Le cinéaste palestinien Firas Khoury parle de son film « Alam », qui a reçu plusieurs prix au 44e Festival International du Film du Caire, et de ses projets à venir

Variety, 23 novembre 2022

Le premier long métrage incandescent du cinéaste palestinien Firas Khoury, « Alam » (Le drapeau) a remporté le premier prix au Festival international du film du Caire. Les spectateurs ont applaudi à plusieurs reprises lors de la première au Moyen-Orient.

Cependant, Firas Khoury n’a pas pu participer en présentiel à cet évènement. Le réalisateur, citoyen palestinien d’Israël, a fait une demande d’un visa égyptien avec son passeport palestinien avant le festival. Les autorités égyptiennes, dit-il, n’ont jamais donné suite à sa demande. (Il tentera à nouveau sa chance auprès des autorités saoudiennes avant la prochaine projection d' »Alam » au Red Sea International Film Festival qui se déroulera à Djeddah du 1er au 10 décembre. 

Répondant à Variety depuis son domicile à Tunis, Firas Khoury a déclaré qu’il était désolé de manquer la première projection de son film devant un public arabe, cependant, en entendant les reportages sur l’ovation enthousiaste au Caire, il a simplement déclaré : « Incroyable. Incroyable ».

« Alam » raconte l’histoire d’un adolescent palestinien d’Israël vivant dans un village de Galilée, qui s’éveille à la politique grâce à une jolie fille spontanée de sa classe de lycée. Malgré quelques réticences, il décide de se joindre à elle et à quelques camarades de classe dans une opération périlleuse visant à remplacer clandestinement le drapeau israélien flottant sur le toit de leur école par un drapeau palestinien, la veille de la fête de l’indépendance d’Israël – un jour de deuil pour les Palestiniens.

Le film a fait vibrer une corde sensible au Caire, où il a également remporté le prix du public et la distinction du meilleur acteur pour le tout nouvel interprète Mahmood Bakri.

Dans une critique élogieuse, Alissa Simon de Variety a salué le « traitement intelligent et sensible de la vie quotidienne, rarement mise en scène, des jeunes citoyens palestiniens d’Israël [qui] fait de Firas Khoury, scénariste-réalisateur débutant, un talent à suivre ». 

Produit par MPM Film, Paprika Films, Philistine Films, Red Sea Film Festival Foundation, Metafora Productions et Lacydon Bay Productions, « Alam » a été présenté en première mondiale au Festival international du film de Toronto dans le cadre de son volet « Discovery ». MPM Premium s’occupe des ventes internationales, tandis que Film Movement s’occupe des droits nord-américains.

Firas Khoury a préféré minimiser les démêlés bureaucratiques, causes de son absence au Caire. « Je ne veux pas en faire un problème. Cela me dépasse et c’est compliqué », a-t-il déclaré.

Le réalisateur a déménagé en Tunisie en 2016 pour vivre avec sa femme, la productrice Asma Chiboub, car le couple ne peut pas vivre ensemble en Israël. Les deux pays ont rompu leurs liens diplomatiques en 2000 après le début de la deuxième intifada (soulèvement palestinien). Selon Firas Khoury, la Tunisie lui a réservé un accueil chaleureux. (« Je vis comme un roi ici »).

Pour le cinéaste de 40 ans, qui est devenu père pour la première fois l’an dernier, « Alam » reflète en quelque sorte son propre réveil politique sur le tard. « Quand j’étais plus jeune, j’avais peur d’aller aux manifestations et d’y participer », dit-il. Il est devenu plus actif politiquement pendant les repérages pour le film, écrivant sur la détresse des Palestiniens et « allant à des manifestations où 90% de ces manifestants étaient des jeunes de moins de 20 ans. » 

Firas Khoury a engagé des acteurs non professionnels pour « Alam », même si le processus pour pourvoir les rôles principaux ait pris plusieurs années. « J’ai essayé autant que possible d’être fidèle à la nouvelle génération en Palestine », a-t-il déclaré, chacun de ses quatre personnages principaux représentant « le symbole d’une situation, d’un statut de cette population. »

Il y a le patriote incendiaire, plus vieux et plus sage que son âge, et la jeune femme rebelle qui fait un pied de nez à l’État israélien et au patriarcat. Il y a aussi le toxico qui cherche simplement à se laisser porter par la vie dans un nuage stupéfiant.

