti travailliste israélien qui a été le fer de lance de l’entreprise de colonisation illégale de la Cisjordanie, de Gaza et du Golan syrien occupé. Le gouvernement britannique a, depuis, maintenu sa ligne officielle selon laquelle « les colonies sont illégales au regard du droit international » et le régime israélien devrait « cesser immédiatement » d’en construire. Pourtant, non seulement il refuse de tenir Israël responsable de ces crimes de guerre, mais il récompense le gouvernement israélien en approfondissant les relations commerciales et diplomatiques. Il y a aujourd’hui plus de 620,000 colons israéliens répartis en plus de 200 colonies en Cisjordanie. Ces colonies et leur infrastructure de soutien prennent la plus grande partie de la terre de Cisjordanie et elles empiètent sur tous les aspects de la vie des Palestiniens. 

Le soutien persistant de la Grande Bretagne au projet sioniste entre également dans les considérations de sa politique étrangère actuelle. C’est ce qu’a exprimé l’ancien secrétaire britannique à la défense, Gavin Williamson, qui a déclaré en 2018 que  la relation Royaume Uni-Israël est « la pierre angulaire d’une bonne partie de ce que nous faisons au Moyen Orient ». En d’autres termes, le régime israélien protège les intérêts du Royaume Uni dans la région et, en retour, le Royaume Uni protège le régime israélien. Donc, tandis que l’alignement idéologique historique de la Grande Bretagne avec le sionisme aide à expliquer la vague actuelle de mesures répressives contre le militantisme pour la Palestine au Royaume Uni, il est tout aussi important de souligner qu’il est de l’intérêt stratégique propre au Royaume Uni d’agir ainsi. 

Les manœuvres répressives du gouvernement britannique

Le gouvernement britannique prend depuis longtemps des mesures pour étouffer le militantisme de solidarité avec la Palestine. Les récentes manœuvres marquent cependant une nouvelle période dans la répression d’État britannique et ont de graves répercussions pour le militantisme de solidarité avec la Palestine et pour les mouvements alliés. 

Une des tactiques préférées du gouvernement est d’associer la lutte palestinienne pour la libération au terrorisme, une tentative délibérée de délégitimer les droits fondamentaux du peuple palestinien. Cela s’est accéléré après le 9 septembre et la « guerre contre la terreur » des États-Unis, que le gouvernement britannique a soutenue et adoptée. En 2003, dans le cadre de cette approche, le gouvernement britannique a introduit Prevent (Empêcher) une stratégie faite pour traiter de « l’extrémisme » et arrêter ceux qui pourraient devenir « terroristes » ou soutenir le «terrorisme ». En 2015, le gouvernement a adopté une loi qui a institutionnalisé “une “Mission de Prévention » dans des servies des secteurs de l’éducation et de la santé, exigeant des professionnels qu’ils « prennent en compte » la nécessité d’empêcher des gens d’être entraînés vers le terrorisme ».

Selon plusieurs experts et organisations de défense des droits humains, cette tragédie a créé un risque sérieux de violations des droits humains, en particulier dans son ciblage de la « pré-criminalité ». En d’autres termes, elle encourage les professionnels de ces secteurs à identifier des extrémistes potentiels qui n’ont pas encore commis de délit. Les directives et la formation identifient un ensemble de signes pouvant suggérer une vulnérabilité à l’extrémisme, dont des « griefs provoqués par certains aspects de la politique gouvernementale ». Sans surprise, les Musulmans ont été visés de façon disproportionnée dans bien des cas, en étant simplement repérés par des signes d’adhésion à l’Islam. La plupart des signalements de professionnels de ces secteurs sont, bien sûr, sans fondement. Pour autant, ils ont souvent de très graves conséquences pour ceux qui sont signalés, notamment le viol de la vie privée, des interrogatoires policiers et une stigmatisation sociale. 

Prevent identifie aussi des sympathies ou un intérêt pour la Palestine comme signes possibles d’extrémisme.  “ “Un soutien actif à la Palestine” et une “opposition aux colonies israéliennes » figurent sur une liste de griefs possibles à surveiller par les professionnels. Ironiquement, cela va à l’inverse de la politique officielle du gouvernement britannique qui prétend s’opposer aux colonies israéliennes. Avec la même logique, le Ministère britannique des affaires étrangères et du Commonwealth pourrait lui-même être signalé pour extrémisme potentiel. 

Les effets préjudiciables de la criminalisation par Prevent  du militantisme solidaire de la Palestine sont parfaitement clairs. En 2014, a un élève a été signalé par ses professeurs à la police anti-terroriste pour le port d’un badge « Palestine libre » et pour avoir en mains des tracts contre les bombardements de Gaza par le régime israélien. La police l’a interrogé chez lui et il lui aurait été dit de ne plus parler de la Palestine à l’école. Il y a aussi de nombreux cas d’étudiants surveillés et harcelés sur des campus universitaires pour le soutien qu’ils manifestent à la Palestine.

