Contrairement aux affirmations initiales, l’armée israélienne a mené des frappes incessantes sans savoir où se trouvaient les otages israélien-ne-s ni prendre de précautions pour leur sécurité, comme le montre une enquête de +972 et Local Call.
Par Yuval Abraham, le 17 décembre 2023
L’annonce faite vendredi par le porte-parole des Forces de défense israéliennes (FDI), selon laquelle les soldats israéliens dans la bande de Gaza avaient « abattu par erreur » trois otages israélien-ne-s enlevé-e-s par le Hamas lors de son assaut du 7 octobre, a choqué la société israélienne. Bien qu’ils aient enlevé leur chemise et brandi un tissu blanc en signe de reddition, les soldats ont considéré les otages – dont l’un était un citoyen bédouin – comme des menaces et leur ont tiré dessus. Herzl Halevi, chef d’état-major des FDI, a assumé personnellement la responsabilité de l’incident, ajoutant : « Il n’y a rien que les soldats et les commandants des FDI dans la bande de Gaza souhaitent plus que de sauver des otages vivants. Dans le cas présent, nous n’y sommes pas parvenus ».
Le sentiment de Halevi ne semble cependant pas toujours avoir été mis en pratique. Une nouvelle enquête menée par +972 Magazine et Local Call suggère que, depuis le début de la guerre de Gaza, les dirigeant-e-s israélien-ne-s ont relégué l’objectif d’assurer la sécurité des otages au profit d’objectifs militaires et politiques plus vastes dans le territoire occupé – un fait qui a non seulement attisé la colère et le mécontentement des familles des otages, mais qui semble avoir été poursuivi en dépit des préoccupations des soldats, en particulier au cours des premières semaines de l’opération.
Des sources de renseignement qui ont parlé à +972 et à Local Call sous le couvert de l’anonymat, avant que les trois personnes enlevées ne soient abattues vendredi, ont affirmé qu’au cours des premières phases de la guerre, l’armée israélienne a bombardé intensément la bande de Gaza sans avoir une idée précise de l’endroit où se trouvaient les 240 otages et plus. Les frappes aériennes incessantes – qui ont jusqu’à présent tué plus de 18 700 Palestinien-ne-s, déplacé la grande majorité de la population de Gaza et décimé de larges pans de la bande assiégée – se sont également poursuivies en dépit des craintes que les bombardements ne mettent en danger la vie des otages, selon les sources.
Faisant écho à ce sentiment d’une politique aveugle et désordonnée, les témoignages d’otages israélien-ne-s récemment libéré-e-s dans le cadre d’échanges contre des prisonnier-e-s palestinien-ne-s lors d’un cessez-le-feu temporaire fin novembre, ainsi que de certaines familles d’otages, indiquent que l’une des principales craintes des personnes retenues en captivité à Gaza était la menace d’être touchées par des frappes aériennes et des bombardements israéliens. D’après ces témoignages, de nombreux otages étaient détenus en surface plutôt que dans des tunnels, et étaient donc particulièrement vulnérables à ces attaques.
Se référant aux premières semaines de l’assaut israélien, une source de renseignements a déclaré à +972 et à Local Call que « les FDI ont procédé à des bombardements intensifs, détruisant la moitié de Gaza, alors qu’elles ne disposaient que de peu de renseignements ». La source a souligné que l’armée « n’aurait pas tué des otages délibérément si elle savait qu’ils se trouvaient dans un certain bâtiment », mais qu’elle a néanmoins effectué des milliers de frappes en sachant pertinemment que des otages pourraient également être blessé-e-s, en particulier à un moment où « de nombreux otages étaient détenu-e-s dans des appartements privés [en surface] ».
Ce récit est conforme à ce que certains des otages libéré-e-s ont déclaré à leur retour. Noam Dan, dont trois membres de la famille ont été enlevés le 7 octobre – et dont deux ont été libérés depuis – a déclaré à +972 et à Local Call que dès que les premiers captifs-ves ont été libéré-e-s, les familles ont découvert qu’une grande partie de ce que les politicien-ne-s israélien-ne-s leur avaient dit sur les lieux où se trouvaient les otages était fausse.
