Au moins 53 prisonniers torturés à mort : les détentions abusives et la torture systémique des prisonniers de Gaza depuis le 7 octobre

Quand nous sommes descendus du bus, un soldat nous a dit : « Bienvenue en enfer ». 
Extrait du témoignage de Fouad Hassan, 45 ans, père de cinq enfants et habitant de Qusrah dans le district de Naplouse, détenu à la prison de Megiddo.

Par l’Agence Média Palestine, le 8 août 2024

Les Palestiniens subissent les pires sévices dans les prisons israéliennes – Photo : D. R.

De nombreuses organisations de défense des droits de l’homme ont documenté la torture, les mauvais traitements et les violations des droits de l’homme dont sont victimes les détenus de Gaza depuis le début du génocide à Gaza. Les organisations ont méticuleusement enregistré les cas d’abus physiques et psychologiques, fournissant des preuves essentielles des mauvais traitements et de la torture systémiques qui se produisent dans des installations telles que Sde Teman. Les rapports mettent en évidence la gravité et l’ampleur des violations, soulignant le besoin urgent d’une intervention internationale et d’une obligation de rendre des comptes pour remédier à ces atteintes aux droits de l’homme.

Mais malgré -des cas bien documentés, 99 % des enquêtes sur les actes de torture et les abus commis par l’armée d’occupation israélienne (IOF) à l’encontre des Palestiniens n’aboutissent pas, et les auteurs de ces actes ne sont pas tenus de rendre des comptes. Cette absence persistante de justice met en évidence l’impunité systémique au sein de l’IOF, qui permet à des violations aussi flagrantes de se poursuivre sans contrôle.

Des arrestations massives depuis le 7 octobre

Le nombre élevé de Palestiniens – hommes, femmes, enfants, médecins, journalistes, défenseurs des droits de l’homme – détenus depuis le 7 octobre sans inculpation ni jugement et dans des conditions qui font craindre un recours abusif à la détention administrative, ainsi que les informations faisant état d’actes de torture et d’autres mauvais traitements et de violations des droits de la défense, suscitent de vives inquiétudes quant au caractère arbitraire et punitif de ces arrestations et de cette détention.

Selon un rapport publié par l’ONU le 31 juillet 2024, les Forces de défense israéliennes (FDI) ont placé en détention des milliers de Palestiniens à Gaza, principalement des hommes et des garçons, mais aussi des femmes et des filles, depuis le début du mois de novembre 2023.

Lors de raids sur des hôpitaux et des écoles servant d’abris aux personnes déplacées par les attaques répétées d’Israel sur la bande de Gaza, les FDI ont arrêté des milliers de personnes, dont au moins 310 membres du personnel médical, ainsi que des patients et des accompagnateurs. Plus de 10 000 travailleurs et patients de Gaza, qui étaient légalement présents en Israël le 7 octobre, ont également été placés en détention en Israël dans les jours qui ont suivi. On estime que 3 200 d’entre eux ont été libérés et transférés à Gaza en novembre 2023, 6 441 ont été transférés en Cisjordanie occupée, tandis qu’un millier d’entre eux sont toujours portés disparus.

La base juridique de la détention des Palestiniens placés en garde à vue à Gaza n’est pas toujours claire, et dans une grande partie des cas, les prisonniers ne savent pas pourquoi ils sont arrêtés et sont placés en détention sans aucun procès. Leur droit de consulter un avocat ne leur est pas accordé et leurs familles ne sont pas informées de leur localisation ou de leur état de santé, parfois depuis des mois, ce qui fait craindre des disparitions forcées.

Parallèlement, les forces de sécurité israéliennes ont procédé à des arrestations massives et apparemment arbitraires de Palestiniens en Cisjordanie occupée, y compris à Jérusalem-Est, touchant tous les secteurs de la société palestinienne. Parallèlement, les forces de sécurité israéliennes procèdent à des arrestations massives quotidiennes et apparemment arbitraires de Palestiniens en Cisjordanie occupée, y compris à Jérusalem-Est, touchant tous les secteurs de la société palestinienne.

De nombreuses personnes détenues et certains détenus libérés par la suite ont déclaré avoir été soumis à des formes de torture ou à d’autres mauvais traitements, notamment des passages à tabac, des électrocutions, l’obligation de rester dans des positions de stress pendant des périodes prolongées ou la simulation de noyade. Au moins 53 détenus de Gaza et de Cisjordanie sont morts en détention israélienne depuis le 7 octobre.

Ce qu’il se passe à Sde TeIman

Sde Teiman est une base militaire israélienne située dans le désert du Néguev, à 29 kilomètres de la frontière avec Gaza. Depuis le début de l’offensive israélienne sur Gaza qui se poursuit depuis dix mois, la base s’est doublée d’un camp de détention utilisé pour détenir les Palestiniens de la bande de Gaza.

Plus de 4 000 Palestiniens y ont été emprisonnés depuis le 7 octobre, pour la plupart sans procès. Les prisonniers qui ont été libérés témoignent d’abus systématiques et de violations des droits de l’homme. Ces témoignages ont été appuyés par ceux d’employés israéliens dénonciateurs ainsi que de rares avocats autorisés à visiter les prisonniers, qui comparent le camp de Sde Teiman à ceux d’Abu Ghraib ou de Guantanamo.