En plus de l’association diffamatoire avec le terrorisme et l’extrémisme, le militantisme solidaire de la Palestine est souvent confondu avec l’antisémitisme. Précédemment menée par le ministère israélien des affaires stratégiques – un ministère créé en grande partie pour combattre le mouvement de Boycott, Désinvestissement et Sanctions (BDS) et les mouvements solidaires de la Palestine, dont l’action a été fusionnée avec le ministère des affaires étrangères – cette stratégie est devenue un phénomène mondial. 

En 2018, le gouvernement britannique a adopté  la définition de l’antisémitisme  de l’Association pour la Mémoire de l’Holocauste (IHRA), qui confond délibérément l’antisionisme et l’antisémitisme. Elle établit que « nier le droit à l’autodétermination du peuple juif, en prétendant que l’existence de l’État d’Israël est une entreprise raciste », est une forme d’antisémitisme. La définition de l’IHRA a ainsi été invoquée de façon disproportionnée pour cibler des groupes solidaires de la Palestine qui critiquent naturellement le régime israélien alors que des nationalistes blancs et des groupes européens d’extrême droite ont reçu peu d’attention. 

Depuis 2020, des universités du Royaume Uni sont sous pression pour adopter la définition de l’IHRA. En octobre 2020, l’ancien Secrétaire britannique à l’éducation, Gavin Williamson, a même menacé les universités de perte de leurs flux de financement si elles ne le faisaient pas. Dans bien des cas, les universités ont cédé à la pression, avec des conséquences troublantes. À l’Université Hallam de Sheffield, par exemple, l’universitaire palestinienne Shahd Abusalama a été suspendue de son poste pendant une enquête liée à des plaintes venant de l’extérieur selon lesquelles elle aurait contrevenu aux règles de l’université sur l’IHRA. L’enquête a rapidement été abandonnée à la suite d’une large campagne de soutien à Abusalama et après que l’université a échoué à corroborer les plaintes. 

La définition de l’IHRA a aussi été la colonne vertébrale de nombreuses attaques contre le mouvement BDS et le gouvernement britannique a proposé une législation qui le vise directement. En 2016, le gouvernement a introduit des « lignes directrices” dénonçant le boycott de la part d’organismes publics comme étant « “« inapproprié ». Par la suite, dans son programme électoral général de 2019, le Parti Conservateur a promis de consolider ces dispositions dans sa politique, promettant d’interdire aux organismes publics d’imposer leurs propres campagnes de boycott, désinvestissement ou sanctions directs ou indirects contre des pays étrangers ». 

Alors que le programme n’a pas mentionné explicitement le mouvement BDS, différents personnages politiques du Parti Conservateur ont clairement dit quelles sont leurs motivations. Par exemple, le député  Robert Jenrick a affirmé dans une conférence en ligne que « dans un ou deux ans, nous devrions avoir une interdiction absolue de BDS ici, ce qui serait un grand pas en avant ». Parallèlement, Eric Pickles, député conservateur  et représentant spécial du gouvernement sur les questions concernant l’holocauste, a insisté  dans une conférence à Jérusalem en 2019 sur la qualification du mouvement BDS comme antisémite, disant que la législation proposée ne permettrait pas à des organismes publics de désinvestir ou de boycotter le régime israélien. 

Il est clair désormais que la législation anti BDS sera introduite au Parlement. Dans  son discours de mai 2022 à la séance d’ouverture du Parlement, la Reine a affirmé que le gouvernement britannique allait mettre en place une « législation empêchant les organismes publics de s’engager dans des boycotts qui sapent la cohésion de la communauté ». Au-delà du fait d’entraver l’action des militants de la solidarité avec la Palestine, seront aussi affectés ceux qui veulent pratiquer le boycott en signe de protestation contre d’autres pouvoirs  impliqués dans des abus contre les droits humains. Une déclaration d’un groupe d’ONG britanniques mentionne que cela va « freiner toute une série de campagnes concernées par le commerce des armes, la justice climatique, les droits humains, le droit international et la solidarité internationale avec les peuples opprimés luttant pour la justice ».