« Au début, les représentants du gouvernement nous ont fait comprendre que les otages se trouvaient dans des tunnels et que, par conséquent, les bombardements de l’armée ne les toucheraient pas », a-t-elle déclaré. « Lorsque les otages ont été libéré-e-s, nous nous sommes rendu compte que nombre d’entre eux se trouvaient en surface, dans les maisons des gens. Le gouvernement n’a cessé de nous dire qu’il savait où ils se trouvaient, qu’il ne ferait rien qui puisse les mettre en danger, que tout était sous contrôle. Mais une fois que les personnes enlevées sont sorties de là, ces choses se sont révélées fausses. Tout ce que nous pensions [être vrai] s’est effondré ».
Mme Dan a ajouté que les conversations qu’elle a eues avec les otages libéré-e-s lui ont appris que leur principale crainte était d’être tué-e-s ou blessé-e-s par les attaques de l’armée israélienne – un sentiment partagé par d’autres captifs-ves libéré-e-s au cours des dernières semaines. Elle a également indiqué qu’il existait des preuves que des otages avaient été touché-e-s par les bombardements israéliens à Gaza.
Deux sources des services de renseignement ont également déclaré qu’elles disposaient désormais de preuves concrètes que certaines femmes otages israéliennes avaient été agressées sexuellement par leurs ravisseurs du Hamas pendant leur captivité, ce qui corrobore les témoignages publiés par le Forum des familles d’otages et de disparu-e-s et par d’autres organismes. Les sources ont déclaré que certaines d’entre elles risquaient encore d’être victimes d’abus sexuels et que la possibilité de les libérer se réduisait de plus en plus.
Les sources de renseignement ont également déclaré à +972 et à Local Call qu’elles pensaient que seule la pression de l’opinion publique en faveur d’un nouvel accord avec le Hamas entraînerait la libération de tous les otages restant-e-s – une pression qui s’est accentuée ces derniers jours, notamment avec une grande manifestation organisée à Tel-Aviv samedi soir. Les sources ont déclaré qu’elles avaient le sentiment que la question avait été « abandonnée » par les dirigeants politiques israéliens et que, pour cette raison, il était important de partager leurs informations dans le cadre de cet article.
« Il est très difficile pour moi de constater qu’il n’y a pas d’objectif, ni de vision politique de ce qui se passera le lendemain de la guerre », a déclaré l’une des sources. « Il n’y a pas de plan stratégique. Il y a des déclarations interminables, grandiloquentes et motivantes sur le renversement du Hamas et sur la façon dont nous boirons un mojito sur la plage de Gaza l’année prochaine. Des déclarations sans logique soutenues par un grand nombre de commandants irrationnels, qui continuent d’agir pour se venger.
« Lorsque l’objectif militaire est aussi vague, j’ai l’impression d’être ici pour une seule raison : essayer de faire pression pour un accord politique et un échange de prisonniers », poursuit la source. « C’est plus important que tout. »
Il n’y a rien que nous puissions faire – nous devons gagner la guerre ».
Le 30 novembre, +972 et Local Call ont publié une enquête détaillée révélant que l’armée israélienne a considérablement élargi ses bombardements de cibles non militaires à Gaza par rapport aux attaques précédentes sur la bande assiégée, et qu’elle utilise l’intelligence artificielle pour générer plus de cibles potentielles que jamais auparavant. L’enquête révèle également que l’armée a assoupli les contraintes imposées aux victimes civiles attendues de ses frappes aériennes et qu’elle a sciemment tué des centaines de civils palestiniens en tentant d’assassiner un haut responsable du Hamas.
Ces politiques – qui ont contribué à la campagne militaire la plus meurtrière et la plus destructrice contre les Palestinien-ne-s depuis la Nakba – ont également mis en danger la vie des otages israélien-ne-s, selon les sources de renseignement qui ont parlé à +972 et à Local Call dans le cadre de cette nouvelle enquête.