Et puis il y a Tamer, le héros réticent, qui, après un conseil de discipline, est sur le point d’être expulsé. Il est plus tiède dans ses opinions politiques que beaucoup de ses camarades de classe – « Il est en quelque sorte une page vierge », dit Firas Khoury – et évite de contrarier un père strict résolu à garder son fils dans le droit chemin.

Si Tamer (Mahmoud Bakri) est entraîné dans l’aventure périlleuse d’un stratagème politique, c’est pour la même raison que pour nombre de grands hommes avant lui : Il le fait pour une fille, ici interprétée par Sereen Khass.

Le fait que le scénario de Firas Khoury s’inspire d’un stéréotype populaire hollywoodien n’est pas une coïncidence. « J’ai grandi avec le cinéma hollywoodien », dit le réalisateur. « Nous n’avions rien d’autre que le cinéma ‘Hollywoodien dans nos vidéoclubs ».

Tant dans ses courts métrages que dans « Alam » – ainsi que dans les différents projets qu’il développe – Firas Khoury est attiré par la « narration classique » et les « genres grand public. »

Pour « Alam », « j’ai simplement gardé le coeur, l’essence [de] l’histoire d’un garçon qui veut se rapprocher d’une fille. Pour l’impressionner, il s’implique dans une opération périlleuse », dit le réalisateur. « C’est une histoire qui a été racontée de nombreuses fois. Mais ce que j’en fais est totalement différent ».

Si la vie quotidienne des protagonistes du film tourne sur le même pivot que celle des adolescents du monde entier – bachotage pour les examens, altercations avec les parents, tentative de gratter quelque argent pour acheter des cigarettes et de l’herbe – le scénario de Firas Khoury reflète la façon dont ils « vivent une réalité très politique », qui a servi de déclencheur à une jeune génération de Palestiniens luttant pour leurs droits.

« Je suis sûr que la situation ne va pas durer », dit-il. « Je ne suis pas optimiste. J’en suis convaincu. Quand ? je ne sais pas. Mais je sais que cette nouvelle génération n’acceptera plus l’occupation. J’ai accepté l’occupation quand j’avais leur âge. Je me sentais inférieur aux Juifs. Ils m’ont dit d’être inférieur, et quand j’avais leur âge, je me sentais inférieur. Mais ils ne se sentent plus inférieurs maintenant. »

Firas Khoury, qui a récemment joué un petit rôle dans une série dramatique historique produite à Tunis par la chaîne saoudienne MBC de Dubaï, a sous le coude trois nouveaux scénarios prêts à être tournés : « Cher Tarkovsky », une comédie romantique qui se déroule à Ramallah et qui raconte l’amour inattendu qui s’épanouit lorsqu’un cinéaste palestinien fait la cour à une femme riche qui a des visées sur la fortune de son père ; « L’ami de ton père », une comédie tunisienne sur un homme qui commence à contrecœur à vendre des stupéfiants pour rembourser les dettes de son père trafiquant de drogue ; et « Retention », un long métrage qui se déroule dans la communauté homosexuelle de Palestine et qui est basé sur le recueil de nouvelles de Firas Khoury intitulé « The Notes of a Phantom Sperm Flying in the Sky of Galilee ».

Après s’être battu pendant près d’une décennie pour financer « Alam », Firas Khoury espérait que le succès du film lui ouvrirait les portes pour ses futurs projets atypiques. « Mes films ne sont pas vraiment politiquement corrects », a-t-il déclaré. « J’espère que certains estimeront que je suis libre de dire ce que je veux et [voudront] bien soutenir ces films ».

* Le film palestinien « ALAM » du réalisateur Firas Khoury a obtenu le prix de la « Pyramide d’or » du meilleur film, le prix du public et le prix pour le meilleur interprète masculin (Mahmoud Bakri) au Festival International du Film du Caire

Trad. JCP pour l’Agence Média Palestine

Source : Variety

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