Une lettre d’un fermier palestinien

Je suis un fermier palestinien, je possède une ferme dans le village de Qira, qui est situé à 50 km au nord de la ville de Ramallah. Depuis mon enfance, je cultive la terre avec ma mère, étant donné que nous en vivons exclusivement. Beaucoup des arbres qui se trouvent aujourd’hui sur la ferme ont été plantés par ma mère et mon père, et j’en ai plantés d’autres avec mes propres enfants, puisque nous passons les weekends à travailler la terre et à jouir de ses ressources. 

Ma ferme est plantée d’amandiers, de figuiers et d’oliviers ; certains ont jusqu’à 700 ans. D’eux, nous consommons des figues fraiches et séchées, des amandes et de l’huile d’olive. La saison dernière nous avons produit trois tonnes d’huile d’olive dans ma ferme. Au cours des années d’occupation israélienne, ma ferme a été progressivement entourée de colonies israéliennes illégales construites pour la plupart sur des terres qui sont la propriété privée de Palestiniens, souvent héritées de générations de fermiers.

Les autres villageois et moi souffrent de la présence de la colonie et des colons agressifs qui ont attaqué notre village plusieurs fois au cours des années passées, la dernière fois étant en février de cette année. Les colons ont attaqué les maisons des fermiers en bordure du village, ont cassé les fenêtres des maisons, endommagé les pneus des voitures et écrit des slogans racistes appelant à l’expulsion des Palestiniens des zones de « Judée et Samarie qui appartiennent aux juifs », selon leurs affirmations.

La même chose s’applique à tous les fermiers des villages adjacents à mon village comme Kifi Haris et Marda, dont les terres ont été volées pour bâtir des colonies israéliennes. Les fermiers n’ont pas le droit d’aller sur leurs terres quand elles sont adjacentes à la colonie. Nous souffrons aussi du vol de nos récoltes agricoles par les colons, particulièrement pendant la cueillette des olives.

Nous souffrons d’une grande pénurie de l’eau utilisée pour irriguer nos cultures et cette pénurie d’eau ne vient pas de la sécheresse, ni de la rareté de l’eau, mais plutôt d’une distribution injuste de l’eau par les autorités israéliennes. L’eau est disponible pour les colons dans les colonies voisines 24h par jour, 7 jours sur 7, tandis qu’elle n’atteint nos maisons et nos fermes qu’une fois par semaine. En dehors du fait que les Israéliens volent notre nappe aquifère, ils nous vendent l’eau à haut prix, ce qui inflige un énorme fardeau financier aux fermiers palestiniens, si bien que nous sommes incapables d’être compétitifs par rapport aux produits israéliens dans les colonies. Bien que les colonies israéliennes aient été construites sur nos terres confisquées, leur accès nous est interdit, sauf pour les ouvriers avec des permis de travail spécifiques.

Deux systèmes juridiques différents sont appliqués par Israël dans la même zone géographique, favorisant les colons israéliens par rapport aux Palestiniens qui vivent juste quelques centaines de mètres plus loin. A cause de l’expansion continue des colonies, je crains de ne plus pouvoir entrer dans ma ferme et la cultiver comme j’avais coutume de le faire. Elle pourrait finir par être annexée à une colonie israélienne, en préparation pour le transfert de sa propriété aux colons israéliens.

D’autre part, nous sommes confrontés à des difficultés pour exporter nos produits agricoles comme l’huile d’olive en dehors de la Palestine, car le côté israélien, qui contrôle les frontières et les passages, impose de grandes restrictions sur l’exportation des produits agricoles palestiniens vers le monde extérieur comme l’Europe. D’un autre côté, les fermiers colons israéliens qui produisent à partir de nos terres volées bénéficient de grands avantages pour exporter leurs produits et trouver un marché libre et attractif en Europe, ce qui les encourage à continuer à voler la terre et à étendre les colonies.

Nous espérons que l’Europe arrêtera d’importer des biens des colonies et mettra en place des lois interdisant l’importation des produits des colonies ; cela a une grande dimension financière et morale pour nous et pourrait contribuer partiellement à instaurer la justice qui nous a toujours été refusée.

Fareed Taamallah, fermier, journaliste et activiste politique basé dans le ville de Ramallah, en Palestine. 

Trad. CG pour l’Agence Media Palestine

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