Israël a assassiné 10% des journalistes de Gaza

Depuis plus d’un an à Gaza, l’armée israélienne assassine des journalistes à Gaza et détruit leurs infrastructures. Aux frontières de l’enclave palestinienne, Israël interdit l’entrée aux journalistes internationaux qui demandent à couvrir l’actualité gazaouie, arrête massivement les journalistes palestiniens en Cisjordanie et dans les territoires de 48, et interdit des médias internationaux comme Al-Jazeera, qui couvre en continu les attaques israéliennes.

Par l’Agence Média Palestine, le 26 novembre 2024

Selon le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations unies (OCHA), qui cite des données du Syndicat des journalistes (PJS) palestiniens, près de 10 % des journalistes opérant à Gaza ont été tués depuis le début des hostilités. Contactée par l’Agence Média Palestine, la porte-parole du PJS Suruq As’ad confirme que le nombre de journalistes palestinien-nes tué-es à Gaza s’élève à 182, auxquels s’ajoutent 164 blessé-es. 136 journalistes ont été arrêté-es à Gaza et en Cisjordanie depuis le 7 octobre 2023, dont 58 sont toujours en détention. 88 établissements de presse palestiniens ont été détruits, dont 73 dans la bande de Gaza.

Dans son allocution au séminaire international des médias sur la paix au Moyen-Orient, qui s’est tenu le 1er novembre à Genève, le secrétaire général des Nations unies a fait remarquer que « le nombre de journalistes tués à Gaza a atteint un niveau sans précédent dans les conflits modernes ». Il a qualifié d’« inacceptable » l’interdiction faite aux journalistes internationaux d’entrer dans la bande de Gaza, soulignant que « les voix des journalistes doivent être protégées et la liberté de la presse défendue ».

Le 16 novembre, le journaliste Mohammed Saleh Al-Sharif a été assassiné par un drone israélien, qui lui a tiré dessus près de l’hôpital Kamal Adwan, dans le nord de la bande de Gaza, rapportent le syndicat des journalistes palestiniens (PJS).

Al-Sharif avait récemment été contraint d’évacuer sa maison dans le quartier de Tal Al-Zaatar, à l’est de Jabalia, en raison des bombardements israéliens en cours, et s’était réfugié chez un parent à Beit Lahia. Les médias locaux indiquent que le journaliste et son cousin rentraient chez eux pour évaluer les dégâts lorsqu’un drone israélien les a pris pour cible. Al-Sharif a saigné pendant deux heures avant de succomber à ses blessures, tandis que son cousin a été tué sur le coup.

Le 19 novembre, l’agence WAFA annonçait la mort violente dans un bombardement israélien d’une enfant et du journaliste Ahmed Abu Sharia, à proximité de la mosquée Al-Iman dans le sud de la ville de Gaza.

Le 23 novembre, le bureau des médias de Gaza a déclaré dans un communiqué de presse la mort du journaliste Wael Ibrahim Abu Quffa, professeur au département du journalisme et des médias de l’Université islamique, qui travaillait également comme journaliste pour la radio éducative du Coran – la Voix de l’Université islamique.

Crimes de guerre

Le comité de protection des journaliste (CPJ) affirmait au début du mois enquêter sur plus de 130 cas de journalistes tué·es par Israël à Gaza, dont la mort semble avoir été délibérée et directement liée à leur profession, ce qui constitue un crime de guerre. Le CPJ ajoute que ces enquêtes sont extrêmement difficiles à réaliser en raison des conditions du terrain.

Une enquête du Guardian révélait hier qu’Israël avait utilisé une munition américaine pour cibler et tuer trois journalistes et en blesser trois autres lors d’une attaque menée le 25 octobre dans le sud du Liban, que des experts juridiques ont qualifiée de crime de guerre potentiel.

Tous trois ont été tués dans leur sommeil lors de l’attaque, qui a également blessé trois autres journalistes de différents médias qui se trouvaient à proximité. L’enquête précise qu’il n’y a pas eu de combats dans la zone avant ou au moment de l’attaque.

« Tout indique qu’il s’agissait d’un ciblage délibéré de journalistes : un crime de guerre. Il était clairement indiqué qu’il s’agissait d’un lieu où séjournaient des journalistes », a déclaré Nadim Houry, avocat spécialisé dans les droits de l’homme et directeur exécutif de Arab Reform Initiative.

Janina Dill, codirectrice de l’Oxford Institute for Ethics, Law and Armed Conflict (Institut d’Oxford pour l’éthique, le droit et les conflits armés), a déclaré : « Il s’agit d’une tendance dangereuse déjà observée à Gaza : des journalistes sont associé·es à des opérations militaires en raison de leur affiliation supposée ou de leurs tendances politiques, puis semblent devenir la cible d’attaques. Cela n’est pas compatible avec le droit international. »

Cette enquête, qui n’aurait pas pu être réalisée à Gaza en raison des bombardements constants et de l’interdiction faite aux journalistes internationaux de pénétrer dans l’enclave, démontre la dangerosité, l’illégalité des pratiques d’Israël ainsi que la complicité des États-Unis.

Irene Khan, rapporteure spéciale des Nations unies sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression, a déclaré : « Le récit du Guardian sur ce qui s’est passé au Sud-Liban correspond au schéma des meurtres et des attaques des forces israéliennes contre les journalistes à Gaza. Les assassinats ciblés, l’excuse selon laquelle les attaques étaient dirigées contre des groupes armés sans fournir aucune preuve à l’appui, l’absence d’enquêtes approfondies, tout cela semble faire partie d’une stratégie délibérée de l’armée israélienne pour réduire au silence les reportages critiques sur la guerre et faire obstacle à la documentation d’éventuels crimes de guerre internationaux ».

Un journaliste palestinien porte un gilet pare-balles taché de sang appartenant à son collègue Mohammed Soboh, tué avec deux autres journalistes dans une frappe israélienne le 10 octobre 2023. REUTERS/Arafat Barbakh

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