La fondation Hind Rajab enquête sur les crimes commis par les soldats israéliens et œuvre afin qu’ils soient reconnus et punis comme tels.
Par l’Agence Média Palestine, le 3 février 2025

La fondation Hind Rajab porte le nom d’une enfant de 5 ans, tuée par des soldats israéliens à Gaza il y a tout juste un an, dans des circonstances effarantes : le 10 février 2024, Hind Rajab était retrouvée morte après avoir passé près de deux semaines enfermée dans une voiture avec sa famille décédée, encerclée par les forces militaires israéliennes et criblée de tirs.
Une enquête menée par Forensic Architecture, Al Jazeera’s Fault Lines et l’ONG Earshot a révélé que la voiture dans laquelle Rajab a été tué avait été touchée par 335 balles, la plupart des impacts provenant du côté droit du véhicule. L’enquête a également révélé que le char israélien qui a tiré sur le véhicule dans lequel Rajab était enfermé devait se trouver à une distance comprise entre 13 et 23 mètres lorsqu’il a tué Layan, le cousin de Rajab, âgé de 15 ans. « Il n’est pas plausible que le tireur n’ait pas vu que la voiture était occupée par des civils, y compris des enfants », a conclu l’enquêteur.
Un enregistrement audio de l’appel que Hind Rajab avait passé aux secouristes peu de temps avant de mourir, où on entend cette petite fille appeler à l’aide alors que des tirs retentissent, avait été diffusé et suscité beaucoup d’émotion. Sa mort est devenue un symbole pour les militant·es solidaires avec le peuple gazaoui du monde entier. C’est donc en Belgique que l’association Hind Rajab a choisit ce nom, pour lui rendre hommage et lutter contre l’impunité des crimes israéliens.
Punir les soldat·es israélien·nes
Mais la fondation ne s’en prend pas à Israël en tant qu’État, elle adopte une approche différente : elle s’en prend aux soldat·es israélien·nes elles et eux-mêmes. Depuis maintenant un an, cette association « parcourt Internet et les réseaux sociaux pour recueillir des preuves de génocide, de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre. Notre équipe juridique prépare ensuite un dossier basé sur ces preuves et le soumet à la Cour pénale internationale (CPI) ou aux procureurs locaux compétents. »
Dans un document déposé le 8 octobre auprès de la Cour pénale internationale(CPI), à La Haye, la fondation Hind Rajab a identifié un millier de soldats israéliens qu’elle estime devoir être poursuivis par la Cour, en se fondant sur 8 000 éléments de preuve, y compris les messages publiés par les soldat·es elles et eux-mêmes sur les médias sociaux depuis la bande de Gaza ravagée.
Parmi les actes dont les recrues et les officier·es israélien·nes se sont vanté·es sur Facebook, Instagram, Snapchat, TikTok, Telegram et d’autres réseaux de médias sociaux : bombardements aveugles, assassinats ciblés de non-combattants, y compris le personnel médical, les journalistes et les civils brandissant des drapeaux blancs, destruction gratuite de maisons, d’hôpitaux, d’écoles, de marchés et de mosquées, privation forcée de nourriture et pillage.
Un cadre légal à saisir
Contactée par l’Agence Média Palestine, la fondation nous explique être « convaincue que nos preuves solides parleront d’elles-mêmes et garantiront un processus judiciaire équitable et la justice pour les victimes du génocide qui se déroule à Gaza. »
« La plupart de nos affaires sont basées sur le cadre juridique international établi par le Statut de Rome – qui définit et régit la poursuite des crimes internationaux – et ce parce qu’une grande majorité de pays (125) y sont parties. Ces états doivent donc coopérer pleinement avec la CPI dans ses enquêtes et poursuites des crimes relevant de la compétence de la Cour (article 86 du Statut de Rome).
Selon les cas, nous nous appuyons sur les articles suivants pour définir les différents crimes que nous avons identifiés grâce aux preuves recueillies :
• L’article 6 : qui définit le génocide comme des actes commis dans l’intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux ;
• Article 7 : qui définit les crimes contre l’humanité comprenant le meurtre et l’extermination résultant de la destruction d’habitations civiles, la persécution et les actes inhumains qui ont infligé de graves souffrances à la population civile ;
• l’article 8, qui définit les crimes de guerre, notamment le fait de prendre délibérément pour cible des biens de caractère civil, de détruire sans nécessité des biens de caractère civil et de porter atteinte à la dignité de la personne. »
Outre ces 1000 noms fournit à la CPI, la fondation fait également appel à la responsabilité individuelle des Nations qui en font partie, afin qu’elles procèdent à l’arrestation et à l’ouverture d’enquêtes concernant leurs propres ressortissants bi-nationaux ou certains soldat·es qui séjournent sur leurs territoires pour des vacances. Des plaintes ont ainsi été déposées en Autriche, en Allemagne, en Espagne, en Italie, en Suède, en Thaïlande et en Équateur. Plusieurs tentatives d’arrestation, au Brésil et en Argentine, n’ont pas abouti, les soldats ayant été prévenus et ayant pris la fuite.
La fondation salue l’arrivée du cessez le feu comme un soulagement, mais rappelle que « les crimes ont déjà été commis et la justice doit être rendue. Pour nous, rien ne change, si ce n’est que nous aurons peut-être plus de possibilités de rassembler des preuves maintenant qu’il y aura une certaine forme de fin au génocide en cours à Gaza. »