Les sources ont déclaré que l’armée israélienne prend aujourd’hui plus de précautions pour éviter de blesser les otages qu’elle ne le faisait au début de la guerre, en partie parce que les renseignements sont devenus beaucoup plus clairs. Cependant, certaines des sources ont déclaré que « des erreurs se produisent encore » et qu’elles ont des preuves du mois dernier que des otages ont pu être touché-e-s par des frappes aériennes israéliennes.
Une source a expliqué que, peu après les massacres perpétrés par le Hamas le 7 octobre, qui ont fait plus de 1 100 morts dans le sud d’Israël, on avait le sentiment que « la vie des otages était un prix que les membres de l’armée, en particulier les hauts gradés, étaient prêts à payer ».
La source poursuit : « J’ai le sentiment que [les hauts gradés de l’armée et de la politique] savaient qu’ils seraient contraints de démissionner à la fin de la guerre, et qu’ils voulaient présenter des réalisations militaires, entre autres, comme un moyen de se protéger. On nous a dit que même si le Hamas exécutait un otage par jour, nous n’arrêterions pas les bombardements. J’espérais que le public [israélien] protesterait. [Je savais que s’il n’y avait pas de pression publique en faveur d’un accord sur les prisonnier-e-s, les personnes enlevées mourraient. Au bout de quelques semaines, la pression israélienne [publique] et américaine en faveur d’un accord a fait changer l’attitude [de l’armée] à l’égard des personnes enlevées ».
« Au début, il était constamment dit que l’objectif était de gagner la guerre et d’éradiquer le Hamas, pas de ramener les otages, et qu’il n’y avait rien à faire à ce sujet », a déclaré une autre source des services de renseignement. « J’ai vu que cela dérangeait beaucoup de gens [dans la communauté du renseignement], mais ils étaient dans une situation stressante – un tremblement de terre qui a commencé le 7 octobre et n’a jamais cessé. Les soldats ont donc critiqué l’armée, mais ils ont aussi vu à quel point le Hamas est mauvais, et ils ont pensé qu’il n’y avait rien à faire, que nous devions gagner la guerre. »
Une autre source a déclaré à +972 et à Local Call que l’armée israélienne essayait d’éviter de tuer des otages, mais qu’au début, l’accent était mis sur les objectifs militaires. « Au cours des deux ou trois premières semaines, nous n’avions pas assez de renseignements sur les otages et ils n’étaient pas la priorité absolue », a déclaré la source. « Nous ne commencions pas la journée avec une mise à jour sur le statut des otages. Ce n’était pas notre priorité absolue à l’époque – et la vérité est qu’elle ne l’est pas non plus aujourd’hui. Malheureusement, je ne pense pas que l’armée puisse [libérer les otages par des opérations de sauvetage]. Je ne pense pas que nous serons en mesure de libérer les otages sans un accord ».
L’une des sources a fait référence à une déclaration de Tzachi Hanegbi, chef du Conseil national de sécurité d’Israël, une semaine après l’attaque du Hamas, selon laquelle il n’y aurait pas de négociations avec le Hamas pour la libération des otages, car « nous n’avons aucun moyen de négocier avec un ennemi que nous avons juré d’éradiquer de la surface de la terre ». La source a déclaré que cette déclaration reflétait bien l’atmosphère qui prévalait dans les premières semaines de la guerre, jusqu’à ce que la pression publique monte pour faire avancer un accord avec le Hamas.
Notamment, au cours des premières phases de l’opération, le gouvernement israélien aurait rejeté des propositions visant à libérer certains otages en échange d’un cessez-le-feu temporaire – un accord qui a finalement été accepté à la fin du mois de novembre.
