Notre point sur la situation cette semaine en Cisjordanie, où l’armée continue sa brutale opération « mur de fer », qui a tué plus de 52 Palestinien·nes et en a forcé près de 40 000 autres à être déplacé·es.
Par l’Agence Média Palestine, le 2 mai 2025

Le 29 avril, le Secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres a dénoncé que dans la Cisjordanie occupée, y compris Jérusalem-Est, « les opérations militaires israéliennes et l’utilisation d’armes lourdes dans les zones résidentielles, les déplacements forcés, les démolitions, les restrictions de mouvement et l’expansion des colonies modifient radicalement les réalités démographiques et géographiques ». Il a souligné que les Palestiniens sont « confinés et contraints » – confinés dans des zones confrontées à une intensification des activités militaires et à une pression croissante sur l’Autorité palestinienne, et contraints de quitter les zones touchées par l’expansion des colonies. Le Secrétaire général a noté que « la violence des colons se poursuit à un niveau alarmant dans un climat d’impunité », certaines attaques étant « encouragées par des soldats israéliens ».
Entre le 22 et le 28 avril, les forces israéliennes ont tué deux Palestinien·nes, tous deux des enfants, et blessé au moins 49 autres personnes dont 10 enfants, dans toute la Cisjordanie. Un autre Palestinien a succombé à ses blessures après avoir été blessé par balle par les forces israéliennes le 1er février 2025. En outre, six Palestinien·nes ont été blessé·es par des colons israéliens et six autres ont été blessé·es par des tirs à balles réelles sans qu’il soit possible de déterminer s’ils ont été tirés par les forces israéliennes ou par des colons.
Le 23 avril 2025, des soldats israéliens ont criblé de balles un enfant de 12 ans, dans la localité d’Al-Yamoun à l’ouest de la ville de Jénine. Mahmoud Mithqal Abu Al-Haija a reçu plusieurs balles à la jambe et à l’abdomen. Transféré en urgence à l’hôpital gouvernemental de Jénine, il y est mort quelques heures plus tard. Le 25 avril, les forces israéliennes ont abattu un garçon palestinien de 17 ans dans le village de Salim, dans le gouvernorat de Naplouse. Selon le conseil du village, les forces israéliennes ont fait irruption dans le village et auraient tiré sur le garçon alors qu’il fermait la boutique de son père et s’apprêtait à partir. Une vidéo de surveillance montre que les soldats ont empêché les voisin·es de lui porter secours pendant quinze minutes.
Les forces israéliennes tiré des gaz lacrymogènes et des balles en caoutchouc sur un groupe de personnes qui tentaient de franchir la barrière de Cisjordanie à la recherche de travail, causant la mort de l’un d’entre eux. Depuis le 7 octobre 2023, 10 Palestiniens ont été tués et plus de 100 blessés dans des circonstances similaires, rapporte le dernier bilan de l’OCHA.
Près de 960 Palestinien·nes ont été tué·es et plus de 7 000 autres blessé·es lors d’attaques menées par l’armée israélienne et des colons illégaux en Cisjordanie depuis le début de la guerre à Gaza en octobre 2023.
100eme jour de l’opération « mur de fer »
Depuis 100 jours maintenant, l’armée israélienne poursuit son offensive « mur de fer » dans le nord de la Cisjordanie, et continue d’imposer des restrictions d’accès et de mener des raids dans et autour des villes du nord de la Cisjordanie, empêchant des dizaines de milliers de personnes déplacées continuent d’être empêchées de retourner dans leurs foyers et leurs communautés à Tulkarem et Jénine. Cette opération, lancée au lendemain du cessez-le-feu conclu à Gaza le 19 janvier dernier, a vu au moins 52 Palestinien·nes assassiné·es, plus de 40 000 personnes déplacées et au moins 860 arrestations et détentions arbitraires.