« Les témoignages recueillis par mon bureau et d’autres entités font état d’une série d’actes épouvantables, tels que la simulation de noyade et le lâcher de chiens sur les détenus, entre autres, en violation flagrante du droit international des droits de l’homme et du droit international humanitaire », a déclaré le haut-commissaire des Nations unies, Volker Turk, dans un communiqué accompagnant le rapport publié par l’OCHA le 31 juillet.

Les détenus de Gaza sont maintenus dans des positions de stress douloureuses et soumis à des traitements dégradants. Les prisonniers sont attachés par une fermeture éclair et ont les yeux bandés, soumis à des périodes prolongées d’agenouillement, le dos courbé et la tête baissée, pendant les transferts, lorsqu’ils attendent leur tour avec les avocats, et dans les cages ou les cellules où ils sont gardés. En outre, lors du comptage des effectifs, les détenus doivent rester allongés face contre terre jusqu’à ce que le comptage de l’ensemble de l’établissement soit terminé. Il leur est interdit d’établir un contact visuel avec les soldats et ils doivent demander la permission de parler.

« Les détenus ont déclaré qu’ils étaient enfermés dans des installations ressemblant à des cages, qu’ils étaient déshabillés pendant de longues périodes et qu’ils ne portaient que des couches. Leurs témoignages font état de bandages prolongés sur les yeux, de privations de nourriture, de sommeil et d’eau, de chocs électriques et de brûlures avec des cigarettes », indique un résumé du rapport de l’OCHA. « Certains détenus ont déclaré que des chiens avaient été lâchés sur eux, d’autres qu’ils avaient été soumis au waterboarding, ou que leurs mains avaient été attachées et qu’ils avaient été suspendus au plafond. Certaines femmes et certains hommes ont également parlé de violences sexuelles et sexistes. »

Le rapport indique également que l’Autorité palestinienne, qui administre certaines parties de la Cisjordanie occupée par Israël, a également « continué à pratiquer la détention arbitraire et la torture ou d’autres mauvais traitements en Cisjordanie, principalement, semble-t-il, pour réprimer les critiques et l’opposition politique ».

L’impunité est non seulement une réalité, elle est aussi une revendication de la société civile

L’armée israélienne a déclaré qu’elle enquêtait sur les allégations de mauvais traitements infligés à des détenus dans des installations en Israël, et qu’elle prévoyait de fermer progressivement le camp de Sde Teiman, dans le désert du Néguev, mais la plupart des organisations de défense des droits des prisonniers ne sont pas convaincues.

Car non seulement très peu de ces crimes sont jugés, les rares affaires à arriver devant la justice sont aussi vivement décriées par une partie de la société israélienne, qui estime ces pratiques légitimes. Alors que neuf soldats devaient être jugés pour des cas de viol et de tortures systématiques sur des prisonniers, des centaines de manifestants, dont des membres du gouvernements israéliens, ont manifesté leur soutien aux accusés.

Le soir du lundi 29 juillet, des dizaines de militants d’extrême droite, accompagnés de certains députés du Likoud, comme Tally Gotliv, se sont introduits de force dans la base militaire de Sde Teiman, puis dans celle Beit Lid, où étaient retenus en garde à vue neuf soldats récidivistes mis en cause pour le viol d’un prisonnier. Parmi les manifestants, plusieurs personnes masquées portaient un uniforme de la Force 100, une unité de l’armée déjà accusée de maltraitance envers des détenus palestiniens. Les forces de police ont non seulement échoué à empêcher l’intrusion des ultranationalistes dans les bases de Sde Teiman et Beit Lid elles n’ont procédé à aucune arrestation, en dépit du fait que la plupart des agitateurs sont identifiables sur des vidéos et sont même connus de la police.

La déshumanisation des prisonniers palestiniens est telle que la Knesset, le parlement israélien, approuvait en mars 2024 en lecture préliminaire un projet de loi permettant d’exécuter les prisonniers reconnus coupables d’avoir tué des Israéliens, bien que la peine de mort ait été abolie en 1954.

Le 30 juin, le ministre israélien de la Sécurité nationale Ben-Gvir soutenait ce projet de loi en déclarant dans une vidéo sur son compte instagram : « Il est regrettable que j’aie dû me demander ces derniers jours si les prisonniers palestiniens devaient recevoir des paniers de fruits. (…) Ils devraient être tués d’une balle dans la tête, et le projet de loi visant à exécuter les prisonniers palestiniens doit être adopté en troisième lecture à la Knesset. D’ici là, nous leur donnerons le minimum de nourriture pour survivre. Cela ne m’intéresse pas », a ajouté Ben-Gvir. Le projet de loi doit faire l’objet de trois lectures à la Knesset pour entrer en vigueur.

De nombreuses organisations appellent à une intervention internationale immédiate pour garantir l’obligation de rendre des comptes et le traitement humain de tous les détenus, affirmant l’incapacité du système judiciaire israélien à rendre des comptes, mise en évidence par les récentes conclusions de la Cour internationale de justice sur le régime d’apartheid : « Nous demandons d’urgence que le procureur de la Cour pénale internationale mène une enquête internationale claire et approfondie sur les abus systématiques et les violations des droits de l’homme commis à l’encontre des détenus de Gaza. Cette enquête devrait aborder de manière exhaustive les cas documentés de torture, de violence sexuelle et de traitement dégradant, en veillant à ce que les responsables soient tenus de rendre des comptes. »

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