Le mois d’octobre approche, ce qui signifie que la récolte des olives en Palestine battra bientôt son plein. Mais au lieu de se préparer à une période de joie, de célébration et de communion, les Palestinien.ne.s se préparent une fois de plus à se battre pour leur vie et leur terre.
Par Yumna Patel, le 26 septembre 2023
Le mois d’octobre approche, ce qui signifie que la récolte des olives en Palestine battra bientôt son plein.
La récolte des olives est une saison sacrée en Palestine, presque équivalente à une fête religieuse prolongée. Il y a quelque chose dans l’air – il y a une période d’excitation, les familles, les ami.e.s et les voisin.e.s se réunissent, les gens renouvellent leurs liens avec leur terre, et à la fin de tout cela, la subsistance pour l’année suivante se présente sous la forme d’une huile épaisse et succulente aux teintes dorées et vertes.
Pour les journalistes et les reporters en Palestine, la récolte des olives est un élément essentiel de l’année. Chaque saison donne lieu à d’innombrables histoires. Malheureusement, la plupart de ces histoires ne sont pas celles que l’on imagine accompagnées d’une si belle saison. Depuis que j’ai commencé à faire des reportages en Palestine, la violence des colons israélien.ne.s est l’une des principales caractéristiques de mes reportages sur la récolte des olives.
Pendant la récolte, les colons israélien.ne.s de Cisjordanie se lancent dans des campagnes de violence, ciblant les agriculteurs.rices et les familles palestiniennes alors qu’ils.elles sont dans leurs oliveraies, en train de récolter leurs arbres. Il ne s’agit pas seulement d’attaques physiques sur le corps des gens, mais aussi d’attaques violentes sur leurs terres. J’ai vu des colons brûler des hectares de terre et d’oliviers juste avant la récolte. J’ai vu des Palestinien.ne.s âgé.e.s pleurer en voyant les arbres plantés par leurs pères, flétris et noirs après avoir été empoisonnés par les colons. J’ai vu des familles perdre des milliers de dollars après que des colons sont venus au milieu de la nuit et ont volé leur récolte au moment où elle mûrissait, les privant de leur principale source de revenus pour l’année suivante.
Bien que je me réjouisse personnellement de la récolte des olives pour toute la beauté et la joie qu’elle apporte, je sais que cette année ne sera pas différente des précédentes. La joie s’accompagnera inévitablement de la cruauté et de la douleur de la violence des colons.
Il y a quelques jours, j’ai parlé à des activistes palestinien.ne.s qui passent chaque récolte d’olives dans les villages les plus vulnérables de Cisjordanie, accompagnant les agriculteurs.rices jusqu’à leurs terres afin de les protéger en cas d’attaque des colons. Bien entendu, face à des colons armé.e.s de bâtons, de fusils, d’autres armes et de la force de l’armée israélienne, le seul moyen de défense dont disposent ces militant.e.s est leur corps.
Alors que je planifiais ma couverture de la récolte, j’ai contacté les militant.e.s pour leur demander quel était leur emploi du temps et si je pouvais les accompagner en tant que reporter lors de certaines de leurs activités. L’un des militant.e.s, qui est souvent confronté aux colons et aux soldat.e.s, a dit quelque chose que je ne m’attendais pas à entendre de la part de cette personne : Il m’a dit : « J’ai peur ».
Naturellement, je me suis dit : « Qui n’aurait pas peur ? » Mais il s’agit de quelqu’un qui a regardé dans le canon de trop d’armes israéliennes pour pouvoir les compter, quelqu’un qui a été emprisonné pour son activisme et qui a perdu des ami.e.s et des camarades en cours de route. Malgré tout, il a toujours gardé un esprit positif et la motivation de continuer à pratiquer le sumud, la fermeté, sur la terre.
Alors, quand il a dit qu’il craignait pour sa vie et celle des agriculteurs.rices cette saison, j’ai compris que cette année n’allait pas être comme les précédentes. Elle allait être beaucoup, beaucoup plus grave. Les journalistes sur le terrain s’y attendaient. Après tout, cette année a été marquée par certaines des pires attaques de colons contre les Palestinien.ne.s en Cisjordanie depuis des années, avec des pogroms de colons incendiant des villes palestiniennes entières de plus en plus fréquents et de plus en plus meurtriers.
Alors que la violence des colons en Cisjordanie s’aggrave chaque jour et que certains des colons les plus idéologiques et les plus violent.e.s renforcent leur contrôle au sein du gouvernement israélien, la réalité est telle que, plutôt que de se préparer à une période de joie, de célébration et de communauté, les Palestinien.ne.s se préparent à lutter une fois de plus pour leur vie et leur terre.
Yumna Patel est directrice de l’information sur la Palestine pour Mondoweiss.
Source: Mondoweiss
Traduction ED pour l’Agence Média Palestine