Il existe deux précédents : les décisions prises par le Comité international olympique à l’égard à la Russie du fait de la guerre en Ukraine, et son expulsion en 1970 de l’Afrique du Sud apartheid.
Par Siddharth Varadarajan, le 25 juillet 2024
Les Jeux olympiques de Paris commencent sous peu et la consternation grandit en France et dans le monde entier face à la participation d’Israël aux Jeux. Le pays arrive aux Jeux olympiques avec trois infractions à son actif, qualifiées comme telles par la Cour internationale de justice : il mène une guerre marquée par des actes pouvant s’apparenter à un génocide, il occupe illégalement une autre nation, la Palestine, et il soumet la population de cette nation occupée à une discrimination systémique fondée sur la race, la religion et l’origine ethnique.
Une seule de ces qualifications suffirait pour disqualifier Israël pour les Jeux olympiques. Les trois éléments réunis constituent un motif d’expulsion. Regardons les précédents.
Pourquoi le CIO a-t-il interdit la Russie ?
En février 2023, le CIO a banni la Russie et la Biélorussie en raison de leur invasion de l’Ukraine et de la guerre en cours dans ce pays. Voici ce qu’il avait déclaré à l’époque :
« Le CIO a condamné cette guerre insensée avec la plus grande fermeté, le jour même de l’invasion. Constatant que les combats ne semblent pas près de prendre fin après un an de carnage, le CIO réitère sa condamnation de la guerre en Ukraine, qui constitue une violation flagrante de la Trêve olympique en vigueur à l’époque et de la Charte olympique. C’est pourquoi le CIO a sanctionné les États et gouvernements russe et biélorusse, seuls responsables de cette guerre, d’une manière sans précédent : pas d’événements sportifs internationaux organisés en Russie ou en Biélorussie ; pas de drapeau, d’hymnes ou d’autres symboles nationaux déployés ; et pas de représentants gouvernementaux ou d’État accrédités pour des événements sportifs internationaux. »
En substance, le CIO a déclaré que la Russie, en envahissant l’Ukraine et en prolongeant la guerre, avait violé la Trêve olympique en vigueur pour les Jeux olympiques d’hiver de Pékin de 2022.
Avançons maintenant jusqu’au 22 novembre 2023, date à laquelle l’Assemblée générale des Nations Unies a adopté la Trêve olympique pour les Jeux olympiques de Paris .
La résolution de l’ONU « demande que la Trêve olympique soit respectée à partir de sept jours avant les Jeux olympiques de juillet 2024 jusqu’à sept jours après les Jeux paralympiques ». Le texte « exhorte les États membres à observer la Trêve olympique » afin « d’assurer la circulation, l’accès et la participation en toute sécurité des athlètes, des officiels et de toute autre personne accréditée prenant part aux Jeux ».
La résolution rappelle que « le concept fondamental de l’Écécheiria , historiquement, a été la cessation des hostilités sept jours avant… les Jeux olympiques ». De toute évidence, les athlètes et autres ne peuvent obtenir un passage sûr pour participer aux Jeux olympiques que s’il y a cessation des hostilités, c’est-à-dire un cessez-le-feu.
La Russie continue de violer la Trêve olympique et reste exclue des Jeux. Mais comme les athlètes individuels ne doivent pas pâtir des décisions de leur gouvernement, la commission exécutive du CIO a publié le 19 mars 2024 des directives permettant la participation des athlètes russes en tant qu’« athlètes individuels neutres » (AIN).
Cela signifie qu’il n’y aura ni drapeau ni hymne russe et qu’il n’y aura pas de participation en équipe. « Les athlètes désignés AIN ne participeront pas au défilé des délégations (équipes) lors de la cérémonie d’ouverture, car ce sont des athlètes individuels », précisent les directives, et « les médailles remportées par les athlètes AIN ne seront pas affichées dans le tableau des médailles du CNO ».
En plus de garantir qu’il n’y aura aucune participation directe ou indirecte de la Russie , les directives prescrivent des « conditions d’éligibilité strictes » pour ces athlètes individuels. Et l’une des conditions est la suivante :
« Les athlètes qui soutiennent activement la guerre ne pourront ni s’inscrire ni concourir. Tout personnel accompagnant qui soutiendrait activement la guerre ne pourra pas non plus s’y inscrire. »
Mais que veut dire le CIO par « athlètes qui soutiennent activement la guerre » ? Voici ce que dit le « Q and A » du CIO sur la participation russe aux Jeux olympiques :
« Les membres sous contrat des forces armées russes et biélorusses ou des agences de sécurité nationale sont considérés comme soutenant la guerre. » « En ce qui concerne les autres mesures de soutien actif, toutes les circonstances pertinentes, en particulier les déclarations publiques, y compris celles faites sur les réseaux sociaux ; la participation à des manifestations ou événements en faveur de la guerre ; et l’affichage de tout symbole soutenant la guerre en Ukraine, par exemple le symbole « Z », doivent être pris en considération. »
Ce qui s’applique à la Russie doit s’appliquer à Israël
Sur la base de ce contexte et de ce précédent, examinons maintenant ce que ces directives du CIO signifient pour Israël et les Jeux olympiques de Paris.
Trois faits sont incontestables.
Premièrement, Israël, comme la Russie, viole de manière flagrante la Trêve olympique en vigueur à l’heure actuelle et la Charte olympique. Chaque jour, l’armée israélienne bombarde la population palestinienne de Gaza, tuant des civils innocents.
