Gaza, jour 340 : survivre aux bombes, aux mines, aux épidémies et à la famine

Alors que la situation continue de s’aggraver en Cisjordanie, les massacres se poursuivent à Gaza avec plus de 240 Palestinien·nes assassinées depuis le début du mois de septembre. Point sur la situation au 340eme jour de la guerre génocidaire menée par Israël dans l’enclave palestinienne.

Par l’Agence Média Palestine, le 10 septembre 2024

Pour la deuxième année scolaire consécutive, plus de 600 000 élèves de Gaza sont privés d’accès à l’éducation formelle, alors que le 9 septembre aurait marqué la rentrée des classes. Selon le ministère palestinien de l’éducation, plus de 10 000 élèves ont été tués et 90 % des bâtiments scolaires ont été endommagés depuis octobre 2023. De plus, selon une évaluation menée par le Cluster éducation, l’UNICEF et Save the Children, 53 % des écoles abritant des personnes déplacées ont été directement touchées. Parmi les exemples récents, on peut citer les massacres des 6 et 7 septembre, au cours desquels 12 Palestinien·nes ont été tué·es lorsqu’une tente abritant des personnes déplacées dans l’école Halima Al Sadia du camp de Jabalya et une salle de prière à l’intérieur de l’école Amr Ibn Al Aas dans la ville de Gaza, ont été bombardées. Selon l’UNRWA, aucun enseignement officiel n’est dispensé dans l’une de ses 200 écoles, mais des activités récréatives et un soutien psychosocial sont proposés dans certaines d’entre elles.

Des bombardements quotidiens

L’armée israélienne poursuit ses bombardements et attaques terrestres sur l’ensemble de la bande de Gaza et en particulier à Beit Hanoun, au sud-ouest de la ville de Gaza, à l’est de Khan Younis et Deir al Balah, ainsi qu’à l’est et au sud de Rafah. Des combats intenses et des tirs de roquettes ont également été signalés.

Au moins 40 972 Palestinien·nes ont été assassiné·es par Israël depuis le 7 octobre 2024, et 94 761 autres ont été blessé·es, selon le rapport de l’OCHA daté du 9 septembre 2024. Le ministère de la santé de Gaza faisait état le même jour d’au moins 204 Palestinien·nes tué·es entre le 2 et le 8 septembre. Pour cette seule journée du 9 septembre, Al Jazeera annonce au moins 20 nouvelles victimes, résultant d’attaques aériennes rapportées par leurs correspondants au nord de Gaza, notamment à Jabalya où des témoins dénoncent tirs sur des habitations.

Le 10 septembre, au moment de la rédaction de cet article, une attaque a été rapportée dans la zone dite « humanitaire » d’al-Mawasi, dont le bilan provisoire est d’au moins 40 mort·es. La zone visée fait partie des 11% de l’enclave palestinienne désignés comme « sûrs » par l’armée israélienne, dans la quelle des milliers de civils se pressent depuis des jours, fuyant les ordres d’évacuation. Cette attaque, survenue apparemment sans avertissement pour les civils, est décrite comme « l’un des massacre les plus horribles » depuis le début de l’offensive génocidaire d’Israël.

La présence d’objets explosifs (OE) ou de munitions non-explosées dans les décombres ou les précédentes zones de combats inquiètent les humanitaires. Le 3 septembre, une enfant palestinienne aurait été grièvement blessée par l’explosion d’une mine dans le sud-ouest de Khan Younis, avant de mourir de ses blessures le lendemain. Bien que le nombre exact de victimes de type d’engins n’est soit pas connu, des sources humanitaires affirment que plusieurs décès y sont liés. Les enfants courent un risque accru d’y être exposés, car ils et elles jouent généralement à l’extérieur, ont tendance à chercher des débris parmi les ordures et les décombres et ne sont pas sensibilisé·es aux dangers des OE.

La lutte anti-mines est un enjeu critique, alors que l’armée continue de déplacer la population d’une zone à l’autre de l’enclave. Le manque de matériel et les multiples ordres d’évacuation émis par Israël ont contraint les ONGs à suspendre temporairement leurs campagnes d’information et de prévention. Dans une enquête menée par Cluster Protection en juillet et août, 89 % des personnes interrogées n’avaient pas reçu de matériel de sensibilisation aux OE dans leur communauté et 72 % ne savaient pas où signaler la découverte d’OE ou un incident où une personne est touchée par l’une d’entre elles.

Un enfant palestinien assis parmi les décombres de maisons détruites lors d’une frappe israélienne à Khan Younis, dans le sud de la bande de Gaza. Photo : Ibraheem Abu Mustafa/Reuters

La lutte contre les épidémies se met en place

Les épidémies liées à la destruction des infrastructures sanitaires, à la famine et aux déplacements forcés des populations constituent un risque élevé pour la vie des gazoui·es.

La polio, éradiquée il y a 25 ans, a réapparu dans la bande de Gaza, où le virus a été découvert mi-août chez un bébé de 10 mois. Sa famille, installée dans le centre du territoire palestinien, avait été déplacée plusieurs fois par la guerre et les ordres d’évacuation de l’armée israélienne et a expliqué qu’elle n’avait jamais pu le faire vacciner, tout comme la quasi-totalité des enfants gazaouis.

