Des femmes palestiniennes racontent les agressions sexuelles commises par les Israéliens lors du raid de Kamal Adwan

Des dizaines de femmes rapportent avoir été agressées sexuellement lors du raid sur l’hôpital de Kamal Adwan le mois dernier.

Par Maha Hussaini, le 14 janvier 2025

évacuation forcée de l’hôpital Kamal Adwan par l’armée israélienne (Reuters)

Avant toute chose, Maryam al-Muqayad raconte que les soldats israéliens lui ont demandé de se déshabiller.

Les soldats ont ensuite pris la jeune Palestinienne de 13 ans, l’ont traînée par les cheveux et l’ont obligée à s’agenouiller. Après avoir abusé d’elle, ils l’ont forcée à quitter le nord de Gaza, où elle vivait, et à se diriger vers le sud.

Elle n’était pas la seule.

Des dizaines de femmes et de jeunes filles palestiniennes ont fait état d’abus sexuels similaires commis par les forces israéliennes lors de la prise d’assaut de l’hôpital Kamal Adwan, dans le nord de l’enclave côtière déchirée, le mois dernier.

L’incursion a été précédée par près de trois mois de blocus empêchant l’entrée de l’aide, des médicaments et de la nourriture, ainsi que par des bombardements intensifs sur le complexe de l’hôpital et ses environs.

Lorsque les troupes ont atteint l’hôpital, elles ont incendié différents services et tué les patients et le personnel médical qui se trouvaient à l’intérieur, selon les autorités sanitaires.

Les médecins et les patients restants, soit environ 350 personnes, ont été forcés de quitter l’hôpital sous la menace des armes, à moitié vêtus.

Muqayad accompagnait sa grand-mère malade à l’hôpital. « L’armée israélienne a mis le feu à plusieurs sections de l’hôpital, tandis que les tirs d’artillerie étaient omniprésents autour de nous », a-t-elle déclaré à Middle East Eye.

» Les attaques se sont poursuivies pendant plus de trois heures et demie avant qu’ils ne demandent à tous ceux qui se trouvaient à l’intérieur de l’hôpital de se rassembler dans la cour de l’établissement », a-t-elle ajouté.

D’abord inquiète à l’idée de quitter sa grand-mère, elle a hésité à sortir, mais a finalement décidé de rejoindre le reste du groupe.

Traînée et forcée à se déshabiller

Selon des témoins oculaires, les personnes ont été emmenées dans le hall al-Farid adjacent pour y être fouillées et interrogées.

Les hommes ont été contraints de se déshabiller jusqu’à leurs sous-vêtements, et les femmes ont reçu l’ordre d’enlever leur foulard, tandis que certaines femmes et filles ont également été forcées de se déshabiller.

« Nous avons refusé d’enlever nos hijabs, alors ils ont commencé à exercer plus de pression, ordonnant aux filles de moins de 20 ans de partir vers le sud sans leur famille, mais les familles ont refusé. Ils ont alors fouillé à nu de nombreuses femmes et les ont harcelées sexuellement », a déclaré Muqayad.

Les soldats israéliens auraient touché les parties intimes des femmes et des filles. Celles qui ont tenté de résister ont été « brutalement battues ».

L’armée a ensuite emmené des groupes de femmes et de jeunes filles à l’école d’al-Fakhoura, dans le nord de Gaza, les agressant en chemin et les menaçant de les placer en détention et de les séparer de leurs familles.

« Ils nous ont dit qu’ils nous filmeraient pour montrer au monde que le Hamas nous utilisait comme boucliers humains. Lorsque nous sommes arrivées, ils nous ont traînées par les cheveux dans la cour de l’école, nous ont forcées à entrer dans les toilettes et nous ont ordonné de nous déshabiller », a déclaré Muqayad.

Lorsqu’elles ont refusé, les soldats les ont battues et déshabillées de force, tout en les insultant et en les réprimandant pour ne pas avoir respecté les ordres d’évacuation du nord de la bande de Gaza.

« Ils nous ont forcées à nous déshabiller, puis nous ont traînées dehors par les cheveux. Ils nous ont jeté nos vêtements et nous ont fait nous agenouiller les mains en l’air, avant de nous frapper la tête contre les murs », a raconté l’adolescente de 13 ans.

« Un soldat israélien a frappé une infirmière enceinte dans le ventre avec la crosse de son arme. Ils nous ont fouillés et ont séparé les enfants de leurs parents, puis nous ont fait marcher derrière des chars émettant de la fumée noire. »

Les soldats leur ont dit de se diriger vers le sud de la bande de Gaza et leur ont annoncé que la ville de Gaza serait bientôt envahie.

