« Comme un cauchemar » : 48 heures de terreur infligées par des colons israéliens

Par Orly Noy, le 31 janvier 2023

Pour se venger des attaques de Jérusalem, les colons à travers la Cisjordanie ont incendié une maison, attaqué le personnel médical et érigé un nouvel avant-poste colonial.

Les conséquences d’un incendie criminel perpétré par des colons israéliens contre une maison et une voiture palestiniennes à Turmus Aya en Cisjordanie occupée. (Yesh Din)

On assiste dans toute la Cisjordanie occupée à un déchaînement du terrorisme par des colons juifs – ceci depuis qu’eut lieu une fusillade palestinienne vendredi soir à Jérusalem-Est, un jour seulement après un raid militaire israélien meurtrier dans le camp de réfugiés de Jénine. Au cours des 48 heures qui ont suivi les attaques de Jérusalem, des sources palestiniennes ont signalé plus d’une centaine de cas d’attaques « prix à payer » par des colons israéliens, souvent en présence de soldats israéliens qui ne sont pas intervenus. Cependant, contrairement à l’attentat de Jérusalem, aucun ministre du gouvernement n’a quitté son domicile au milieu d’un repas familial pour consoler les victimes ; aucun membre de la Knesset n’a appelé à sceller les maisons des assaillants ; et aucune réunion d’urgence du Cabinet n’eut lieu pour faire face aux événements alarmants.

Même si les organisations de défense des droits humains qui suivent les incidents de violence des colons peinent à maîtriser le flux de témoignages et de rapports ; elles confirment néanmoins régulièrement que le nombre élevé d’attaques semble exact. Ci-dessous, un petit échantillon d’attaques confirmées documentées par l’ONG Yesh Din dans la nuit de samedi à dimanche 28 et 29 :

Aux dernières heures de la nuit, des colons israéliens ont tendu une embuscade à des voitures palestiniennes entre les villages d’Al-Mughayyir et de Turmus Aya, lançant des pierres et endommageant des biens. Selon des témoins, c’est un miracle qu’il n’y ait pas eu de victimes. Vers minuit, un grand nombre de colons ont également attaqué le village de Qusra près de Naplouse, jeté des pierres sur des maisons et provoqué de graves dégâts matériels.

Près des villages d’Aqraba et de Majdal Bani Fadil, également proches de Naplouse, des dizaines d’israéliens ont installé un nouvel avant-poste colonial. En arrivant sur leurs terres, les colons ont attaqué et blessé les propriétaires terriens palestiniens qui s’y trouvaient, ont incendié trois véhicules palestiniens, attaqué une ambulance et blessé un médecin qui se hâtait pour donner les premiers soins aux propriétaires.

Dans le nord de la vallée du Jourdain, près du village d’Al-Auja, des colons ont gravement endommagé des serres et des champs appartenant à des palestiniens. À Huwara, une ville proche de Naplouse, des colons ont lancé des pierres sur des maisons pendant la nuit. La même chose s’est produite à Sinjil, près de Ramallah, où les colons ont également endommagé des dizaines d’arbres sur les terres du village.

Les conséquences d’une attaque de colons israéliens contre des serres palestiniennes à Al-Auja, en Cisjordanie occupée. (Yesh Din)

La violence s’est poursuivie jusqu’à lundi, lorsque, en pleine journée, des colons ont attaqué le village de Jalud, au sud de Naplouse. Ils ont mis le feu à une voiture et peint à la bombe « prix à payer » et « Juifs, réveillez-vous ! » sur un mur du village. Selon les témoignages des habitants, les militaires présents sur les lieux n’ont rien fait pour arrêter le pogrom.

« Chaque maison est devenue une cible »

L’une des attaques les plus graves s’est produite samedi soir dans le village de Turmus Aya où plusieurs colons ont mis le feu à une maison. Heureusement, la maison était vide à l’époque, évitant de justesse une tragédie majeure à la mesure de l’infâme incendie de la famille Dawabsheh à Douma en juillet 2015.

