Comment la Grande-Bretagne a enfreint le droit international pour empêcher l’indépendance de la Palestine il y a 100 ans

La déclaration Balfour a violé les engagements légaux de la Grande-Bretagne tels qu’ils sont définis dans le pacte de la Société des Nations. Cela établit une base juridique pour le peuple palestinien, qui peut exiger des réparations de la part du Royaume-Uni.

Par Shawn Jabarin et Raph Wilde, le 29 septembre 2023

Le Maréchal Vicomte Gort (assis, avec le drapeau du haut-commissariat de Palestine derrière lui) prête serment en tant que haut-commissaire et commandant en chef de la Palestine et de la Transjordanie au Palais du Gouvernement, à Jérusalem, le 1er novembre 1944. (Photo : Wikimedia)

Dans son discours devant l’Assemblée générale des Nations Unies la semaine dernière, le président de l’Autorité Palestinienne, Mahmoud Abbas, a demandé des « réparations… conformément au droit international » au Royaume-Uni pour la « funeste déclaration Balfour ». Cette déclaration a été faite par le ministre britannique des affaires étrangères Arthur Balfour en 1917, s’engageant à établir un « foyer national pour le peuple juif » en Palestine, alors que la Palestine était déjà habitée par des Palestinien.ne.s majoritairement non juifs.ves. Existe-t-il une base juridique pour des réparations pour un événement qui s’est produit à une époque où les normes mondiales étaient différentes de ce qu’elles sont aujourd’hui ? Sur la base de nouvelles recherches, nous affirmons que oui, et que la clé de cette réponse est un accord juridique adopté il y a cent ans aujourd’hui.

La déclaration Balfour elle-même n’est qu’une déclaration politique. Sa valeur juridique est douteuse en tant qu’engagement contraignant pris alors que le Royaume-Uni n’avait aucune autorité sur la Palestine. Ce qui lui confère une valeur politique, pratique et juridique, c’est quelque chose d’autre, datant d’un autre moment.

À la fin de la Première Guerre mondiale, les alliés victorieux ont repris les colonies des puissances vaincues. Le Royaume-Uni est devenu la puissance en Palestine, remplaçant l’Empire ottoman. Ces accords ont été placés sous l’autorité de la Société des Nations dans le cadre du système des mandats, soumis aux règles du Pacte de la Société, qui fait partie du traité de Versailles.

L’administration de chaque mandat est définie dans un « accord de mandat », lui-même un instrument juridiquement contraignant adopté par le Conseil de direction de la Ligue.

L’accord de mandat sur la Palestine reprenait l’engagement de Balfour et le développait en un ensemble détaillé d’objectifs pour le régime colonial. Il a ensuite constitué la base juridique apparente de la mise en œuvre pratique de ces objectifs par le Royaume-Uni : maintien du territoire pendant un quart de siècle et autorisation de l’immigration juive, de la propriété foncière et immobilière juive et de la création d’institutions juives d’auto-administration. Cela a ouvert la voie à la proclamation de l’indépendance israélienne dans une partie de la Palestine en 1948. En droit international, c’est donc l’accord de mandat, et non la déclaration Balfour en tant que telle, qui est l’instrument juridique clé. Cet accord est entré en vigueur le 29 septembre 1923, il y a cent ans aujourd’hui.

L’énigme juridique réside dans le fait qu’il existe une contradiction fondamentale entre le plan Balfour de l’accord et l’article 22 du pacte de la Ligue, qui exige que les mandats de l’ancien Empire ottoman, tels que la Palestine, soient « provisoirement reconnus » comme des « nations indépendantes ».

De nouvelles recherches révèlent un facteur jusqu’ici ignoré lorsque cette contradiction a été évaluée par les expert.e.s : la question de savoir si le Conseil de la Ligue avait ou non le pouvoir légal de contourner apparemment l’exigence du Pacte de reconnaître provisoirement l’existence d’un État par le biais de l’accord de 1923. Le Conseil n’avait pas ce pouvoir, et donc les parties de l’accord qui prétendaient contourner l’exigence du Pacte étaient nulles et non avenues. Par conséquent, le Royaume-Uni ne disposait d’aucune couverture juridique dans le cadre de l’accord pour ne pas avoir mis en œuvre le statut d’État palestinien dans les années 1920. Cette omission constituait donc une violation du droit international. La proclamation d’un État israélien en 1948 impliquait nécessairement une violation du droit juridique collectif du peuple palestinien énoncé dans le Pacte.

« Tout État membre de la Société des Nations serait aujourd’hui en mesure de porter plainte contre le Royaume-Uni devant la Cour internationale de justice. »

L’accord de 1923 est également la voie d’accès à un recours international. Il prévoit que tout État membre de la Ligue peut saisir la Cour permanente de justice internationale de la Ligue s’il se plaint de la manière dont l’État mandataire s’acquitte de ses obligations dans le cadre du mandat. Alors que la SDN et sa Cour permanente ont disparu, la Cour internationale de justice des Nations Unies de La Haye, qui lui a succédé, a hérité de la compétence de son prédécesseur. En effet, la Cour internationale a déjà affirmé, dans un contexte différent, que les obligations découlant du Pacte concernant les mandats n’ont pas pris fin avec l’extinction de la SDN.

Par conséquent, tout État membre de la Société des Nations serait aujourd’hui en mesure de porter plainte contre le Royaume-Uni devant la Cour internationale de justice de La Haye, pour demander à la Cour d’accorder les réparations réclamées par le peuple palestinien.

Le passé est présent. Il est communément admis que le déni actuel de l’autodétermination du peuple palestinien est dû à la création d’Israël en 1948 et à l’occupation des parties restantes de la Palestine par Israël depuis 1967 – et que ces deux éléments donnent lieu à des violations du droit international de la part d’Israël. Mais il faut aussi comprendre que tout ce qui précède trouve son origine dans les actes et les omissions du Royaume-Uni pendant la période du mandat. De plus, il faut comprendre que ces actes et omissions étaient illégaux et qu’il existe aujourd’hui un recours international à cette illégalité.

Shawan Jabarin est le directeur général d’Al-Haq, une organisation palestinienne de défense des droits de l’homme. Il est vice-président de la FIDH, la Fédération internationale des droits de l’homme, et membre de la Commission internationale des juristes.

Ralph Wilde est membre de la faculté de droit de l’University College London.

Source: Mondoweiss

Traduction ED pour l’Agence Média Palestine

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