« Ils nous ont alignées et nous ont dit qu’ils tireraient sur toute personne qui bougerait. Ils nous ont ensuite ordonné de marcher derrière une jeep [militaire] jusqu’au rond-point Abu Sharkh, puis jusqu’au rond-point al-Halabi, et enfin jusqu’à la rue Jabalia Nazla », a-t-elle déclaré.

« Les soldats étaient accompagnés d’un jeune homme qu’ils avaient enlevé de l’école d’al-Fakhoura et qu’ils utilisaient comme bouclier humain. Ils l’ont forcé à entrer dans les maisons avant que l’armée israélienne ne les prenne d’assaut, craignant qu’elles ne soient piégées ».

Les soldats israéliens ont arrêté des dizaines de Palestiniens, dont du personnel médical, des patients et des personnes déplacées, et ont forcé les autres à évacuer vers le sud de la bande de Gaza.

Mais une fois qu’ils ont passé le point de contrôle israélien dans le nord de la bande de Gaza, ils se sont dirigés vers la ville adjacente de Gaza, au lieu de continuer vers le sud.

L’armée israélienne a émis les premiers ordres d’évacuation pour la ville de Gaza et le nord de la bande de Gaza le 13 octobre 2023.

Depuis lors, le nombre de résidents qui se sont conformés à ces ordres ou qui ont été expulsés par l’armée israélienne s’élève à près d’un million.

Le nombre total de Palestiniens déplacés dans l’ensemble de la bande de Gaza depuis le début de la guerre est d’environ deux millions.

Sans raison apparente

Alaa, 30 ans, était avec Muqayad lorsque les soldats israéliens ont forcé les femmes à se déshabiller.

Elle s’estime toutefois chanceuse de n’avoir été tirée que par les cheveux au-dessus de son hijab – elle n’a pas eu à subir les fouilles à nu.

Lorsque les femmes libérées ont commencé à arriver dans la ville de Gaza, les récits de harcèlement sexuel des femmes et des filles par les soldats israéliens ont été largement diffusés.

De nombreuses femmes qui ont été témoins de violences sexuelles ou qui ont elles-mêmes été agressées ont refusé de parler à MEE, compte tenu du caractère sensible du sujet.

« L’armée nous a enfermées dans l’hôpital pendant plus d’un mois », a déclaré Alaa, qui a préféré n’utiliser que son prénom.

Lorsque les chars ont fait irruption et que les soldats sont entrés, ils ont demandé aux femmes d’enlever leurs vêtements, a-t-elle ajouté.

« Aucune d’entre nous n’a obtempéré, alors ils nous ont emmenées dans la salle al-Farid, où ils nous ont ordonné d’enlever nos hijabs, ce que nous avons également refusé. Des soldats masculins sont alors arrivés et ont commencé à me tirer les cheveux par-dessus mon hijab, faisant de même avec les autres femmes », a-t-elle expliqué à MEE.

Tout au long de l’agression, qui a duré plusieurs heures, Alaa a déclaré que les soldats israéliens « ont proféré des insultes ignobles et nous ont maudites devant les hommes, tout en nous battant et en nous humiliant ».

Les soldats ont déclaré qu’ils voulaient donner une leçon à ceux qui n’avaient pas respecté les ordres d’évacuation, et se sont moqués des femmes et des hommes qui « essayaient de jouer les héros » en restant dans le nord.

Alaa a ajouté que les soldats ont agressé « même les personnes âgées », les obligeant à se déshabiller et se moquant d’elles.

« Une femme âgée qui se trouvait avec nous portait une robe de prière deux pièces, composée d’un hijab et d’une jupe. Les soldats, sous la menace d’une arme, l’ont forcée à enlever les deux sans raison apparente ».

» Après qu’elle se soit déshabillée, ils lui ont demandé en se moquant d’elle de se rhabiller ».

La dernière offensive terrestre dans le nord de la bande de Gaza dure depuis le début du mois d’octobre. Les forces israéliennes ont tué, blessé et arrêté des milliers de personnes dans le cadre de cette offensive.

Depuis le début de la guerre qui a suivi les attaques menées par le Hamas le 7 octobre 2023, les forces israéliennes ont tué plus de 46 500 personnes et en ont blessé près de 110 000 autres, selon le ministère palestinien de la santé.

Les experts estiment que le nombre réel de morts est probablement beaucoup plus élevé.

Source : Middle East Eye

Traduction : JB pour l’Agence Média Palestine

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