Via l‘Union Juive pour la Paix, le 11 septembre 2024
Nous, Jüdische Stimme für gerechten Frieden in Nahost [Voix juives pour une paix juste au Proche-Orient], exprimons notre soutien à la déclaration du Procureur général de la Cour pénale internationale le 10 septembre 2024, pressant la Cour de produire, « de la manière la plus urgente, » des mandats d’arrêt pour crimes de guerre à l’encontre des Israéliens Benjamin Netanyahou et Yoav Gallant.
Depuis près d’un an, l’État d’Israël et le gouvernement israélien commettent quotidiennement des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité dans la Bande de Gaza. Ces derniers mois, l’étendue de ces crimes s’est encore aggravée. Presque chaque jour, l’armée israélienne massacre des réfugié.es traumatisé.es et des civil.es déplacé.es, y compris dans des zones déclarées « sûres » par l’armée elle-même. Le meurtre répété de civil.es n’est pas une erreur isolée mais reflète un schéma et l’intention de détruire Gaza et le peuple palestinien, là-bas et dans les autres territoires occupés par l’État d’Israël.
Depuis octobre 2023, l’État d’Israël affame la population de Gaza et bloque les ressources en eau1, a tué plus de 500 personnels de santé2, systématiquement détruit les hôpitaux et le système de santé ainsi que les infrastructures agricoles. Il entrave délibérément l’accès aux soins de personnes souffrant de maladies graves (au moins 12 000 personnes3), a forcé au déplacement plus de 90% de la population de Gaza et tué directement plus de 40 000 Palestinien.nes. Quelque 500 000 personnes font face à des « niveaux catastrophiques d’insécurité alimentaire4 ». L’environnement construit a été détruit en quasi-totalité (« domicide »). Il est clair que les actions de l’État d’Israël visent à rendre Gaza inhabitable pour les Palestinien.nes.
Ces atrocités ont été ordonnées par le gouvernement de l’État d’Israël et exécutées par les forces armées israéliennes. Nous attirons l’attention du public sur les nombreuses déclarations racistes et déshumanisantes faires par des personnages issus de tout le spectre du leadership israélien, notamment le président Isaac Herzog, qui a déclaré qu’il n’y avait « pas de Palestinien.nes innocent.es à Gaza », et l’ancien ministre du cabinet de guerre Benny Gantz, qui a pris une part active à chaque phase de la destruction de Gaza, y compris en appelant, la semaine dernière, le monde à soutenir l’État d’Israël en mettant davantage de pression sur les civil.es de Gaza.
Nous déclarons dans les termes les plus clairs que nous rejetons l’argument de Netanyahou et de l’État d’Israël selon lequel ce serait un acte antisémite que de les poursuivre devant les plus hautes instances judiciaires. Nous affirmons sans équivoque que s’il existe une entité qui mette en danger les vies juives et qui maltraite à la fois les droits et la sécurité des juifves dans le monde, c’est bien l’État d’Israël.
L’État d’Israël n’a le droit ni de parler au nom des juifves du monde, ni de décider de manière unilatérale de ce qu’est l’antisémitisme en fonction de ses intérêts et de ses caprices. Nous rejetons catégoriquement l’affirmation selon laquelle Israël serait « l’État juif ». Le peuple juif vit dans le monde entier. Prétendre qu’Israël est « l’État juif » revient à admettre les vieux clichés antisémites selon lesquels les juifves ne sauraient appartenir à l’Europe, aux Amériques ni à aucun autre continent, mais devraient aller en Palestine. De tous les États, l’Allemagne est celui qui coopère le plus avec ces politiques antijuives de l’État d’Israël. L’insistance de l’Allemagne à appeler l’État d’Israël « l’État juif » et à laisser cet État, de fait, décider de ce qui doit être considéré ou non comme de l’antisémitisme, constitue la pire sorte d’exclusion des juifves de l’Europe. Nous le répétons : non seulement l’État d’Israël n’est pas notre représentant en tant que juifves, mais il agit contre nos intérêts en tant que juifves en Europe et dans le monde. L’Allemagne, quant à elle, ferait bien de se concentrer sur le fait de lutter contre l’inquiétante montée de son extrême-droite, qui a historiquement mis en danger nos vies et celles d’autres groupes en Allemagne, et persiste à le faire aujourd’hui.