« Nous avons récemment réduit le nombre de bombardements à Gaza parce qu’il n’y a plus grand-chose à bombarder », a expliqué une autre source. « L’armée est très occupée aujourd’hui par la question de savoir comment ne pas tuer les otages ; il s’agit d’une question centrale dans la guerre. Ils essaient de ne pas les bombarder, mais cela peut arriver accidentellement, et cela s’est déjà produit accidentellement dans le passé. »
La source a également expliqué comment les frappes israéliennes sur les chefs connus du Hamas peuvent mettre en danger la vie des otages. « L’une des choses dont le public israélien ne parle pas, c’est que des femmes otages sont constamment détenues à côté de hauts responsables du Hamas. Ils les utilisent comme boucliers humains. Ainsi, essayer de tuer les hauts responsables du Hamas, c’est savoir que l’on va sacrifier une femme otage ».
Ces commentaires semblent correspondre aux propos tenus par M. Hanegbi lors d’une autre interview la semaine dernière : « Si nous recevons des informations sur l’endroit où se trouve [le chef du Hamas Yahya] Sinwar, et que nous savons qu’il est entouré d’otages israélien-ne-s, ce sera un dilemme déchirant… En fin de compte, nous devrons prendre une décision. »
D’autres sources de renseignements ne sont pas d’accord avec les témoignages susmentionnés et ont déclaré à +972 et à Local Call que les otages avaient été la priorité absolue de l’armée depuis le tout début. « On ne nous a jamais dit qu’il était permis de mettre des otages en danger pour éradiquer le Hamas », a déclaré une source. « Dès le début, nous avons investi les mêmes ressources pour atteindre les deux objectifs simultanément. »
L’une des sources a déclaré que des attaques de grande envergure mettant en danger des otages avaient effectivement été menées au début, mais qu' »il n’y avait pas le choix » parce qu’une réponse énergique devait être apportée après les attentats du 7 octobre.
« J’avais plus peur des bombardements des FDI que du Hamas »
Les témoignages des sources sont cohérents avec les déclarations faites par les otages israélien-ne-s libéré-e-s et leurs familles lors d’une réunion houleuse avec le cabinet de guerre israélien, dirigé par le Premier ministre Benjamin Netanyahu, le 4 décembre.
« Je vois que vous bombardez là-bas et que vous n’avez aucune idée de l’endroit où se trouvent les otages », a déclaré l’un des otages libérés, selon des enregistrements de la réunion qui ont fait l’objet d’une fuite. « J’étais dans une maison quand il y avait des bombardements tout autour. Je connais une famille qui a miraculeusement survécu après qu’un obus a frappé la maison [où elle était détenue]. Nous étions assis dans les tunnels et nous étions terrifié-e-s à l’idée que ce ne serait pas le Hamas mais Israël qui nous tuerait. »
« Vous faites passer la politique avant le retour des otages », a poursuivi l’otage libéré. « Mon mari [un autre otage] s’est battu parce que c’était si dur pour lui, et vous ne pensez qu’à renverser le Hamas. J’ai vu un otage mourir à côté de moi ».
Selon les enregistrements, une autre otage, qui a été libérée avec ses enfants mais dont le mari est toujours captif, a déclaré que « le sentiment que nous avions là-bas était que personne ne faisait rien pour nous. Le fait est que j’étais dans une cachette qui a été bombardée et qu’il a fallu nous faire sortir clandestinement, blessé-e-s. Vous prétendez qu’il y a des services de renseignements, mais le fait est que nous sommes bombardé-e-s. »
Une femme âgée du kibboutz Kfar Aza, l’une des communautés visées par le Hamas le 7 octobre, a décrit lors de la réunion comment, une fois en captivité à Gaza, un placard leur est tombé dessus à cause de l’explosion d’une bombe. « J’ai cru qu’on allait me faire sauter d’un moment à l’autre », a-t-elle déclaré. « Je me suis dit que je ne comprenais pas comment Israël pouvait vouloir nous faire exploser. »
Une autre personne enlevée et libérée dans le cadre de l’échange d’otages et de prisonnier-e-s – une femme âgée du kibboutz Be’eri, où au moins 89 des habitant-e-s de la petite communauté ont été tué-e-s et 24 ont été enlevé-e-s pour être emmené-e-s à Gaza lors des attaques du Hamas du 7 octobre – a déclaré au cabinet de guerre que pendant sa captivité, « j’avais plus peur des bombardements de Tsahal que du Hamas ».