Le petit village au nord de Ramallah peut se vanter d’avoir parmi des plus belles maisons qui existent entre le fleuve et la mer. En raison des circonstances historiques de migration et de retour, la plupart de ses résidents palestiniens, y compris le propriétaire de la maison qui fut incendiée, sont également citoyens américains. Mais détenir un passeport américain n’offre aucune assurance contre les crimes des colons.

Saïd Hussein est un de ces résidents de longue date qui détient également la citoyenneté américaine. Propriétaire terrien et fermier, il a lutté pendant des années contre la confiscation de ses terres par Israël au profit des avant-postes et des colonies des environs. Le plus important d’entre eux est Shiloh, auquel s’est ajouté Amihai, une colonie construite en 2017 pour accueillir, à la suite d’une décision de la Cour suprême, les colons expulsés de l’avant-poste d’Amona en 2014. Les avant-postes d’Adei Ad, Geulat Zion et d’autres ont également été construits à proximité de Turmus Aya.

« Ils surgissent la nuit, comme arrive un cauchemar, pendant que les gens dorment », a déclaré Hussein à propos des colons dans un anglais américain courant. « Samedi dernier, ils sont arrivés à 1h du matin. Tout le monde dormait. Quelqu’un a vu le feu et a appelé les habitants, et tous les villageois se sont précipités là-bas. Nous n’avons pas vu les colons, mais sur les images caméra, vous pouvez voir combien il y en avait. »

Les conséquences d’une attaque de colons contre une maison palestinienne à Qusra, en Cisjordanie occupée. (Oui Din)

Hussein a souligné que c’était un miracle que la famille ne se trouve pas à la maison au moment de l’incendie criminel. Est-ce pour cela que les colons sont retournés au village la nuit suivante pour terminer le travail ? « Ils ont attaqué une autre maison dimanche », a-t-il ajouté. « Ils ont essayé de mettre le feu à celle-là aussi, mais les habitants sont arrivés rapidement et les en ont empêchés. Ça faisait deux nuits de suite. »

« Le pire, c’est que désormais ils pénètrent dans le village eux-même », a poursuivi Hussein. « Dans le passé, ils mettaient le feu aux arbres ou les arrachaient, mais en dehors du village. Nous subissons depuis longtemps la violence des colons et l’accaparement de nos terres, mais maintenant nous ne nous sentons plus en sécurité à l’intérieur de nos propres maisons. C’est comme si chaque maison était devenue une cible. »

Notre question quant à la possibilité de contacter la police israélienne a fait rire Hussein.  « Chaque fois que les colons attaquent, la police classe la plainte pour cause d’ »agresseur inconnu ». Mais les soldats sont nombreux et ne quittent jamais la zone. Ils connaissent parfaitement les colons. Comment nos agresseurs pourraient-ils leurs être « inconnus » ? »

En effet, il est impossible de comprendre la réalité en Cisjordanie si on ignore l’étroite complicité entre l’armée israélienne et les colons du territoire. La même armée qui sait très bien envahir les maisons palestiniennes au milieu de la nuit et tirer de le lit de jeunes enfants accusés d’avoir jeté une pierre sur une jeep militaire blindée, devient soudainement aveugle et sourde lorsqu’il s’agit du terrorisme juif.

La récente violence des colons est à bien des égards une continuation de la violence institutionnalisée de l’armée, celle qui a fait de 2022 l’année la plus meurtrière en Cisjordanie depuis près de deux décennies. À en juger par le mois dernier – au cours duquel l’armée a déjà tué en moyenne plus d’un palestinien par jour – 2023 pourrait être encore plus sanglante et meurtrière.

Source : +972 Magazine

Orly Noy est rédactrice en chef de Local Call, militante politique et traductrice de poésie et de prose farsi. Elle est présidente du conseil d’administration de B’Tselem et militante du parti politique Balad. Son écriture déclinent les lignes diverses qui se croisent pour définir son identité – mizrahi,  femme de gauche, femme, migrante temporaire lovée au sein de l’immigrée perpétuelle – et nous livre le dialogue incessant qu’elles entretiennent entre elles.

Traduction : BM pour l’Agence Média Palestine

Une version de cet article est apparue pour la première fois en hébreu sur Local Call. Lisez-le ici.

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