Le 23 octobre 2023
Il est temps pour nous, anthropologistes, étudiant.es et enseignant.es, d’agir. Il a toujours été de notre responsabilité, en tant qu’universitaires et citoyen.nes, de défendre et de promouvoir des espaces de pensée critique, de désaccords et de débat ouvert, pour l’expression libre et la liberté académique. Mais ce qui dépend de nos efforts collectifs aujourd’hui, à cet instant, est bien plus urgent, plus essentiel, plus existentiel. Nous, aux côtés des Palestinien.nes, aux côtés des Israélien.nes et d’autres au Moyen-Orient, ainsi que partout ailleurs : nous sommes au bord d’un gouffre. Nous pouvons tou.tes voir à l’intérieur de son cœur sombre, dans lequel le fascisme s’infiltre et où le nettoyage ethnique des Palestinien.nes est enclenché. La décision d’Israël de répondre au Hamas par une brutalité vengeresse contre les Palestinien.nes de Gaza a déclenché une vague de soutiens en drapeaux bleus et blancs de la part des gouvernements occidentaux ainsi que d’une grande partie de leurs populations. Ce bellicisme nous donnent, à nous intellectuel.les, d’autant plus de responsabilités. Chacun.e de nous est assis.e au bord de ce gouffre. Nous y sommes ensemble, bien que n’étant clairement et douloureusement pas égaux.les.
Lorsque des universités interdisent des rassemblements en solidarité avec les Palestinien.nes ou des discours critiquant Israël, elles encouragent le fascisme dans nos pays. La lutte contre la répression devenait déjà de plus en plus difficile mondialement. Les gouvernements et les sociétés d’extrême droite étouffent le pluralisme et empêchent ne serait-ce que la simple possibilité de revendiquer des droits démocratiques. L’espace que nous avons laissé à ces forces fascistes est maintenant rempli de personnes déterminées à maltraiter, intimider, réduire au silence, exterminer et expulser les Palestinien.nes (celleux en Palestine historique ainsi que les descendant.es des Palestinien.nes réfugié.es à l’étranger). Alors que les Palestinien.nes font face à la plus grande menace (autant à l’intérieur qu’à l’extérieur du Moyen-Orient), celleux qui demandent leur protection et leur libération sont aussi maltraité.es, intimidé.es, réduit.es au silence et arrêté.es. La répression des militant.es pour les droits des Palestinien.nes et le racisme contre les Palestinien.nes se répandent avec le soutien institutionnel des gouvernements et des établissements d’enseignement supérieur aux Etats-Unis, en France, au Royaume-Uni, en Allemagne et en Autriche. Parmi les personnes ciblées se trouvent des membres de nos organisations professionnelles et de nos universités, des étudiant.es palestinien.nes et des personnes qui travaillent sur Israël et sur la Palestine. Dans ce climat de fascisme montant nous ne pouvons pas nous taire.
La réciprocité et les devoirs qui incombent à une communauté professionnelle n’est pas la principale raison qui nous poussent à nous exprimer. Ce n’est pas non plus la fragilité de nos positions et de nos libertés. Nous devons nous exprimer pour défendre notre doit à nous tenir aux côtés de celleux qui s’opposent à la guerre israélienne et aux gouvernements qui la soutiennent. Défendre notre droit à nous exprimer est, en soi, une raison de le faire.
Il est temps pour nous de nous unir pour revendiquer notre droit à nous opposer et à contribuer, bruyamment, au débat critique public. Aujourd’hui, alors qu’il est d’autant plus difficile de le faire, quand nous risquons des problèmes professionnels, que nos enfants risquent des pressions sociales, et que nous nous demandons quel agent fédéral surveille notre manifestation et quel policier anti-terroriste va venir frapper.
Il y a urgence. Israël est en train de perpétrer des crimes de guerre : il bombarde des civil.es et des hôpitaux, il impose une punition collective à toute la Bande de Gaza en coupant l’électricité, l’eau et la nourriture et en empêchant l’aide humanitaire d’entrer. Israël prépare son armée de terre pour un assaut génocidaire, tandis que la rhétorique des dirigeant.es israélien.nes et états-unien.nes préparent le terrain psychologique, en déshumanisant les Palestinien.nes et en dépeignant la totalité de la Bande de Gaza comme une cible légitime. Les juristes du monde entier appellent cela un cas d’école de génocide et de nettoyage ethnique. Il y a urgence.
Le 23 Octobre, il y avait plus de 5000 Palestinien.nes tué.es dans cette attaque de la Bande de Gaza, parmi elle, au moins 2000 enfants. Plus d’un million de personnes ont été forcées à quitter leurs maisons et à marcher sous une pluie de plus de 6000 bombes vers le Sud de Gaza, qui n’a pas les moyens de les accueillir. En Cisjordanie, les colons et les soldats ont la main libre pour commettre leurs propres atrocités, tuant des dizaines de Palestinien.nes, y compris des enfants, et blessant plus de 1100 personnes. Une atmosphère de censure et de répression écrase chacune des critique faite à Israël. En dépit de cela nous nous devons de nous exprimer, et afin de contrecarrer celleux qui bénéficieraient de notre silence et notre passivité. Tandis que les gouvernements, les politicien.nes, les universités, les directeur.trices d’écoles, les sororités, les représentant.es des réseaux sociaux, et les principaux médias réduisent au silence les voix critiques et interdisent les manifestations contre les agissements d’Israël, nous devons refuser de nous laisser intimider.