Le 25 avril, le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme (HCDH) a publié une déclaration sur la détérioration de la situation humanitaire et des droits de l’homme dans le territoire palestinien occupé, soulignant que les violences commises par les colons et les opérations menées par les forces israéliennes continuent de faire des morts et des blessés parmi les Palestinien·nes. Concernant les opérations en cours dans le nord de la Cisjordanie, le HCDH a déclaré que « les forces de sécurité israéliennes [continuent] d’empêcher les Palestinien·nes de retourner dans leurs foyers dans les camps de réfugiés de Jénine et de Tulkarem, tout en procédant à des destructions massives, en créant des voies d’accès et des barrières à l’intérieur des camps et en menant des raids quotidiens dans les villes et villages palestiniens ». En outre, il a mis en garde contre la perspective d’un déplacement permanent : « Chaque jour que cette opération se poursuit, la perspective pour les Palestiniens des camps touchés de pouvoir retourner dans leurs foyers s’amenuise, ce qui risque d’entraîner le déplacement permanent de Palestiniens des principaux centres de population de Cisjordanie, ce qui équivaut à un transfert forcé ».
Selon la municipalité de Jénine, le 26 avril, les forces israéliennes ont ordonné à plus de 20 familles de quitter leurs maisons dans le quartier d’Az Zahra, au nord du camp de réfugiés de Jénine. Les forces auraient ensuite fouillé les maisons et autorisé les habitants à rentrer après environ trois heures. Le 29 avril, la municipalité de Jénine a signalé que les forces israéliennes avaient mené un raid dans le quartier est de la ville, endommagé environ 200 mètres de routes et arrêté cinq personnes, dont une femme. Selon la municipalité de Tulkarem, pour la deuxième semaine consécutive et malgré l’accord initial des autorités israéliennes, les forces israéliennes ont empêché la réhabilitation de la route Nablus-Tulkarm, près du camp de réfugiés de Nur Shams, et ont bloqué la route à l’aide de pneus et de monticules de terre. Le 30 avril, la municipalité de Tulkarem a signalé que plus de 10 familles du quartier est, près du camp de réfugiés de Tulkarem, avaient reçu l’ordre de partir par les forces israéliennes.
Toutes ces mesures, combinées à la présence militaire continue et à la reconfiguration des infrastructures des camps, risquent d’empêcher davantage le retour des résidents déplacés, les camps de réfugiés de Jénine et de Tulkarem restant actuellement en grande partie vides.
L’escalade des démolitions pour vider des zones entières
Selon les données de l’ONU, en 2023, Israël a démoli 1 178 propriétés palestiniennes en Cisjordanie. Ce chiffre a grimpé en flèche pour atteindre 1 768 en 2024, et depuis le début de l’année 2025, Israël a déjà démoli 627 propriétés palestiniennes. Cette vague de démolitions a eu pour effet de vider de leur présence physique de vastes zones de la Cisjordanie, tout en limitant l’expansion urbaine des Palestiniens dans leurs lieux de résidence actuels.
« Dans tous les cas, les démolitions israéliennes poursuivent un objectif stratégique, qui est de pousser les Palestiniens à quitter silencieusement la Cisjordanie », note Khalil Tafakji, expert palestinien des colonies. « Mais aujourd’hui, cela s’accélère. Lorsqu’une famille palestinienne perd en un jour le fruit du travail de toute une vie et n’a nulle part où aller, elle s’installe dans le centre des villes ou quitte le pays dès que l’occasion se présente », explique-t-il.
Cette dernière vague de démolitions a été précédée, au début du mois, par des déclarations du ministre israélien des Finances, Bezalel Smotrich, selon lesquelles les « constructions illégales » des Palestiniens étaient devenues un « fléau » pour Israël. Les déclarations de Smotrich s’inscrivent dans le contexte de son annonce d’une « révolution » dans l’expansion des colonies en Cisjordanie, « sans précédent depuis 1967 ». La même semaine, le cabinet israélien a approuvé un vaste projet d’infrastructure visant à diviser la Cisjordanie en deux, isolant ainsi la circulation palestinienne à l’est de Jérusalem, où Israël prévoit d’étendre ses colonies jusqu’à la vallée du Jourdain.