Meirav Raviv – dont quatre membres de la famille, y compris Ohad Munder, 9 ans, ont été enlevé-e-s à Gaza, et dont trois ont été libéré-e-s – a fait écho à ce sentiment auprès de +972 et de Local Call : « La chose qui les a le plus effrayé-e-s, ce sont les tirs d’artillerie des FDI », a-t-elle déclaré. « Il n’y a pas d’abri anti-bombes. Il n’y a pas de sirène. Pas d’alarme. Cela se produit soudainement. Et ils sont morts de peur. Ils entendaient [les bombardements] tout le temps. Ils avaient aussi peur qu’il y ait une opération de sauvetage héroïque et qu’ils soient tués ».
Le cinéaste Hagai Levy a rencontré huit des personnes enlevées à leur retour. Sur sa page Facebook, il explique que pour la plupart d’entre elles, le traumatisme le plus horrible de la captivité a été les bombardements israéliens, en particulier pour celles qui étaient détenues dans des maisons en surface.
« Lorsqu’ils parlent des bombardements, ils tremblent littéralement devant moi », écrit-il. Les termes qu’ils utilisent sont « enfer » [et] « être sur le point de mourir ». La peur d’être assassinés par leurs geôliers était négligeable par rapport à la peur de mourir dans un bombardement. L’idée même que celui qui est censé vous sauver est celui qui pourrait vous tuer intensifie le traumatisme ».
M. Levy a interviewé les otages libéré-e-s dans le cadre de témoignages vidéo commandés par le Forum des familles d’otages et de disparu-e-s, l’organisme qui coordonne les campagnes nationales et internationales des familles en faveur de la libération de leurs proches. Dans ces vidéos, qui ont été éditées par le Forum, la plupart des séquences dans lesquelles les personnes enlevées parlent des bombardements israéliens ont été mises de côté. (Au moment de la publication de cet article, le Forum n’avait pas répondu aux questions posées par +972 à ce sujet ; toute réponse sera ajoutée à cet article si elle est reçue).
M. Levy estime que c’est une erreur irréfléchie de couper ces témoignages.
« Le danger clair et immédiat pour la vie des personnes enlevées est actuellement posé par les actions des FDI », a-t-il écrit dans un autre message sur Facebook. « Le Forum des familles d’otages et de disparu-e-s doit renoncer à son apaisement avec le courant dominant et à son conformisme, crier et hurler et exiger un cessez-le-feu immédiat et une reprise immédiate des négociations.
Roni Krivoi, un Israélien de nationalité russe qui travaillait comme preneur de son au festival de musique Supernova qui a été attaqué le 7 octobre, a été kidnappé et libéré par le Hamas en « hommage » au président russe Vladimir Poutine. Après sa libération, la tante de M. Krivoi a déclaré aux médias israéliens qu’il avait été détenu dans un bâtiment qui s’était effondré après avoir été bombardé par l’armée, et qu’il avait réussi à s’échapper. Pendant quatre jours, a-t-elle dit, il a erré seul dans Gaza jusqu’à ce qu’il soit rattrapé par des habitant-e-s qui l’ont rendu à ses ravisseurs.
Des sources de renseignement ont déclaré à +972 et à Local Call qu’elles ressentaient une urgence croissante quant au sort des otages israélien-ne-s, car la situation de certains d’entre eux est extrêmement difficile. « Cela dépend vraiment du kidnappeur qui vous a enlevé », a déclaré l’une des sources. « Certain-e-s ont reçu de la nourriture, d’autres non. Certain-e-s ont été soigné-e-s par un médecin, d’autres non ».
Au cours de la réunion tendue du cabinet de guerre, certains des otages libéré-e-s et les familles de ceux qui sont encore en captivité ont exigé que M. Netanyahou propose un accord avec le Hamas et place cette question en tête de ses priorités. M. Netanyahou a répondu aux familles qu’il n’existait actuellement aucune possibilité politique de conclure un accord « tout pour tout » – la libération de tous les otages en échange de la libération de tous les prisonnier-e-s politiques palestinien-ne-s – notamment parce qu’un tel scénario permettrait au Hamas de continuer à régner sur la bande de Gaza.