Il est temps pour nous de résister, avec d’autres, et de trouver le moyen de nous débarrasser de la propagande et de l’intimidation. Les historien.nes du fascisme ont beaucoup à nous apprendre sur la complicité désastreuse de la majorité silencieuse.
Il est temps d’écrire aux dirigeant.es des universités et des écoles et aux agences de presse pour exiger qu’ils arrêtent d’être des sous-traitants de la propagande israélienne et qu’ils reconnaissent la réalité du nettoyage ethnique et de violence coloniale. Il est temps pour nous de lutter pour et avec celleux dont les voix sont muselées à cause de leurs origines, de leur religion ou de leur tendance politique. Nous devons rejoindre la contestation publique grandissante qui réclame la fin de la violence vengeresse d’Israël contre les Palestinien.nes dans la Bande de Gaza, en Cisjordanie et à Jérusalem, dans les prisons où les prisonnier.es politiques sont privé.es d’eau et d’électricité, et dans les universités israéliennes où les étudiant.es palestinien.nes sont exclu.es.
En tant qu’étudiant.es et enseignant.es, nous n’avons aucune excuse. Nous avons les compétences et les ressources pour déconstruire les stéréotypes racistes du bon et du méchant et de transmettre la complexité d’une histoire régionale qui n’a pas commencé le 7 Octobre 2023, mais qui a mené à la rupture du siège de Gaza par le Hamas et aux meurtres d’Israélien.nes (et d’autres) non armé.es. Cette histoire n’a pas non plus commencé avec les massacres à répétition perpétrés par Israël dans la Bande de Gaza qui ont tué des milliers de civil.es
palestinien.nes, y compris femmes et enfants (la ligne rouge la plus évidente bien qu’imparfaite de la violence inacceptable). Cette histoire n’a pas non plus commencé avec le blocus en 2007 par Israël de la Bande de Gaza.
L’histoire de l’époque présente commence bien avant cela, modelée par le refus occidental d’accéder à la demande palestinienne d’un état démocratique de Palestine qui protégerait ses citoyen.nes juif.ves, chrétien.nes et musulman.es. Elle a été modelée par la décision de l’Europe de s’absoudre de la responsabilité de l’Holocauste en soutenant la prise coloniale sioniste de la terre de Palestine, majoritairement arabe. Il est temps pour nous de revendiquer les faits de cette histoire à un large public. Il y a celleux qui diraient que ce n’est pas le moment de revendiquer la liberté académique de dire la vérité au pouvoir. Que tout appel à la liberté académique et à pouvoir l’exercer maintenant tombe mal, car la priorité est d’éviter les menaces immédiates sur les personnes au-delà du confort des milieux universitaires. Il y celleux qui affirmeraient qu’il n’est pas judicieux de se focaliser sur la protection des droits civiques en Occident quand la Palestine historique est le terrain de la lutte. Que les voix de celleux subissant un nettoyage ethnique doivent être centrales. Et en effet, notre priorité doit être de mettre en avant les divers points de vue et objectifs des Palestinien.nes sur tous les médias possibles. Mais ce qu’il se passe aujourd’hui se passe pour chacun.e d’entre nous, de manières outrageusement inégales. Comme le proclame le Syndicat des Professeur.es et Employé.es de l’Université de Birzeit, dans un appel de Palestine Occupée à l’éloquence à couper le souffle : “Aujourd’hui nous sommes tou.tes Palestinien.nes.” Reconnaître cela permet d’être solidaire. En tant qu’étudiant.es et enseignant.es nous savons bien que nos mots et nos crayons ne valent pas la violence des armées. Mais c’est ce à quoi nous avons accès, et nous devons les utiliser.
Voici quelques idées de ce que vous pouvez faire :
Instruisez-vous : https://merip.org/palestine-israel-primer/
Lisez les articles des liens dans cet article.
Faites des dons aux organisations qui agissent pour la protection du droit à se battre pour la justice, lisez leurs rapports sur la répression des étudiant.es, des universités, et autres :
Faites des dons à celleux qui agissent pour sauver des vies en Palestine:
Au Royaume-Uni, écrivez à vos député.es :
Aux Etats-Unis, contactez vos élu.es :
Utilisez des exemples de lettres envoyées aux administrations des universités :
Université du Nord-Ouest : https://dailynorthwestern.com/2023/10/16/lateststories/lte-open-letter-on-nu-leaders-responses-to-war-in-palestine-and-israel/?fbclid=IwAR1mOrcaj1oLg15kY5SPdwpEN0GuYsFAAy2e9UBtBeowPBZXJAul4rQ36OsC
CUNY: https://docs.google.com/document/d/e/2PACX-1vT1FLJtSCq9kn8uTAwNLlr4V9kkoGWxGsS6PPTwuaDNesQHbprxwiAQhWsv4MBsOpe5vyZBaJsAeyx7/pub
Lisez des gens intelligents :
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Source : https://allegralaboratory.net/now-is-our-moment-to-act/
Traduction : LG pour Agence Media Palestine