En plus de cette répression contre le boycott, le militantisme solidaire de la Palestine est face à une répression émanant de manœuvres juridiques visant les mouvements pour la justice sociale et les communautés vulnérables, dont les migrants et les réfugiés. Les critiques dissent qu’on plonge ainsi dans la réalité d’un « État policier » . En font partie  la loi sur la Nationalité et les Frontières qui tente d’arrêter l’immigration de certaines parties du monde par la criminalisation des demandeurs d’asile, la création de centres de traitement « offshore » et des efforts pour réformer et restreindre la portée de la loi sur les Droits Humains – en permettant essentiellement au gouvernement de choisir qui a accès aux droits humains.  

Peut-être plus préoccupante pour les campagnes et mouvements politiques, c’est la loi Police, Délits, Condamnations et Tribunaux (PCSC) qui étend les pouvoirs de la police et d’autres autorités institutionnelles. Les groupes et militants de défense des droits humains expliquent  que cela excède énormément le pouvoir politique et que c’est une tentative de supprimer la contestation. De plus, c’est « une attaque contre certains des droits les plus fondamentaux des citoyens, en particulier ceux des communautés marginalisées ». La loi PCSC donne au ministère de l’intérieur et aux représentants de la police une grande latitude pour décider de l’illégalité de certaines contestations et pour arrêter et accuser participants et organisateurs. Une manifestation peut être jugée illégale simplement si elle fait trop de bruit et tout un chacun peut être arrêté et accusé d’organiser ou de partager de l’information sur les manifestations. La loi criminalise aussi « l’intrusion », ce qui non seulement tente de limiter les espaces d’activité politique, mais aussi cible directement les Gitans nomades, les Rroms et les gens du voyage.

En plus des arrestations, les sanctions inscrites dans la loi PCSC comprennent des peines de prison et de lourdes amendes. Sans aucun doute, cela va décourager beaucoup de gens de participer à des manifestations et à des rassemblements politiques. Le groupe britannique de défense des droits humains, Liberty, a déclaré que ce qui est prévu dans cette loi va affecter tout le monde et démanteler « le droit durement gagné et extrêmement précieux de rassembler et d’exprimer librement la contestation ». 

Riposte fructueuse et stratégies de défense

Ces manœuvres juridiques constituent un effort visible pour créer un effet glaçant de manière à décourager les militants de la solidarité avec la Palestine et les mouvements alliés de s’organiser. Les militants ont tout de même continué à riposter contre la répression de l’État britannique – et dans bien des cas, avec succès. Voici quelques exemples et possibilités de construire de futures actions.

Le Syndicat National Étudiant (NUS), avec le soutien d’enseignants universitaires alliés, a historiquement riposté avec sa propre stratégie « Empêcher d’empêcher » qui encourage les campus à lancer des campagnes sous le titre « Des Étudiants, pas des Suspects ».  NUS s’oppose officiellement à Prevent en tant que politique gouvernementale et soutient ceux qui ont été visés par ce programme. Plus largement, des universitaires et d’autres professionnels ont publiquement dénoncé Prevent, dans une lettre critiquant la stratégie pour son manque d’une “base de connaissances scientifiques.

Des institutions universitaires ont de même été le lieu d’une forte opposition à la définition de l’antisémitisme de l’IHRA. Au début de 2021, des universitaires de University College de Londres ont publié un rapport indiquant que « le travail spécifique de définition n’est pas adapté à l’université et n’a pas de base légale pour son application ». À la suite de ce rapport, un bureau universitaire interne a incité l’université à rejeter l’emploi de la définition de l’IHRA et a forcé l’université à revoir la décision de l’adopter. 

A peu près au même moment, la Société Britannique des Études sur le Moyen Orient (BRISMES) a publié une déclaration affirmant que la définition a été employée pour délégitimer ceux qui soutiennent les droits des Palestiniens et qu’elle ne contribue pas de manière substantielle à combattre le racisme. D’autres déclarations et actions ont suivi, dont une lettre d’un groupe de 135 universitaires israéliens rejetant la définition et une lettre d’universitaires et d’intellectuels palestiniens et arabes qui a été publiée dans le Guardian. Cette riposte contre l’IHRA a conduit de nombreuses universités à rester fermes face aux pressions du gouvernement visant à leur faire adopter la définition.

La construction d’alliances entre étudiants et personnel universitaire est la clef de la lutte contre les politiques oppressives d’universités, étant donné qu’ils ont tous un pouvoir collectif significatif. Élément crucial, le personnel des universités peut et doit refuser massivement de participer à l’espionnage d’étudiants sur demande du gouvernement. Les institutions d’éducation ont longtemps été des lieux de refus et de résistance aux politiques répressives, notamment celle de faire taire le militantisme solidaire de la Palestine et il faut continuer.

