Alors que les négociations de cessez-le-feu arrivent à leur terme au Caire, possiblement sans accord, les frappes aériennes et terrestres de l’armée israélienne se poursuivent sur Gaza, aggravant sans cesse la situation humanitaire.
Par l’Agence Média Palestine, le 27 août 2024
Lundi 26 août, un responsable américain déclarait au Times of Israel que les pourparlers du Caire sur le cessez-le-feu étaient constructifs et que toutes les parties souhaitaient parvenir à un accord final. Des sources de sécurité égyptiennes ont cependant affirmé à Reuters que les pourparlers sur le cessez-le-feu s’étaient terminés sans accord, ni Israël ni le Hamas n’ayant accepté plusieurs compromis présentés par les négociateur·ices, dont la question de la présence israélienne dans les corridors de Philadelphie et de Netzarim, à la frontière égyptienne.
Alors que tous les regards semblent tournés vers ces infructueuses négociations, les massacres se poursuivent à Gaza. Le média NewsCord, qui utilise l’intelligence artificielle pour recenser des articles de presse et en faire ressortir les biais, dénonçait le 25 août qu’alors qu’au moins 37 Palestinien·nes avaient été assassiné·es en 48h, les médias ne couvraient que les discussions diplomatiques. De nombreuses voix s’élèvent pour dénoncer la déshumanisation des Palestinien·es, et l’insensibilité face à la destruction de Gaza.
170 Palestinien·nes assassiné·es en 4 jours
Le dernier rapport du Bureau de la coordination des affaires humanitaires à l’ONU (OCHA), publié le 26 août 2024, indique que les bombardements israéliens aériens, terrestres et maritimes se poursuivent dans la majeure partie de la bande de Gaza, faisant de nouvelles victimes parmi les civils, provoquant des déplacements et la destruction d’habitations et d’autres infrastructures civiles. Des incursions terrestres, en particulier à Beit Hanoun, au sud-ouest de la ville de Gaza, dans la zone orientale de Khan Younis et de Deir al Balah, ainsi qu’à l’est et au sud de Rafah, accompagnées de violents combats, continuent d’être signalées.
Lundi 26 août, une frappe israélienne sur une maison dans le nord de la ville de Gaza a tué cinq personnes, rapporte l’agence de presse Wafa. Des attentats à la bombe ont également été signalés dans d’autres parties de l’enclave palestinienne : Médecins sans frontières (MSF) a signalé une explosion près de l’hôpital des martyrs d’Al Aqsa, peu après qu’Israël a donné l’ordre d’évacuer massivement les zones proches de l’établissement.
170 Palestinien·nes ont été assassiné·nes et 390 ont été blessé·es entre les après-midi du 23 et du 26 août, selon l’OCHA. Ces personnes ont été tué·es dans des maisons, dans des camps de réfugié·es, dans leurs véhicules ou dans la rue. Entre le 7 octobre 2023 et le 26 août 2024, au moins 40 435 Palestinien·nes ont été assassiné·es et 93 534 ont été blessé·es.
L’hôpital Al-Aqsa déserté par crainte des bombardements
Entre le 23 et le 25 août, l’armée israélienne a émis trois nouveaux ordres d’évacuation concernant plus de 19 quartiers du nord de Gaza et de Deir Al-Balah. Selon l’OCHA, la cartographie initiale indique que plus de 8 000 personnes se trouvaient dans les zones désignées pour l’évacuation, dont une majorité abritée dans 13 campements de réfugié·es.
Les ordres d’évacuation israéliens, accompagnés de menaces d’opérations terrestres sur la zone, ont contraint plus de 250 000 gazaoui·es à fuir. La ville de Deir Al-Balah avait été largement épargnée tout au long de la guerre, et des milliers de déplacé·es y avaient trouvé refuge, notamment dans le centre hospitalier des Martyrs d’Al-Aqsa.
Cet établissement est le principal hôpital desservant le centre de Gaza, et l’un des derniers en état de marche dans l’enclave. L’armée n’a pas ordonné son évacuation, mais les patient·es et les personnes qui y sont hébergées craignent d’être pris dans les combats ou que le bâtiment ne devienne la cible d’un raid israélien. Les forces israéliennes ont de fait envahi plusieurs hôpitaux au cours des dix derniers mois, accusant le Hamas de les utiliser à des fins militaires, allégations démenties par les responsables palestiniens de la santé.
Des journalistes de l’Associated Press rapportent avoir vu des gens fuir l’hôpital et les zones environnantes, beaucoup d’entre eux à pied, certains poussant des patients sur des brancards ou portant des enfants malades, tandis que d’autres tenaient des sacs de vêtements, des matelas et des couvertures. Quatre écoles de la région ont également été évacuées.
L’OCHA et Médecins sans frontières (MSF) affirment que, sur environ 650 patients, il n’en reste plus que 100 dans l’hôpital Al-Aqsa, alertant que des hostilités à proximité des hôpitaux et des centres médicaux font de courir à ces installations vitales le risque de ne plus fonctionner en raison de l’insécurité et du manque d’accès sécurisé pour les patients, les ambulances et les partenaires de santé pour les réapprovisionner.