L’État d’Israël prétend qu’il existe un deux poids deux mesures – et il nous faut hélas acquiescer. L’Allemagne, les États-Unis et d’autres pays occidentaux soutiennent inconditionnellement l’État d’Israël en ignorant ses crimes comme ils ne pourraient le faire s’agissant d’autres pays. Que ce soit du fait de la responsabilité ressentie par l’Allemagne et l’Europe devant leur histoire d’antisémitisme et l’extermination des juifves pendant le génocide nazi, ou du fait de la tolérance des pays occidentaux à l’égard des projets coloniaux, ou encore par pure islamophobie, il faut mettre fin à ce deux poids deux mesure. Le monde occidental doit immédiatement cesser de donner carte blanche aux crimes commis par l’État d’Israël. En tant que juifves, nous exigeons que tous les pays occidentaux – et l’Allemagne en particulier – cessent d’employer cette appellation « d’État juif » qui est fausse et qui induit en erreur, et qu’ils cessent de laisser cet État décider de ce qui est « juif » et de ce qui est « antisémite ».
Berlin, 11 septembre 2024
Jüdische Stimme für gerechten Frieden in Nahost e. V. (Allemagne)
(Traduit de l’anglais par Joëlle Marelli)
Autres signataires, en soutien :
Jewish Network for Palestine (UK), Jewish Voice for Labour (UK) Tsedek! Collectif Juif Décolonial (France), Union Juive Française pour la Paix (UJFP) (France), Kessem – féministes juives décoloniales (France), De-Colonizer (Belgique), Union des progressistes juifs de Belgique (UPJB) (Belgique), A Different Jewish Voice (EAJG) (Netherlands), Erev Rav (Netherlands), Jews for Palestine (Ireland), Jewish Call for Peace (Luxembourg), MARAD – Collectif juif décolonial (Switzerland), Judeobolschewiener*innen (Austria), Junts – Associació Catalana de Jueus i Palestins (Spain), Israelis Against Apartheid Boycott from Within (Israel), South African Jews for a Free Palestine, Jews Say No! (USA), Jews Against the Occupation ’48 (Australia), Alternative Jewish Voices of Aotearoa/New Zealand.
Note-s
- « Le cluster Water, Sanitation and Hygiene (WASH) s’inquiète de l’augmentation des prix des articles d’hygiène de base. D’après le Bureau central palestinien des statistiques (PCBS), le prix du savon a augmenté de 1 177 pour cent et le shampoing de 490 à travers la Bande de Gaza entre juillet 2023 et juillet 2024. Le cluster WASH avertit que le manque d’articles d’hygiène à des prix abordables, associé aux difficultés d’accès à de l’eau propre et à des installations sanitaires, posent un risque croissant d’impacts sanitaires graves. C’est particulièrement vrai pour des familles qui ont été déplacées et pour lesquelles il est extrêmement difficile de garder une hygiène élémentaire dans des abris surpeuplés et des lieux de déplacement, tandis que les infrastructures vitales – centres de santé, cuisines communautaires, espaces de protection des enfants, centres alimentaires et écoles – manquent des outils nécessaires à garantir des conditions sanitaires et de sécurité. Ces conditions vont toutes vraisemblablement continuer à se détériorer au cours de l’hiver. » https://www.unocha.org/publications/report/occupied-palestinian-territory/humanitarian-situation-update-214-gaza-strip[↩]
- https://reliefweb.int/report/occupied-palestinian-territory/un-human-rights-office-opt-statement-killing-and-arbitrary-detention-health-workers-gaza[↩]
- « Les évacuations hors de Gaza de patient.es gravement malades ou blessé.es restent de manière générale interrompues depuis le bouclage du passage de Rafah le 7 mai, avec quelques exceptions ces derniers mois. L’OMS rapporte que le 15 août, 11 enfants malades de cancer et 17 accompagnant.es, ont été évacué.es vers la Jordanie par le passage de Kerem Shalom. Cinq autres enfants malades du cancer et deux enfants amputé.es, avec leurs 10 accompagnant.es, ont été évacué.es de la Bande de Gaza le 26 août. En tout, seuls 124 patient.es et 137 accompagnant.es ont été évacué.es de Gaza à quatre occasions distinctes depuis le 7 mai, tandis que dans la même période, environ 12 000 patient.es n’ont pas pu partir pour recevoir des soins médicaux urgents à l’étranger. Le cluster Santé prévient que sans un mécanisme systématique pour l’évacuation médicale hors de Gaza des patient.es gravement malades et blessé.es, la liste d’attente « continue à s’allonger tandis que les conditions cliniques de nombre d’entre eux et elles continuent à se dégrader ». »https://www.ochaopt.org/content/humanitarian-situation-update-214-gaza-strip[↩]
- https://reliefweb.int/report/occupied-palestinian-territory/reported-impact-snapshot-gaza-strip-4-september-2024-1500[↩]