Suite à cette découverte, une vaste campagne de vaccination a été lancée, et des ONGs qui la portent ont plaidé en faveur d’un cessez-le-feu afin de pouvoir protéger les populations civiles et le personnel humanitaire. Si la « trêve polio » promise ne semble pas avoir été respectée par l’armée israélienne, les agents de santé ont maintenu leurs objectifs.

Le 5 septembre, la deuxième phase de la campagne de vaccination contre la polio a débuté dans le sud de Gaza, où quelque 517 équipes, dont 384 équipes mobiles, ont été déployées, avec pour objectif d’atteindre 340 000 enfants en quatre jours. La campagne s’est déplacée vers le sud après l’achèvement réussi de la première phase dans le centre de Gaza le 3 septembre, où plus de 187 000 enfants de moins de 10 ans ont été vaccinés en trois jours. Ce chiffre dépasse l’objectif estimé de 157 000 enfants. Les vaccins ont été administrés dans 143 sites fixes, notamment des hôpitaux et des centres de soins de santé primaires, des camps de personnes déplacées, des itinéraires de transit importants et des lieux de rassemblement public tels que des sites d’apprentissage temporaires, des points de distribution de nourriture et d’eau. Pour s’assurer qu’aucun enfant n’est oublié, quatre grands établissements de santé du centre de Gaza continueront d’offrir des vaccins pendant quelques jours encore.

La troisième et dernière phase doit se dérouler dans le nord de Gaza du 9 au 11 septembre et cibler environ 150 000 enfants. L’UNICEF indique que les 1,6 million de doses de vaccin oral contre la polio de type 2 (nOPV2) sont nécessaires pour vacciner tous les enfants de moins de 10 ans, la deuxième cargaison étant arrivée le 3 septembre. Cette dernière phase reste dépendante de la situation sécuritaire.

Le 9 septembre en effet, l’armée israélienne a émis un nouvel ordre d’évacuation, le premier depuis le 25 août, concernant quatre quartiers du nord-ouest de Beit Lahia et de Jabalya, dans le nord de la bande de Gaza. Or certaines parties de ces zones sont incluses dans la campagne de vaccination contre la polio en cours, ce qui risque d’entraver les opérations. Le maintien de ces ordres aggrave la crise humanitaire pour des centaines de milliers de personnes, en particulier celles qui ont été déplacées à plusieurs reprises. Au 9 septembre, et depuis octobre 2023, plus de 55 ordres d’évacuation sont toujours en vigueur, couvrant jusqu’à 86 % de la bande de Gaza. Depuis le 9 septembre, seuls 11 % de la bande de Gaza n’ont pas fait l’objet d’un ordre d’évacuation.

La famine continue de tuer

Le 8 septembre, l’agence de presse palestinienne WAFA annonçait la mort de Yaqeen Al-Astal, une enfant plaestinienne décédée des suites de malnutrition et de déshydratation. Au moins 37 Palestinien·nes, principalement des enfants, sont mort·es de faim depuis le 7 octobre 2024.

Michael Fakhri, enquêteur indépendant des Nations Unies sur le droit à l’alimentation accuse Israël d’avoir mené une « campagne de famine » contre les Palestiniens pendant la guerre à Gaza. Dans son rapport publié le 7 septembre, l’enquêteur affirme que cette campagne a commencé le 9 octobre 2024, lorsque l’offensive militaire israélienne a bloqué toutes les livraisons de nourriture, d’eau, de carburant et d’autres produits à Gaza.

« En décembre, les Palestiniens de Gaza représentaient 80 % des personnes souffrant de famine ou de faim catastrophique dans le monde », a déclaré M. Fakhri. « Jamais, dans l’histoire de l’après-guerre, une population n’avait été confrontée à la faim aussi rapidement et aussi complètement que ce fut le cas pour les 2,3 millions de Palestiniens vivant à Gaza. »

Selon l’OCHA, la sécurité alimentaire dans la bande de Gaza se détériore encore en raison des pénuries critiques de produits d’aide, des hostilités en cours, de l’insécurité, des routes endommagées, des restrictions d’accès et de l’effondrement de la loi et de l’ordre.

Malgré les efforts constants des partenaires humanitaires, plus d’un million de personnes n’ont pas reçu de rations alimentaires dans le sud et le centre de la bande de Gaza au cours du mois d’août ; les familles ne pourront recevoir qu’un seul colis alimentaire au cours du cycle de distribution de septembre. Dans le nord de la bande de Gaza, la distribution de nourriture a été suspendue en juillet et en août en raison des ordres d’évacuation de la ville de Gaza et du nord de la bande de Gaza. Par conséquent, chaque famille recevra une ration mensuelle de deux colis alimentaires.

Les multiples ordres d’évacuation émis par Israël ont contraint environ 70 cuisines à déménager ou à suspendre la fourniture de repas cuisinés. On observe en conséquence une baisse de 35 % des repas fournis quotidiennement aux familles de la bande de Gaza à la fin du mois d’août, avec environ 450 000 repas préparés dans 130 cuisines par rapport aux 700 000 repas dans plus de 200 cuisines au début du mois de juillet.

L’accès humanitaire reste gravement entravé, le nombre de missions refusées par les autorités israéliennes à l’intérieur de Gaza ayant presque doublé en août par rapport à juillet (105 contre 53). D’autres facteurs affectent l’accès : les hostilités en cours, le manque de sécurité interne (y compris le pillage) et les attaques contre les convois d’aide, la présence de munitions non-explosées, la destruction des principales routes de liaison et les conditions aux points de contrôle israéliens.

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