M. Netanyahou a également affirmé que ce n’est que grâce à la pression militaire israélienne et aux manœuvres terrestres qu’il a été possible de libérer les otages au cours des dernières semaines, et que « la poursuite des manœuvres est la clé du retour du reste des personnes enlevées ». Mais de nombreuses familles d’otages, ainsi que les sources de renseignements auxquelles nous avons parlé, doutent de cette affirmation.
Mais de nombreuses familles d’otages, ainsi que les sources de renseignements que nous avons interrogées, doutent de cette affirmation. « Tout le temps, c’est ce slogan de la force, et la force répondra à la force. Nous voyons que cela ne sert à rien, que cela ne fait qu’augmenter le nombre de soldats tués », a déclaré M. Raviv. « Ils voulaient une pression militaire, ils ont utilisé la pression, et cela n’a servi à rien. Et je suis presque certain – bien qu’ils le nient au sein du gouvernement – qu’ils auraient pu négocier la libération des femmes et des enfants avant même l’incursion terrestre.
« Je veux que cette question soit leur priorité absolue », a poursuivi M. Raviv. « Au début, ce n’était pas le cas. Nous avons dû rencontrer les ministres du gouvernement israélien pour les convaincre. J’ai rencontré le ministre espagnol des affaires étrangères, le premier ministre canadien, ainsi que des sénateurs-rices et des membres du Congrès américain, bien avant que les ministres israélien-ne-s ne nous rencontrent ici en Israël. »
« Qu’attendez-vous ? »
Jusqu’à présent, un seul otage a été libéré vivant lors d’une opération de sauvetage depuis le début des combats : il s’agit du soldat Uri Magidish, âgé de 19 ans. Plusieurs autres otages, ainsi que des soldats, ont été tué-e-s au cours d’opérations similaires ces dernières semaines. Une source des services de renseignement a résumé la situation sans ambages : « Les opérations militaires de sauvetage mettent en danger les otages. » L’assassinat de trois otages par des soldats israéliens vendredi n’a fait qu’illustrer cette situation.
Selon l’armée israélienne, 127 otages sont encore détenu-e-s dans la bande de Gaza. La plupart des otages restants sont des hommes, dont huit ressortissants thaïlandais, un Tanzanien et un Népalais. Il y aurait également au moins 17 femmes parmi les captifs-ves, ainsi que plusieurs hommes âgés de plus de 75 ans et deux enfants.
Des déclarations antérieures de l’armée indiquaient en outre que 28 Israélien-ne-s avaient été soit assassiné-e-s en captivité par le Hamas, soit tué-e-s le 7 octobre, et que leurs corps étaient toujours détenus par le groupe. Le Hamas, pour sa part, a affirmé dans diverses vidéos et déclarations publiées sur sa chaîne Telegram depuis le 7 octobre que sept personnes enlevées avaient été tuées lors d’attaques de l’armée israélienne. Israël nie avec véhémence ces allégations et les qualifie de guerre psychologique.
Selon le Hamas, trois membres de la famille Bibas – Shiri, 32 ans, et ses deux enfants, Kfir, 10 mois, et Ariel, 4 ans – ont été tué-e-s lors d’attaques israéliennes. Le 30 novembre, le Hamas a diffusé une vidéo montrant l’otage Yarden Bibas, le père des enfants et le mari de Shiri, déclarant qu’on lui avait dit que sa femme et ses enfants avaient été tué-e-s par des bombardements israéliens et demandant au gouvernement de restituer leurs corps à Israël.
Le Hamas a également affirmé que le soldat Tamir Nimrodi, âgé de 19 ans, avait été tué par un bombardement israélien le 9 octobre. Les trois membres de la famille Bibas et Tamir Nimrodi sont toujours considérés par l’armée comme disparu-e-s et non assassiné-e-s.