Une riposte juridique contre la délégitimation du mouvement BDS a aussi été particulièrement efficace. Depuis 2017, la Campagne de Solidarité avec la Palestine (PSC), avec une coalition d’alliés a combattu les tentatives du gouvernement britannique pour faire taire BDS en justice. En avril 2020, PSC a battu le gouvernement britannique dans un cas de jurisprudence devant la Cour Suprême. La Cour a statué contre les lignes directrices du gouvernement mentionnées plus haut qui restreignaient la possibilité pour des régimes de retraites d’autorités locales de retirer leurs investissements de compagnies complices du régime israélien de violation des droits fondamentaux des Palestiniens. 

Le succès de PSC coïncide avec d’autres interventions victorieuses au plan juridique en Europe attachées au respect du droit au boycott. En 2020, un tribunal constitutionnel régional allemand a statué contre une motion anti-BDS, déclarant qu’elle empiétait sur les droits fondamentaux. Et en mai 2021 un tribunal pénal de Lyon en France a reconnu la légitimité de l’appel BDS.

Au-delà de BDS, le Centre Européen de Soutien Juridique (ELSC), une organisation indépendante créée pour défendre et renforcer le pouvoir des défenseurs des droits des Palestiniens en Europe, agit pour le soutien du mouvement de solidarité avec la Palestine en combinant « le monitoring, les stratégies défensives, les contentieux, la formation et le plaidoyer ». Ce centre travaille aussi au développement « d’outils juridiques et s’engage dans des contentieux stratégiques dans le soutien au plaidoyer et aux campagnes de la société civile ».  

Ces interventions collectives créent un corpus de précédents juridiques qui peut être utilisé par des militants et des mouvements dans le monde. PSC a bien sûr fait allusion à ce que cela signifie, à la suite de sa victoire en justice :

Depuis quelques années, Israël et ses alliés se sont engagés dans une bataille de délégitimation du militantisme pour les droits des Palestiniens et, en particulier pour criminaliser l’action de soutien à l’appel palestinien pour le Boycott, le Désinvestissement et les Sanctions (BDS). Les tentatives du gouvernement du Royaume Uni pour introduire ces règles doivent être comprises dans ce contexte. Le gouvernement a annoncé dans le discours de la Reine son intention d’avancer une législation anti BDS. Notre victoire à la Cour Suprême aujourd’hui devrait agir comme un coup de semonce.

Au-delà des droits des militants de la solidarité avec la Palestine, PSC défend l’idée qu’il s‘agit aussi de menaces plus larges sur la liberté d’expression et sur l’empiètement du gouvernement sur la démocratie locale. Le mouvement de solidarité avec la Palestine n’est certes pas la seule cible de la répression de l’État britannique, comme l’a démontré la loi PCSC. La loi visant toute une série d’activistes et de mouvements, c’est une coalition massive d’alliés qui s’est mobilisée contre elle ;  les groupes de Black Lives Matter britanniques y ont pris un rôle dirigeant.

Depuis le début de 2021, des milliers de personnes sont descendues dans la rue dans les grandes villes du Royaume Uni, dans des manifestations intitulées « Tuer la Loi ». La mobilisation de masse a aidé à pousser la Chambre des Lords à rejeter deux fois la loi parce qu’elle pose de sérieux problèmes liés à sa nature répressive. Quoi qu’il en soit, dans une évolution gênante pour ceux qui font campagne et pour les mouvements pour la justice sociale, la loi PCSC a été votée au Parlement le 28 avril 2022.

La campagne « Tuer la Loi » et les interventions juridiques en défense du mouvement BDS confirment toutes le besoin de combattre ces dernières manœuvres dans le cadre de collectifs larges et intersectionnels. Ces collectifs sont non seulement capables d’exercer une pression sur le gouvernement, mais ils ont aussi une conviction profonde du lien entre les luttes et ils partagent la confiance dans la résistance à l’oppression. 

Ryvka Barnard, la directrice adjointe de PSC, écrit que c’est ce pouvoir collectif « qui effraie notre gouvernement complice et les corporations qui jouissent de sa carte blanche pour profiter de la mort et de la destruction ». Étant donné que le gouvernement britannique adopte la politique de la police d’État, cette stratégie collective est bien sûr ce qui défendra le plus efficacement contre la répression en cours du gouvernement et jettera les fondations de futures luttes. 

Yara Hawari est l’analyste politique en chef d’Al-Shabaka, le Réseau Palestinien de Politologie. Elle a un doctorat en politique moyen orientale de l’Université d’Exeter où elle a enseigné en premier cycle et où elle est chercheure honoraire. En sus de son travail académique qui s’est centré sur les études indigènes et l’histoire orale, elle donne de fréquent commentaires politiques et elle écrit dans divers médias dont The Guardian, Foreign Policy, et Al Jazeera en anglais. 

Source : Al-Shabaka

Traduction SF pour l’Agence média Palestine

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