Deuxièmement, comme l’a rapporté Reuters , « depuis le début du conflit en octobre 2023, plus de 300 athlètes, arbitres et responsables sportifs ont été tués et toutes les installations sportives de Gaza ont été démolies ». Un petit contingent d’athlètes palestiniens se rendra tout de même à Paris, mais « l’arrêt complet de toute activité dans le pays » a ruiné les chances de la Palestine de concourir comme il se doit. Au moins un athlète palestinien de Gaza, Mohammed Hamada , un haltérophile qui a porté le drapeau palestinien aux Jeux olympiques de Tokyo, a perdu 20 kg et s’est blessé au genou lors des bombardements israéliens et n’a pas réussi à se qualifier pour les Jeux de Paris.
Troisièmement, quels que soient les arguments et justifications avancés par Tel-Aviv, tels que « le sauvetage d’otages israéliens », la « légitime défense », etc., la Cour internationale de justice a statué plus tôt cette année qu’ « au moins certains des actes et manquements présumés commis par Israël à Gaza semblent susceptibles de relever des dispositions de la Convention [sur le génocide] ».
Il devrait aller de soi que la décision de la CIJ rend la violation flagrante de la Trêve olympique par Israël d’autant plus choquante.
Il est clair que le CIO doit appliquer à la guerre israélienne contre la Palestine les mêmes normes qu’il a imposées à la Russie pour la guerre en Ukraine. Cela signifie qu’il ne saurait y avoir de drapeau, d’hymne ou d’équipe israélienne aux Jeux olympiques de Paris. Point final.
Les partisans de la guerre dans l’équipe israélienne
Les athlètes israéliens individuels, soumis aux mêmes « conditions d’éligibilité strictes », pourront toujours participer, tout comme une quinzaine d’athlètes russes neutres. Cependant, pour ne citer qu’un exemple , cela devrait certainement exclure le judoka israélien Peter Paltchik, qui a clairement indiqué dans ses publications sur les réseaux sociaux qu’il « soutient activement la guerre ».
Le 22 octobre 2023, Paltchik a tweeté une photo de bombes israéliennes avec le message « De moi à vous avec plaisir #HamasisISIS #IsraelAtWar ». Les bombes portent ce qui semble être sa signature, ainsi que le mot « ippon » – un terme du judo dont la signification est expliquée ci-dessous.
Paltchik a supprimé le tweet assez récemment, de toute évidence parce qu’il le rendrait inéligible aux Jeux olympiques de Paris, mais une recherche Google le fait toujours apparaître. Voici une capture d’écran de la récupération par Google du texte du tweet désormais supprimé :
Le Comité olympique palestinien a cité le tweet pro-guerre de Paltchik dans sa demande auprès du CIO d’exclure Israël des Jeux olympiques de Paris. On ne voit pas bien d’ailleurs pourquoi cette demande incombe entièrement aux Palestiniens alors que tous les membres du CIO ont adhéré à un ensemble de directives et de règles qui ont été utilisées pour exclure un autre État belliciste, la Russie, des Jeux olympiques de Paris.
Notons que DW a interrogé la Fédération israélienne de judo sur le tweet de Paltchik . « Peter n’a rien signé lui-même », a-t-elle affirmé, accusant les Palestiniens de mentir. « Cependant, dans un courriel adressé à DW, la fédération a déclaré qu’elle ne pouvait pas dire qui avait signé les bombes ni pourquoi elles comportaient le terme « ippon », qui est le score le plus élevé en judo et signifie une victoire immédiate. »
Si le CIO n’agit pas immédiatement pour empêcher Israël – et les athlètes israéliens – de participer aux Jeux olympiques de Paris, il fera honte au grand mouvement olympique et rendra totalement dénuée de sens la noble idée de Trêve olympique. Pire encore, il démontrera au monde que ses nobles principes et exigences ne sont respectés que s’ils sont politiquement avantageux.
Le CIO affirme qu’il ne veut pas mélanger la politique et le sport, mais lorsque vous interdisez un pays – la Russie – pour avoir fait la guerre aux Européens (les Ukrainiens) mais refusez d’interdire un État européen de facto – Israël – pour avoir fait la guerre aux Arabes (les Palestiniens), n’est-ce pas ce que la politique peut avoir de pire ?
Le précédent de l’Afrique du Sud raciste de 1970
Laissant de côté la guerre en cours et la violation de la Trêve olympique par Israël, il existe un autre précédent que le CIO se doit d’invoquer.
En 1970, le CIO a formellement expulsé l’Afrique du Sud raciste. Il l’a fait non pas en raison d’une résolution obligatoire de l’ONU (comme le prétend le site Internet du CIO) – en fait, certains pays « blancs » ont continué à entretenir des liens sportifs avec l’État apartheid – mais parce que la politique de discrimination raciale systémique de l’Afrique du Sud était contraire à l’esprit olympique.
Plus tôt ce mois-ci, la Cour internationale de justice a déclaré que l’occupation de la Palestine par Israël était illégale et que le traitement infligé par Israël aux Palestiniens « constitue une discrimination systémique fondée, entre autres, sur la race, la religion ou l’origine ethnique » .
Compte tenu de cette clarté juridique apportée par la Cour internationale de Justice, le CIO devrait non seulement interdire à Israël de participer aux Jeux olympiques de Paris, mais également l’exclure du mouvement olympique. Et il ne devrait pas revenir sur cette décision tant que l’occupation illégale de la Palestine perdure.
Source : The Wire
Traduction : BM pour Agence média Palestine