Le 13 novembre, le Hamas a diffusé une vidéo affirmant que le soldat israélien Noa Marciano, âgée de 19 ans, avait été tuée lors d’un bombardement de l’armée israélienne. Six jours plus tard, le porte-parole des FDI a publié une déclaration inhabituelle affirmant que Noa Marciano avait été enlevée dans une maison près de l’hôpital Al-Shifa dans la ville de Gaza et que « lors des attaques des FDI dans la zone, le terroriste du Hamas qui la détenait a été tué et Noa a été blessée ». C’est le seul cas où le porte-parole des FDI a déclaré publiquement qu’une frappe aérienne israélienne avait touché un otage.
Selon le porte-parole des FDI, l’autopsie du corps de Marciano a montré que la blessure causée par la frappe israélienne ne l’avait pas tuée ou n’avait pas mis sa vie en danger, et le Hamas l’a ensuite assassinée à l’intérieur de l’hôpital.
Le sixième otage qui, selon le Hamas, a été tué lors des attaques israéliennes est Aryeh Zalmanovitch, une personne de 85 ans enlevée dans le kibboutz Nir Oz et la plus âgée de tous les otages. Zalmanovitch souffrait de diabète, de maladies cardiaques et rénales, et avait besoin de médicaments pour réguler sa tension artérielle et d’un régime alimentaire spécial. D’autres personnes enlevées à Nir Oz, qui ont été libérées, ont déclaré que Zalmanovich était mort à leurs côtés.
Son fils Boaz a déclaré que, selon les témoignages d’otages libéré-e-s, son père « n’a pas reçu les médicaments et la nourriture dont il avait besoin » en captivité, de sorte qu’en ce qui le concerne, Zalmanovich a été assassiné par le Hamas. Le Hamas a affirmé dans sa vidéo que Zalmanovich était mort de panique à cause des bombardements israéliens.
Enfin, le 9 décembre, le Hamas a affirmé que Sahar Baruch, une civile de 25 ans originaire de Be’eri, avait été tuée lors d’une tentative de sauvetage et que des soldats israéliens avaient également été tués au cours de cette opération. L’armée a déclaré que deux soldats avaient été grièvement blessés lors d’une tentative de sauvetage ratée, mais a nié que l’opération visait à sauver Baruch. Be’eri a annoncé le lendemain que Baruch avait été assassiné en captivité par le Hamas. La tante de Sahar a déclaré qu’ils « ne savent pas vraiment comment cela s’est passé » et que le rapport qu’ils ont reçu de l’armée « ne contient aucun détail ».
La prise en otage de civils, y compris de femmes, d’enfants et de personnes âgées, est illégale au regard du droit international. Le statut des autres otages israélien-ne-s n’est pas connu, le Hamas refusant d’autoriser la Croix-Rouge à leur rendre visite. Israël a également refusé d’autoriser la Croix-Rouge à rendre visite aux milliers de Palestinien-ne-s qu’il a arrêté-e-s depuis le 7 octobre, selon les groupes de défense des droits des prisonnier-e-s, tant à Gaza qu’en Cisjordanie. Les prisonnier-e-s palestinien-ne-s – dont beaucoup sont incarcéré-e-s par l’armée d’occupation israélienne sous des chefs d’accusation négligeables ou sans aucun chef d’accusation, et qui pourraient être libéré-e-s dans l’éventualité d’un nouvel échange d’otages – ont également fait état d’une intensification de la répression et des abus de la part des autorités pénitentiaires israéliennes depuis le début de la guerre.
« Nous devons vous poursuivre et vous supplier [de conclure un accord] », a déclaré Danny Elgarat, dont le frère Itzhak est toujours détenu à Gaza, à propos du gouvernement israélien lors de la manifestation de samedi à Tel-Aviv. « Nous attendons que vous nous disiez ce soir même si vous avez une quelconque idée, un quelconque accord. Qu’attendez-vous ? »
Yuval Abraham est un journaliste et un activiste basé à Jérusalem.
Source : +972
Traduction ED pour l’Agence Média Palestine