D’une manière générale, les centres de soin à Gaza sont gravement affectés. Ceux qui ne sont pas détruits sont saturés et ne peuvent pas fonctionner normalement en raison des difficultés d’approvisionnement, l’acheminement de carburant et de fournitures médicales vers les établissements de santé étant extrêmement difficile dans le contexte d’ordres d’évacuation répétés.
Le 21 août, l’hôpital Kamal Adwan et l’hôpital indonésien dans le nord de Gaza ont renouvelé leurs appels à la fourniture urgente de diesel pour maintenir les générateurs d’électricité en état de marche. Entre-temps, des attaques contre les soins de santé continuent d’être signalées. Le 24 août, le Croissant-Rouge palestinien a indiqué que le deuxième étage du service de rééducation de l’hôpital Al Amal à Khan Younis avait été touché par des drones israéliens, mais qu’aucun membre du personnel ou patient n’avait été blessé. Au 20 août, l’OMS avait enregistré 505 attaques sanitaires dans la bande de Gaza, qui avaient fait 752 morts et 982 blessés, et endommagé 32 hôpitaux et 63 ambulances.
Des évacuations incessantes
De nouveaux ordres d’évacuation émis par Israël sont annoncés presque quotidiennement, aggravant encore la crise humanitaire qui touche des centaines de milliers de personnes. L’armée israélienne a émis un total de 16 ordres d’évacuation en août, touchant environ 12 % de la population de Gaza (258 000 personnes). Les nouveaux ordres à Deir al Balah ont déplacé le personnel humanitaire de diverses agences des Nations unies, d’ONG et de prestataires de services, ainsi que leurs familles, ce qui a gravement entravé leur capacité à fournir un soutien et des services essentiels. Plus précisément, l’ordre émis le 25 août a touché 15 locaux de l’ONU et d’ONG, ainsi que quatre entrepôts de l’ONU, rapporte l’OCHA.
Les ordres d’évacuation israéliens couvrent désormais environ 84 % du territoire de Gaza, selon les Nations unies, qui estiment qu’environ 90 % des 2,3 millions d’habitants de Gaza ont été contraints de quitter leurs maisons. Nombre d’entre eux ont été déplacés à plusieurs reprises, fuyant avec ce qu’ils pouvaient transporter.
La population est de plus en plus contrainte de se concentrer dans la zone désignée par Israël à Al Mawasi, qui ne s’étend que sur environ 41 kilomètres carrés, soit à peu près 11 % de la superficie totale de Gaza. La zone manque d’infrastructures essentielles et de services de base, tandis que la fourniture d’aide est limitée en raison de problèmes d’accès et de sécurité. La forte surpopulation, avec une densité de 30 000 à 34 000 personnes par kilomètre carré, a exacerbé la grave pénurie de ressources essentielles telles que l’eau, l’assainissement et l’hygiène, les services de santé, la protection et les abris.
Selon le groupe Eau, assainissement et hygiène (WASH), les récents ordres d’évacuation à Deir al Balah ont compromis 15 des 18 puits d’eau de la zone, réduisant la capacité totale de production d’eau de 80 % (de 13 000 mètres cubes par jour à 2 500). Une mesure d’atténuation urgente est actuellement en cours pour remédier à la situation en redirigeant l’eau de l’usine de dessalement du sud de Gaza vers Deir al Balah. Cet ajustement fournira à Deir al Balah 1 500 mètres cubes d’eau par jour.
Un premier enfant paralysé par la polio
Le 23 août, le directeur général de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), Tedros Adhanom Ghebreyesus, s’est déclaré très préoccupé par le premier cas confirmé de polio à Gaza depuis 25 ans, ajoutant que l’enfant de 10 mois non vacciné qui avait contracté le virus avait développé une paralysie de la partie inférieure de la jambe gauche.
Le 25 août, l’UNICEF a annoncé que 1,2 million de doses de vaccin antipoliomyélitique de type 2 (nOPV2) étaient acheminées à Gaza pour vacciner plus de 640 000 enfants, conjointement avec l’OMS et l’UNRWA. L’International Rescue Committee (IRC) a souligné que « les vaccinations ne sont qu’une partie de la réponse » et que des efforts simultanés pour augmenter l’accès à l’eau potable, propre et traitée sont nécessaires pour prévenir d’autres épidémies, y compris le choléra, en demandant instamment la levée de toutes les restrictions sur l’entrée des produits de chloration et du carburant pour faire fonctionner les systèmes d’eau, les panneaux solaires et les générateurs d’électricité.
Dans un appel conjoint à un cessez-le-feu urgent, 20 agences d’aide et 20 professionnels de la santé ont expliqué qu’au moins 50 000 enfants nés au cours des dix derniers mois de conflit ont « très peu de chances d’avoir été vaccinés en raison de l’effondrement du système de santé », tandis que les calendriers de vaccination réguliers pour les enfants plus âgés sont susceptibles d’avoir été perturbés par les déplacements de population et la violence. « Maintenant que la polio est confirmée, la réponse doit être mesurée en heures et non en semaines », a indiqué Jeremy Stoner, directeur régional de Save the Children pour le Moyen-Orient.