Par Addameer le 18 décembre 2023
Depuis le début de la vaste agression contre le peuple palestinien, les autorités occupantes ont mené de vastes campagnes d’arrestation touchant divers segments de la population palestinienne dans une variété d’endroits. Le nombre de détenu.e.s de la Cisjordanie et de Jérusalem entre le 7 octobre et aujourd’hui atteint 4 575, sans compter des centaines de cas d’arrestations à Gaza.
Au milieu de l’isolement total imposé aux prisonniers et prisonnières, en particulier ceux et celles de Gaza, et alors que le Comité international de la Croix-Rouge se voit refuser toute visite et que les avocats ne peuvent pas se rendre auprès des détenu.e.s de Gaza, un article publié dans le journal israélien Haaretz a révélé les crimes odieux commis contre les détenus, hommes et femmes, dans les camps militaires de Sdeh Teiman et Anatot . L’article souligne qu’un certain nombre de détenu.e.s ont été tué.e.s à l’intérieur de ces camps sans que l’on ne sache rien quant à leur nombre ou leurs identités. L’article a également souligné que les détenu.e.s subissaient des conditions extrêmement dures, étant la plupart du temps menottés avec les yeux bandés. Il y a des enfants et des personnes âgées à l’intérieur du camp Sdeh Teiman ; des femmes y sont détenues mais également dans le camp Anatot. Les prisonniers et prisonnières de ces camps dorment sur des matelas très fins posés à même le sol.
Par ailleurs, plus de 30 femmes palestiniennes détenues à Gaza se trouvent dans la prison de Damon, où elles souffrent de conditions très difficiles. Parmi les prisonnières se trouvent des enfants, des personnes âgées, des femmes malades et blessées. La plus âgée d’entre elles est une femme de 82 ans atteinte de la maladie d’Alzheimer. Il est interdit à ces détenues de Gaza de communiquer ou d’interagir avec d’autres prisonnières ailleurs dans la prison. A la date d’aujourd’hui, elles ne peuvent recevoir de visites d’avocats. En outre, elles reçoivent des repas insuffisants et de mauvaise qualité et ne bénéficient que d’un court temps de douche, 15 minutes maximum pour plus de 30 détenues. De plus, on rentre de force dans leurs chambres pour des fouilles quotidiennes.
Il y a deux jours, un important groupe de soldats a pris d’assaut la cellule collective de ces détenu.e .s de Gaza, les a interrogées et transféré cinq d’entre elles dans un lieu tenu secret.
Les crimes de l’occupation ne se limitent pas à dissimuler de force les détenus et détenues de Gaza dans des camps militaires. La loi aussi est manipulée à cette fin. Depuis le début de l’agression, les autorités occupantes ont modifié les lois et ordonnances militaires pour faciliter la détention prolongée de personnes palestiniennes sans procédure légale régulière. Ils ont modifié à plusieurs reprises la Unlawful Combatant Law, autorisant ainsi que le statut de combattant illégal puisse s’appliquer pour une durée allant jusqu’à 42 jours au lieu des 7 jours initialement stipulés. Les séances de revue juridique voient leur délai étendu de 14 à 45 jours, et les détenu.e.s peuvent être privé.e.s de rencontre avec leurs avocats pendant 80 jours. En ce qui concerne les mesures d’urgence qui empêchent les détenu.e.s soumis.e.s à l’interrogatoire de rencontrer leurs avocats, la période d’interdiction s’étend désormais à 90 jours. Ces amendements à la loi, prolongeant la durée pendant laquelle les détenus et détenues ne peuvent rencontrer leur avocat, et la durée d’attente avant comparution devant un juge, constituent encore une autre forme de disparition forcée. Les avocats ne savent ni où se trouve la personne détenue ni les conditions de sa détention. Ces amendements visent à empêcher les avocats de surveiller et de documenter les crimes et violations dont sont victimes leurs clients et clientes.
Dans ce contexte, la complicité des juges israéliens dans le crime de disparition forcée devient évidente. L’approbation par les juges de la prolongation de la détention des personnes tout en les empêchant de rencontrer leurs avocats équivaut à une approbation juridique tacite de la torture et des mauvais traitements et représente, en outre, une tentative de dissimuler ces crimes aux avocats et aux organisations de défense des droits de l’homme travaillant sur le terrain, manquement d’autant plus grave qu’il n’existe aucun contrôle international des conditions de détention.
La disparition forcée est considérée comme un crime contre l’humanité selon le Statut de Rome de la Cour pénale internationale [1] . Compte tenu de la réticence de la CPI à jouer son rôle dans une enquête rapide et efficace sur les crimes d’occupation et du parti pris évident du Procureur contre le peuple palestinien, nous appelons les États à assumer leurs responsabilités, à œuvrer notamment à l’ouverture d’une enquête rapide et efficace pour tenir l’Etat occupant responsable pour tous ses crimes au cours des 75 dernières années. Cela doit se faire en lui rappelant ses obligations devant le droit international humanitaire et le droit international des droits humains.
[1] Article (7)(1)(I), Statut de Rome de la Cour pénale internationale.
ADDAMEER (conscience en arabe) Prisoner Support and Human Rights Association est une institution civile non gouvernementale palestinienne qui œuvre en faveur des prisonniers politiques palestiniens détenus dans les prisons israéliennes et palestiniennes. Créé en 1991 par un groupe d’activistes intéressés par les droits de l’homme, le centre offre une aide juridique gratuite aux prisonniers politiques, défend leurs droits au niveau national et international et s’efforce de mettre fin à la torture et aux autres violations des droits des prisonniers par le biais d’un suivi, de procédures juridiques et de campagnes de solidarité.
Source : Addameer
Traduction BM pour l’Agence Média Palestine